Questions de société

"L'évaluation et les listes de revues", par F. Audier (La vie des idées 15-09-2009)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : sorbonnard)

L'évaluation et les listes de revues - par Florence Audier, La vie des idées.fr, 15-09-2009

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L'évaluation, et la place qu'y occupela bibliométrie, sont au coeur des débats actuels. Les enjeux sontmajeurs : seront dotées en crédits les universités considérant labibliométrie comme l'indicateur suprême de l'activité et de la qualitéde la recherche. Or, comme le montre Florence Audier, les Français ontdésigné comme cible d'excellence des revues auxquelles ils n'accèdentpas, sauf réseaux particuliers. Voiren annexe : tableau récapitulatif de l'accès des « Français » auxrevues classées 1* pour les revues généralistes et 1 pour les revuesclassées par domaines

Depuis longtemps, les économistes et les gestionnaires,s'inspirant en cela des pratiques de communautés scientifiquesappartenant aux « sciences dures », comme celles de physique ou dechimie, ont érigé la publication d'articles dans des revuesinternationales « à comité de lecture » comme étant le meilleur critère« d'excellence », avec à la clé une hiérarchisation plus ou moinsexplicite de ces revues, dont la plupart sont anglo-saxonnes.

Plus récemment, une « liste de revues », cette fois clairementhiérarchisée, a été construite par et pour la section 37 du Comiténational (qui est en charge de l'économie et de la gestion), dans ledouble but d'être une « aide à la décision et non pas un moyen declassement aveugle et automatique qui se substituerait eo ipso à uneinstance d'évaluation et de jugement scientifique » [1]. Plusprécisément, il s'agissait pour ses initiateurs de mettre sur pied,avec la communauté concernée, une liste devant « servir aux évaluateursà mieux repérer les revues reconnues et considérées comme de référence». Avec aussi le souci, « dans un contexte où la bibliométrie gagne duterrain […] de ne pas se faire imposer de l'extérieur un classementmoins soucieux de représenter les divers domaines de l'économie et dela gestion ». L'enjeu était donc de donner en quelque sorte un mêmethermomètre à tous, de fournir des points de repères sur desdisciplines ou sous-disciplines que les évaluateurs (qu'ils soientd'ailleurs des pairs ou des nommés) ne connaissent pas forcément, voireréduire les conséquences des nombreuses idées préconçues qui circulentdans le milieu. Ce système est à présent en oeuvre, et la bibliométrie, assortie detoutes ses sophistications, se généralise à l'insu de la plupart de noscollègues ; pire, l'AERES (l'Agence d'évaluation de la recherche et del'enseignement supérieur) prétend évaluer en classant sur de telscritères externes les unités, voire les personnes, et imposer ses «diagnostics » à l'ensemble de la communauté scientifique, allant mêmejusqu'à préconiser, outrepassant ainsi son mandat, des modifications destructures. Le moment nous semble donc propice à un examen plusattentif du sens que revêtent les « listes », en particulier la listeen question ; il convient de décrire, par une étude précise, quels sontles contributeurs aux revues que la communauté française deséconomistes et gestionnaires a placées en tête de liste.

Car l'utilisation de ces « outils » dépasse largement celle quileur était initialement dévolue, et à travers eux se jouent laconception du travail scientifique et son éventuelle fécondité. Aussi,c'est sur ces critères d'évaluation et les pièges qu'ils recèlent quenous voudrions apporter des éléments de discussion, surtout grâce auxdonnées empiriques que cet article contient. En effet cet indicateur,via l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignementsupérieur (AERES) et la DPA du CNRS, tend à envahir toute la sphère del'évaluation et à éclipser tous les autres, bref, à se généraliserpartout et peut-être pour toujours, en dépit des très nombreusescritiques qui émanent de toutes parts, des laboratoires comme des «sociétés savantes » et même des éditeurs de revues [2]. Car les chosesvont très loin : faut-il rappeler que certains, membres du CNU,évoquent ces classements de revues pour décerner – ou non – la «qualification aux fonctions de maître de conférence », exigeant que desjeunes qui viennent d'achever leur thèse aient déjà deux publications,si possible comme premiers signataires ; et que certains (parfois lesmêmes d'ailleurs) souhaitent voir décerner des primes aux heureuxaccédants… aux revues « top niveau » ! Dans d'autres disciplines,notamment en sciences humaines et sociales mais aussi en astronomie,par exemple, des communautés de scientifiques, et non des moindres, sesont levées pour récuser cette « dictature de la publication » résuméepar le célèbre « publish or perish », et le European Reference Indexfor the Humanities a d'ailleurs renoncé à la notation des revues en A,B ou C, pour s'en tenir à des listes indifférenciées.


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