Essai
Nouvelle parution
L'événement climatique et ses représentations (XVIIe-XIXe siècle) : histoire, littérature, musique et peinture

L'événement climatique et ses représentations (XVIIe-XIXe siècle) : histoire, littérature, musique et peinture

Publié le par Marc Escola (Source : Éditions Desjonquères)


Compte rendu dans la revue Acta fabula
: Les caprices du ciel, par M.-C. Planche-Touron

Essai critique dans Acta fabula: Il faut défendre la société littéraire, par Yves Citton.




L'Évènement climatique et ses représentations (XVIIe-XIXe siècle) :
histoire, littérature, musique et peinture


textes réunis par E. Le Roy Ladurie, J. Berchtold, J.-P. Sermain

Desjonquères, coll. "L'esprit des lettres", 2007

ISBN : 978-2-84321-093-8

EUR: 39

L'événement climatique est d'abord vécu ; il suscite des interrogations. Au seuil de l'Europe moderne, on s'intéresse à la théorie des climats, à l'histoire des cataclysmes ayant bouleversé la planète dans un passé lointain. Des hypothèses nouvelles sont proposées sur le rapport entre l'homme et la nature.
La littérature et les arts témoignent à leur façon des interrogations et des inquiétudes contemporaines. La tempête est un objet de description dramatique ou pittoresque particulièrement en faveur, propre à nourrir la réflexion sur l'expression des passions. Des problèmes techniques sont posés : comment la peinture exprime-t-elle l'angoisse de l'assombrissement ? Comment la musique peut-elle manifester le bruit discordant ? De quels tours rhétoriques se sert le poète pour imiter son objet hors proportions ?
À la faveur d'une sensibilité nouvelle (le sublime comme «beau terrifiant») s'expriment de nouvelles aspirations et bientôt de nouvelles inquiétudes : sur le plan politique un «cataclysme» sans précédent, la Révolution, est aussi pensé à l'aide de la métaphore de la tempête.
Avant de faire l'objet d'une symbolisation, l'événement naturel survient réellement dans l'histoire moderne et nourrit la réflexion philosophique sur les déluges de l'Histoire ou la théorie des climats.

Cet ouvrage, placé sous la direction d'Emmanuel Le Roy Ladurie, Jacques Berchtold, Jean-Paul Sermain, réunit les travaux d'une quarantaine de chercheurs - historiens du climat et spécialistes des sciences humaines - qui se sont intéressés à l '«événement climatique» du XVIIe au XIXe siècle et à ses résonances dans les lettres, la musique et la peinture.


Les premières lignes:

INTRODUCTION CLIMATS, ORAGES, TEMPÊTES : NATURE ET PASSIONS

Jacques BERCHTOLD

Aujourd'hui les orages «authentiques» mis en boîte sont dispo nibles à tout instant, en archivages visuel (photographies ou films) ou sonore. Se vérifie-t-il qu'au siècle des Lumières l'évocation dans les beaux-arts de bouleversements climatiques, en particulier des tempêtes et orages, demeure un mode d'expression privilégié (voire un domaine métaphorique réservé) des passions humaines ? La mise en cause d'une telle équivalence offrait le point de départ de notre questionnement collectif. Des impulsions décisives proviennent à cet égard des oeuvres du siècle de Louis XIV : le récit de Théramène de la Phèdre de Racine (cf. C. Martin), la punition foudroyante du libertin Don Juan (cf. A. Clerc ; G. Goubier-Robert), le trio familial pathé tiquement condamné du Déluge de Poussin (cf. R. Démoris; M. S. Seguin), les aquilons courroucés de l'opéra Alceste de Lulli. Sous quels aspects telle ou telle oeuvre devra-t-elle être ensuite perçue (dans la suite de la période que nous considérons) comme archaïque ?
Les questions traitées concernent notamment les liens tissés entre Littérature et Peinture -mais aussi Musique. Le rôle important joué par certains compositeurs, par certaines oeuvres à l'intérieur du domaine français, mérite d'être signalé (Lully, Marais et Rameau) : à la fin du siècle, Idoménée de Mozart (cf. J.-P Grosperrin) est encore inspirée d'une tragédie en français. L'évolution correspond à une émancipation progressive de la musique instrumentale. Ses qualités expressives sont reconnues en indépendance croissante vis-à-vis du récitatif et sur fond d'une rivalité fondamentale : l'opéra supplante la tragédie. La tempête se retrouve au coeur de problèmes de repré sentation. Ces traits caractéristiques engagent telle ou telle perspec tive de mimesis et d'ekphrasis. La principale querelle porte sur l'acception de la notion du Sublime. La rénovation de ce concept fait débat avec l'avènement spectaculaire de goûts nouveaux, notamment en musique ou en peinture, où un transfert de privilège lourd de conséquences se fait de la peinture d'histoire - vers celle de genre (cf. R. Démoris, M. Pinault Sørensen). Nous étudions ce faisant des images, des discours et des représentations. Mais s'agissant d'événements climatiques, n'y a-t-il pas un danger d'accorder un trop grand privilège d'autonomie aux problèmes d'esthétique ? Nous avons eu le souci de ne pas perdre le lien avec le monde des faits et des savoirs. Nos cadres de questionnement sont de ce fait plus nombreux et plus «englobants». (...)


SOMMAIRE COMPLET:

Jacques Berchtold, Introduction, Climat, orages, tempêtes, Nature et passions, p. 9-22.


Emmanuel LE ROY LADURIE, La Révolution française et le climat (1787-1795), p. 23-42.



Andrée CORVOL, Tempêtes sur la forêt française (XVIIe-XIXe siècles), p. 43-59.



Valérie DAUX et Emmanuel Le Roy Ladurie, Séries de dates des vendanges de la France du Nord, p. 60-70.



Jean-Pierre LEGRAND, Vendanges, anciens instruments et reconstitution du climat, p. 71-80.



Anouchka VASAK-CHAUVET, L'orage du 13 juillet 1788, la tempête du 18 Brumaire an IX: l'inscription du politique dans le météorologique, p. 81-90.



Luca BONARDI, Gelées, verglas et sécheresses d'Ancien Régime. Climat et économie en Italie du Nord (1730-1789), p. 91-101.



Frank LESTRINGANT, La tempêtes, de près et de loin: la place du spectateur chez Rabelais, Ronsard, d'Aubigné et Montaigne, p. 102-125.



Jean-Paul SCHNEIDER, De l'orage châtiment au chaos maîtrisé, p. 126-142.



Claude REICHLER, Air, orages et météores au tournant du XVIIIe siècle, p. 143-156.


Jean-Patrice COURTOIS, Le climat chez Montesquieu et Rousseau, p. 157-180.



Nathalie VUILLEMIN, Quelques aspects d'un «instrument dramatique»: orages et tempêtes en haute montagne chez les premiers voyageurs du Mont-Blanc, p. 181-193.

Jean-Michel RACAULT, L'amateur de tempêtes. Physique, métaphysique et esthétique de l'ouragan dans la philosophie de la Nature de Bernardin de Saint-Pierre, p. 194-214.

Bernard FRANCOU, Notes sur les fluctuations des glaciers au cours et depuis le « petit âge glaciaire » (XIVe-XXe siècle), p. 215-226.

René DÉMORIS, Les tempêtes de Poussin, p. 229-253.



Madeleine PINAULT-SORENSEN, Orages et tempêtes. Peinture et dessin, deuxième moitié du XVIIIe siècle et début du XIXe siècle, p. 254-270.



Michel DELON, Tempêtes peintes, de l'ex-voto à Géricault, p. 271-282.



Maria-Susana SEGUIN, Passions humaines, passion divine : le déluge universel dans la représentation picturale au XVIIIe siècle, p. 283-296.


Bernard BÖSCHENSTEIN, Quatre sommets de la poésie allemande des orages: Klopstock, Goethe, Hölderlin, Kleist, p. 297-309.

Pierre HARTMANN, Du baroque au classicisme : orages et tempêtes dans l'oeuvre de Joseph Haydn, p. 310-322.



Jean-Philippe GROSPERRIN, De l'art tragique d'évoquer les tempêtes : Idoménée, p. 323-343.

Arto CLERC, Tempêtes libertines et naufrages spirituels au XVIIIe siècle, p. 347-362.



Christophe MARTIN, Femmes, orages, tempêtes dans quelques romans français du XVIIIe siècle, p. 363-386.


Jean-François PERRIN, La littérature a-t-elle un autre référent qu'elle-même? La scène de tempête au miroir du conte merveilleux (1690-1750), p. 387-400.



Marc LABUSSIÈRE, Naufrages avec sauveteur chez Prévost: théories esthétiques et tempêtes romanesques, p. 401-414.



Geneviève GOUBIER-ROBERT, De la fulguration sadienne aux foudres républicaines, p. 415-429.



Pierre FRANTZ, Diderot, Dorval, tempêtes et création, p. 430-438.


Françoise GEVREY, Deux amis dans les tempêtes: de Saint-Lambert à Diderot, p. 439-450.



Florence MAGNOT-OGILVY, Le magasin des tempêtes: récupération du topos de la tempête dans les discours romanesque et économique au XVIIIe siècle, p. 451-463.



Aurelio PRINCIPATO, Tourmente ou déluge: métaphores révolutionnaires chez Chateaubriand, p. 464-478.

Béatrice DIDIER, Orages et tempêtes dans l'oeuvre romanesque de Mme de Staël, p. 479-487.

Philippe HAMON, Du parapluie, p. 488-513.