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Nouvelle parution
L. Hébert et L. Guillemette (dir.), Intertextualité, interdiscursivité et intermédialité

L. Hébert et L. Guillemette (dir.), Intertextualité, interdiscursivité et intermédialité

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Louis Hébert)

Intertextualité, interdiscursivité et intermédialité


Sousla direction de Louis Hébert et Lucie Guillemette


Presses de l'Université Laval, coll. "Vie des signes", 2009, 512 pages

Intertextualité, interdiscursivité et intermédialité.L'évidence de l'existence lexicale et la familiarité relative destermes masquent leur polysémie. Au sens le plus fondamental,intertextualité, interdiscur­sivité et intermédialité apparaissentévidemment dans la coprésence et la corrélation, respectivement, deplusieurs textes, de plusieurs discours et de plusieurs médias. Reste –et ce n'est pas la moindre des choses – à préciser le statut, lesmodalités et les effets de ces interactions en général et dans desproductions attestées.

Ce livre entend faire progresser le savoir sur l'objet de connaissancerecouvert par chacun des trois termes et qui se crée à leur rencontre.Il convoque différentes disciplines : sémiotique, linguistique,littérature, théâtre, cinéma, architecture, communications, télévision,histoire de l'art, etc. Il étudie différents objets : écriture, texteslittéraires, témoignages génocidaires, architecture des lieux de culte,mode vestimentaire, etc. Il comporte notamment des chapitres deJean-Marie Klinkenberg (Groupe μ), de Claude Zilberberg et de BernardLamizet.

Lucie Guillemette

LucieGuillemette est vice-rectrice aux études de cycles supérieurs et à larecherche à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). De 1991 à2007, elle a été professeure de littérature contemporaine et dethéories féministes au Département de lettres et communication sociale.Ses recherches subventionnées (Fonds de recherche sur la société et laculture, Conseil de recherches en sciences humaines) portent sur lesrégimes d'intertextualité et le discours social à l'oeuvre dans le romanquébécois pour la jeunesse produit par des femmes (1950-2000). Elle estl'auteure de nombreuses études consacrées à l'écriture des femmes et àla circulation des discours savants dans le roman québécois pour lajeunesse. En collaboration avec Louis Hébert, Lucie Guillemette arédigé un ouvrage décrivant les « signes des temps » selon uneperspective sémiotique (Signes des temps. Temps et temporalités des signes,Presses de l'Université Laval). Elle prépare actuellement un livreportant sur l'interaction des discours savants et littéraires dans leroman contemporain pour la jeunesse.

Louis Hébert

LouisHébert est professeur au Département de lettres de l'Université duQuébec à Rimouski (UQAR). Ses recherches touchent principalement lasémiotique (textuelle et visuelle), la sémantique interprétative,l'onomastique, Magritte, les textes et les concepts du bouddhisme. Il apublié Dispositifs pour l'analyse des textes et des images (Presses de l'Université de Limoges) et Introduction à la sémantique des textes (Honoré Champion) et a dirigé Le plaisir des sens. Euphories et dysphories des signes (Presses de l'Université Laval) et codirigé, avec Lucie Guillemette, Signes des temps. Temps et temporalités des signes (Presses de l'Université Laval).  Enfin, il est directeur de Signo – Site Internet de théories sémiotiques(www.signosemio.com) et d'une base de données Internet sur laquasi-totalité des oeuvres et des thèmes de Magritte (en accès filtréseulement).

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Extrait:

Intertextualité, interdiscursivité, intermédialité. L'évidence de l'existence lexicale et la familiarité relative des termes masquent la polysémie de leur signifié. Le premier objectif du colloque à l'origine de ce livre était de spécifier les acceptions existantes et d'en proposer de nouvelles, s'il y a lieu ; le second, de faire progresser le savoir sur l'objet de connaissance recouvert par chacun d'eux ou qui se crée à leur rencontre.

À titre heuristique, énonçons ces quelques propositions. Chacun de ces termes désigne à la fois une relation et une (des) théorie(s). Chacun mériterait un livre entier. Toutefois, ils apparaissent fortement interreliés si ce n'est interdéfinis, ce qui justifie une approche conjointe. En particulier, s'il faut en croire Méchoulan dans la présentation de la revue Intermédialités (s.d.), intertextualité, interdiscursivité et intermédialité correspondent chacun à une étape historique de la construction théorique des objets sémiotiques :

« Après l'intertextualité qui visait à sortir le texte de son autonomie supposée et lire en lui la mise en oeuvre d'autres textes préexistants, le restituant à une chaîne d'énoncés ; après l'interdiscursivité qui saisissait que l'unité est constituée des multiples discours que ramasse et traverse le texte ; voici l'intermédialité qui étudie comment textes et discours ne sont pas seulement des ordres de langage, mais aussi des supports, des modes de transmission, des apprentissages de codes, des leçons de choses. Autrement dit, ces matérialités de la communication font partie du travail de signification et de référence [;] de même que les productions symboliques, les Idées ne flottent pas dans un éther insondable ou ne sont pas seulement des constructions spirituelles étrangères à leurs composantes concrètes. »

Deux remarques. D'abord, Méchoulan considère que les trois phénomènes décrivent le mode d'être au monde même des productions sémiotiques : il ne s'agirait pas de propriétés possibles, contingentes mais de propriétés essentielles, d'attributs. Ensuite, le concept d'intermédialité est sous-tendu ici par une thèse répandue – sujette à débats et à raffinements – qui veut que le « sensible » (signifiants, médias, forme, etc.) détermine fortement, voire totalement (« Le médium, c'est le message », dit McLuhan), l'« intelligible » (signifiés, messages, fond, etc.). Cette thèse est souvent appliquée aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) : certes celles-ci appellent, génèrent de nouveaux contenus, de nouvelles textualités, mais il ne faut pas pour autant occulter la part traditionnelle (et même rituelle) à l'oeuvre dans l'investissement pragmatique et artistique de tout nouveau média (par exemple, du papyrus au livre imprimé, puis au livre électronique). Mais qu'est-ce qu'un média ? Comme le note Pavis (2002 : 200),

« La notion est des plus mal cernées. Le média semble se définir essentiellement par une somme de caractéristiques (possibilités et potentialités) techniques, par la manière technologique dont il est à la fois produit, transmis et reçu, dont il est reproductible à l'infini. Le média n'est donc pas lié à un contenu ou à une thématique donnés, mais à un appareil et à un état présent de la technologie. Et pourtant, cette technologie de la reproduction mécanique et de la production de l'oeuvre d'art implique une certaine esthétique, elle n'est utile que lorsqu'elle est concrétisée dans une oeuvre particulière et singulière, ou appréciée dans un jugement esthétique ou éthique. »

Dans l'intermédialité, au moins deux formes relevant de médias distincts sont rendues coprésentes ; cette coprésence connaît divers degrés d'intensité et diverses natures, allant de la forte coprésence syncrétique (multimédia) à l'emprunt limité (un éclairage cinématographique implanté au théâtre), de la coprésence factuelle (un film projeté durant un pièce de théâtre) à la coprésence par transposition (le « montage » cinématographique d'un roman). L'intermédialité peut se réaliser non seulement dans une production sémiotique donnée mais au sein même de l'instance de réception (évidemment, cela n'exclut pas une relation intermédiale qui s'établit entre le produit et sa réception) : c'est ce que suggère Pavis en parlant du corps et de l'esprit de l'homme moderne modelés par les nouveaux médias. La numérisation de l'écrit, du son et de l'image permet aujourd'hui « une nouvelle forme d'intégration de tous les médias traditionnels sur une seule plate-forme, connue sous le nom de multimédia » (Michon et Saint-Jacques, 2002 : 362). L'intermédialité, phénomène a priori transhistorique, apparaît donc aussi fortement actuelle.

Mais revenons au premier terme de la triade. L'intertextualité peut être comprise dans un sens plus ou moins restreint. Ainsi pour Piégay-Gros, elle implique une production cible écrite et littéraire (donc un texte, au sens fort), même si les productions sources peuvent, tout en étant nécessairement écrites, être non littéraires (par exemple, Le paysan de Paris, roman d'Aragon, cite un menu). Cependant, ces restrictions, à notre avis, ne doivent pas être aprioriques mais méthodologiques, et « texte » pourra donc être entendu au sens (large) de « production sémiotique », indépendamment des média et des supports en cause (texte oral ou écrit, image, objet de design, concept de marketing, etc.). Distinguons trois grandes sortes de relations où le texte est pris pour relatum (pour un aperçu de la productivité de « texte » dans le vocabulaire des études textuelles, voir Gervais 1998) :

1. L'autotextualité : un texte renvoie à lui-même ;

2. L'intertextualité : un texte renvoie à un ou des textes ;

3. L'architextualité : un texte-occurrence renvoie à son type (ou à ses types), c'est-à-dire à son genre (par exemple, le roman d'aventures) ou, plus généralement, au discours dont il relève (par exemple, la littérature) ou à ce qui constitue l'« essence » de ce discours (par exemple, la littérarité). Dans son sens large, cette relation peut également recouvrir les renvois à un type dont ne relève pas l'occurrence.

Nous croyons que ces trois relations, de même que leurs sous-espèces, sont susceptibles de se décliner en trois formes, selon qu'elles sont considérées comme essentielles (ou fondamentales) ou accidentelles (ou facultatives) et, dans ce dernier cas, comme thématisées ou non (pour des précisions, voir le chapitre d'Hébert dans ce livre).

Prenons l'intertextualité. Il est évidemment possible de distinguer entre différents statuts donnés à l'intertextualité d'une théorie à l'autre et entre différentes sous-catégories qui l'articulent au sein d'une même théorie. Nous voyons deux grands statuts possibles de l'intertextualité, comme propriété nécessaire ou contingente. La version forte de la thèse intertextuelle est de considérer que tout texte renvoie à un nombre indéfini et élevé de textes (« tout texte se construit comme mosaïque de citations », selon Kristeva (1969 : 85)), voire à tout texte (antérieur). L'intertextualité facultative thématisée se trouve parfaitement illustrée par la citation qui, par définition, reprend des contenus du texte cité. Il y aura intertextualité facultative non thématisée si, par exemple, nous considérons, à tort ou à raison, qu'un texte évoque les poésies de Verlaine parce qu'il utilise la versification impaire qu'affectionnait le poète. Par ailleurs, cette relation peut être considérée comme directe ou indirecte ; par exemple, Fontanille (1999 : 133) place un « schéma intersémiotique » commun (qui peut correspondre à une « forme de vie » (Wittgenstein)) comme élément médiateur entre intertextes.

Quelques mots sur les sous-catégories. Des théories opposent les intertextualités restreinte (entre textes d'un même auteur) et générale (entre textes d'auteurs différents) (Ricardou, 1975 : 10-13[1]) ; aléatoire et obligatoire[2] (nécessaire pour actualiser des contenus prescrits) (Riffaterre, 1983 : 238). Par ailleurs, nous plaçant dans une perspective métathéorique, nous avons plus haut défini l'intertextualité dans un sens plus large que ne le fait Genette (1982 : 8) et avons englobé ce qu'il appelle l'intertextualité (au sens restreint : citation, plagiat, allusion), la métatextualité (relation de commentaire d'un texte par un autre) et l'hyper/hypotextualité (lorsqu'un texte se greffe sur un texte antérieur qu'il ne commente pas mais transforme (parodie, travestissement, transposition) ou imite (pastiche, faux, etc.), celui-là est l'hypertexte et celui-ci l'hypotexte). Quant aux éléments dits paratextuels, ils participeront, selon le statut qu'on leur accorde, d'une relation intertextuelle si on les considère comme externes au texte, d'une relation intratextuelle si on les considère comme internes au texte, ou d'une relation proprement paratextuelle. Le débat sur le caractère intra ou extratextuel du titre illustre bien ces trois possibilités typologiques.

Maintenant, le second terme de la triade. « Discours » est, on le sait, un terme fortement polysémique ; il ne peut qu'en aller de même pour « interdiscursivité ». Les typologies discursives prennent notamment appui sur :

1. Les champs de l'activité humaine (discours littéraire, romanesque, journalistique, scientifique, philosophique, sportif, etc.) ;

2. Les positions dans un champ discursif (discours bourgeois, prolétaire, communiste, surréaliste (selon Maingueneau (1996 : 28)), etc.) ;

3. Les catégories de locuteurs (discours des infirmières, des mères de famille, etc.) ;

4. Les fonctions du langage (discours polémique, prescriptif, etc.).

Quoi qu'il en soit, l'intertextualité et l'interdiscursivité se distingueraient et se compléteraient ainsi : la première est une relation de coprésence entre occurrences, entre tel et tel texte ; la seconde, entre types dont relèvent des occurrences (mais il existe aussi des acceptions occurrentielles de « discours », par exemple chez Foucault (1969)[3] et Fontanille (2003)). Nous avons proposé plus haut un élargissement de la notion de texte ; est-il nécessaire ou seulement possible d'en proposer un également pour la notion de discours ? La nature du substrat discursif reste à préciser. En particulier, s'agit-il d'une forme nécessairement linguistique (par exemple, le discours de la peinture est celui que l'on trouve dans les textes de critique d'art), éventuellement transposée (le discours de la critique d'art tel qu'il est inscrit plus ou moins obliquement dans les tableaux), ou d'une forme plus généralement sémiotique (le discours de la peinture dans les tableaux et le discours linguistique sur la peinture manifesteraient, de manière plus ou moins différenciée, un seul et même discours) ?

Les auteurs dont les textes sont ici rassemblés[4] veulent apporter leur contribution à la connaissance des trois thèmes à l'étude.

Dans l'article inaugural « Vers une typologie générale des fonctions de l'écriture. De la linéarité à la tabularité, ou l'espace écrit comme intermédialité », Jean-Marie Klinkenberg se propose d'élaborer une théorie générale de l'écriture conçue comme système sémiotique. L'originalité de cette contribution tient à la démonstration que l'écriture présente à la fois un caractère linéaire et un caractère spatial. C'est la relation intermédiale établie, cette fois, entre le graphique et le chromatique qui constitue le coeur du propos de Yong-Ho Choi, dans la mesure où ce dernier met à l'épreuve diverses hypothèses pour rendre compte de la couleur de la lettre.

Si André Gervais cherche à circonscrire les relations intertextuelles qui s'articulent au coeur d'un texte, Dominique Raymond évoque la notion de co-intertextualité qu'elle propose d'introduire aux systèmes notionnels déjà en vigueur. Toujours d'un point de vue théorique, Louis Hébert tente de montrer la place de l'intertextualité dans un ensemble de relations interdéfinies, si l'on songe à l'autotextualité, l'architextualité, l'autoreprésentation, etc.

Selon une perspective davantage orientée vers l'analyse d'oeuvres littéraires, Yves Landerouin s'intéresse d'une part à la critique créative et à son fonctionnement métatextuel. André Gervais, Niels Buch-Leander, Josiane Cossette et Isabelle Lachance interrogent, d'autre part, les notions d'intertextualité, d'interdiscursivité et d'intermédialité afin de percer les significations de textes poétiques, romanesques et dramatiques. En favorisant une lecture des intertextes et des interdiscours, Gervais met en évidence le rapport entre le poème et des éléments revisités de l'histoire du monde. Dans cette même optique, Cossette approfondit dans un roman la trajectoire de l'histoire et des savoirs grâce à l'intermédialité, alors que Lachance examine les tenants et les aboutissants historiographiques de la transposition d'une pièce de la Nouvelle-France. Quant à Lucie Guillemette, Marie-Claude L'Heureux, Mélanie Leclerc et Lucie Arsenault, elles se penchent sur les relations intertextuelles qui prévalent dans des corpus de littérature pour la jeunesse s'adressant autant à des adolescents qu'à des enfants. Le procédé intertextuel sert ainsi à effectuer une lecture du parcours identitaire de jeunes héroïnes puis à décrire le modèle fondateur du personnage de vampire transposé dans des fictions pour la jeunesse. C'est par ailleurs une grille d'analyse inspirée du postcolonialisme et du postmodernisme qui guide Patrick Imbert dans une étude s'attardant à la valorisation du tiers dans des textes littéraires et médiatiques tant au Canada qu'en Amérique latine. Michael Rinn, qui analyse des oeuvres littéraires portant sur le génocide au Rwanda, montre que l'intertextualité inscrit ces textes dans le domaine du vrai et du non-vraisemblable. Toujours dans une optique postcoloniale, Catalina Sagarra et Cynthia Lévesque se penchent sur des problématiques émanant de la domination (impériale et/ou patriarcale) dans des oeuvres romanesques québécoises ainsi que dans un texte africain, oeuvres dans lesquelles s'actualisent des interdiscours qui sémiotisent à divers degrés des apprentissages. Au moyen de la typologie de Genette portant sur la transtextualité, Janusz Przychodzen dégage d'un roman migrant une figure de la philosophie indienne.

Ce sont les arts visuels et les productions télévisuelles qui constituent les objets d'investigation de Bernard Lamizet, Lucie Roy, Gianfranco Marrone et Danielle Aubry. Si Lamizet montre que la figure brechtienne de la distanciation s'avère le moment fondateur de l'identité au théâtre, Roy interroge le rapport de l'image fixe à l'image en mouvement dans L'année dernière à Marienbad, en scrutant certains principes liés à l'intermédialité. Quant à Marrone, il discute les notions d'intertextualité, d'interdiscursivité et d'intermédialité à partir de l'analyse sémiotique d'une série télévisée italienne. Dans ce prolongement, Aubry s'intéresse aux confluences intermédiatiques en examinant la genèse d'un téléroman québécois.

Des productions télévisuelles aux théories de la communication, on peut également observer la marque des trajectoires intertextuelles et interdiscursives. À ce chapitre, Martine Versel et Olivier Laügt proposent une réflexion à visée théorique sur l'usage des concepts d'intertextualité et d'interdiscursivité dans le domaine de la communication et en analysent le transfert en sciences de l'information. Des textes factuels retiennent l'attention d'Anne-Marie Houdebine qui s'attarde à la notion de connotation exploitée pour les interprétations qui utilisent des éléments d'intertextualité, d'intericonicité et d'intermédialité comme interprétants externes, mobilisés conjointement. Thomas Broden se propose d'adapter les outils littéraires développés autour de la notion d'intertextualité pour explorer ce qu'il appelle l'« intervestimentalité ». L'auteur examine plus précisément comment le style vestimentaire d'une époque peut s'inspirer d'un style antérieur particulier en cherchant à s'approprier des formes aussi bien que les perspectives idéologiques qui s'y rattachent. À partir d'un corpus composé d'écrits de clients adressés à l'entreprise de service public de téléphonie français, Séverine Hutin montre la présence d'interdiscours susceptibles de rendre compte d'une pratique discursive déterminée. Emmanuel Nicolas traite de l'espace urbain et de ses manifestations textuelles dont il cherche à dégager les propriétés permettant d'appréhender les significations de pareil espace. Dans le but de décrire un espace culturel et cultuel et ses lieux de discours, Albert Levy met à contribution l'architextualité, l'intertextualité et l'intermédialité et rend compte de la spatialité religieuse.

En dernière instance, Claude Zilberberg se penche sur les bases anthropologiques des styles artistiques en prenant en compte le plan du contenu afin de montrer que les styles établissent des rapports de concession et non d'opposition.

Bibliographie

BARTHES, R. (1973), Le plaisir du texte, Paris, Seuil.

FONTANILLE, J. (1999), « L'intertextualité », Sémiotique et littérature, Paris, Presses universitaires de France, p. 129-158.

FONTANILLE, J. (2003), Sémiotique du discours, Limoges, Presses de l'université de Limoges.

FOUCAULT, M. (1969), L'archéologie du savoir, Paris, Gallimard.

GENETTE, G. (1982), Palimpsestes, Paris, Seuil.

GERVAIS, A. (1998), Petit glossaire des termes en « texte », Paris/Caën, Minard.

KRISTEVA, J. (1969), « Le mot, le dialogue et le roman », Sèméiôtikè. Recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, p. 82-112.

MAINGUENEAU, D. (1996), Les termes clés de l'analyse du discours, Paris, Seuil.

MÉCHOULAN, É. (s.d.), « Présentation » [en ligne], dans Intermédialités, http://cri.histart.umontreal.ca/cri/fr/INTERMEDIALITES/presentation_texte.htm, page consultée le 24 novembre 2005.

MICHON, J. et D. SAINT-JACQUES (dir.) (2002), « Média », Le dictionnaire du littéraire, Paris, Presses universitaires de France, p. 362-363.

PAVIS, P. (2002), « Média », Dictionnaire du théâtre, Paris, Armand Colin, p. 200.

PIÉGAY-GROS, N. (1996), Introduction à l'intertextualité, Paris, Dunod.

RASTIER, F. (2000), « Topoï et interprétation », Études françaises, Montréal, Université de Montréal, 36, 1 (Le sens (du) commun), p. 93-107.

RICARDOU, J. (1975), « “Claude Simon” textuellement », dans J. RICARDOU (dir.), Claude Simon : analyse, théorie, Paris, Union générale d'éditions, p. 7-19.

RIFFATERRE, M. (1983), Sémiotique de la poésie, Paris, Seuil.


[1]. « [C]ette intertextualité restreinte n'est-elle pas le masque sous lequel s'accomplit le retour clandestin de la notion d'oeuvre », se demande Ricardou (1975 : 11) ? » Il répond : « Avec l'oeuvre, appuyée sur l'identité d'un auteur, les textes se lient selon un principe d'invariance fondamentale : leurs différences correspondent à des variations extrinsèques de l'auteur, provoquées par les aléas de l'existence. Avec l'intertextualité restreinte, travaillée par un scripteur, les textes se lient selon un principe de transformation fondamentale : leurs différences correspondent à des variations intrinsèques du scripteur, provoquées par les effets de l'écriture. L'auteur n'est pas affecté par ce qu'il écrit : il est une stabilité trans-scripturale. Le scripteur est le produit de son produit : il est une mobilité intra-scripturale. L'oeuvre est un assemblage unitaire de textes. L'intertextualité restreinte est une chaîne de transformations. » (Ricardou, 1975 : 11-12) Cette critique des modèle de type type/occurrence auquel on substitue des modèles occurrence-source/reprise semble courante. Par exemple, Rastier (2000 : 99-100) propose, pour l'étude des topoï, de remplacer la première approche, entachée par les conceptions logicistes-grammaticales, par la seconde.

[2]. Riffaterre distingue l'intertexte explicite ou idiolectique (1983 : 168), dont les effets sont « actualisés dans la lettre même du poème », et l'intertexte implicite, « implicite parce que le poème l'actualise sous la forme d'allusion. » (1983 : 170.) Cet intertexte est implicite plutôt qu'extérieur : « le mode de l'implication convient en effet parfaitement au phénomène, puisque ce terme s'applique aussi bien à un intertexte identifié qu'à un intertexte simplement impliqué par le texte et qui reste introuvable ; on ne pourrait le trouver que dans la psyché de l'auteur, laquelle nous demeure à jamais inaccessible. » (1983 : 238.) Riffaterre parle-t-il ici d'un véritable texte auquel renvoie l'auteur mais que nous ne sommes pas en mesure pour diverses raisons d'identifier et/ou d'un « texte mental » construit par l'auteur, de toutes pièces ou par concaténation de textes existants, et qui devient la source de la relation intertextuelle ? Dans le deuxième cas, la notion d'intertextualité s'applique-t-elle encore ? On sait que dans notre tradition, la tentation a toujours été grande de donner un format linguistique à la pensée (n'évoquons que le mentalais de Fodor), de là à lui donner un format textuel, il n'y a qu'un pas… Quoi qu'il en soit, « Il convient de faire une distinction fondamentale entre l'intertexte implicite et l'intertexte tel que le conçoit Roland Barthes (voir Barthes, 1973 : 58-59). Celui-ci prétend en effet que le lecteur est libre de choisir au petit bonheur la chance, selon ce que lui dicte sa culture ou ses préférences personnelles – réaction individuelle et c'est une coïncidence pure si on la partage avec d'autres. Nous sommes loin de la lecture disciplinée que le texte, ensemble structuré, exige de son lecteur ; ainsi conçu, l'intertexte ne saurait expliquer ce qui donne au texte une physionomie sur laquelle les lecteurs doivent être d'accord. » (1983 : 238.) Enfin, « L'intertextualité implicite est particulièrement vulnérable au passage du temps et aux changements culturels, ou au fait que le lecteur ignore tout du corpus dont une génération antérieure a nourri son imagination. Mais même lorsque l'intertexte s'est effacé, le contrôle que le texte exerce sur le lecteur n'est pas diminué. Le fait que ce dernier soit incapable de déchiffrer immédiatement l'hypogramme de référence affecte le contenu de ses réactions, mais pas sa perception de la grille des agrammaticalités ou des non-sens. Ces blocages de lecture fonctionnent comme des balises signalant la position des significations submergées. S'il reste incapable de les récupérer, le lecteur n'accepte pas d'être privé de son droit à comprendre. Il cherche ailleurs le sens » (1983 : 172-173). Cependant, il existe à notre avis des évocations intertextuelles dont l'ignorance ne se signale chez le lecteur, fût-il lecteur modèle ou archi-lecteur, par aucun sentiment d'agrammaticalité ou de non-sens. Ne pas les prendre en compte ne donne pas un sentiment d'incohérence, mais le sentiment d'une cohérence simplement autre que celle qui avait été prévue.

[3]. « On appellera discours un ensemble d'énoncés en tant qu'ils relèvent de la même formation discursive » (Foucault, 1969 : 153).

[4]. La plupart de ces textes constituent le prolongement de communications présentées dans le cadre du Xe Colloque de sémiotique de la francophonie, tenu à Montréal en mai 2004, sous la présidence d'honneur de Jean-Marie Klinkenberg. L'aide financière de l'Agence universitaire de la francophonie a permis la publication de ce livre.