Actualité
Appels à contributions
L'Étrangeté des langues

L'Étrangeté des langues

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Yves Clavaron)

<!> L'étrangeté des langues Université Jean Monnet Saint-Étienne

13, 14 et 15 janvier 2010

 

Dans le cadre du contratquadriennal sur l'Étrangeté, le CEP, Centre d'Études Comparatistes (membre duCentre d'Études sur les Littératures Étrangères et Comparées) organise uncolloque sur l'étrangeté des langues les 13, 14 et 15 janvier 2010.

Il s'agit d'examiner desoeuvres (littéraires surtout, mais le cinéma n'est pas à exclure), danslesquelles l'étrangeté est fondée sur des phénomènes ou des comportementsspécifiquement linguistiques. Les manifestations étant fort nombreuses, nousretiendrons essentiellement les champs d'investigation suivants, qui pourrontconstituer des ateliers du colloque :

Atelier 1 : Confrontation des langues

La langue étrangère peut être miseen confrontation avec la langue première du texte. On crée ainsi des oeuvresbilingues ou plurilingues en insérant l'étrange au coeur même du texte, par voiede citation ou, plus souvent, en mettant en scène des confrontations proprementlinguistiques. Cela arrive surtout dans des oeuvres où le rapport avec desétrangers ou des pays étrangers est fondamental. Ainsi, de grands textes historiqueset anthropologiques donnent à connaître le barbare à travers la transcriptionde sa langue étrange et étrangère, chez les voyageurs antiques (Hérodote) commechez les voyageurs modernes (Claude Lévi-Strauss et Tristes tropiques en particulier). Dans le registre postcolonial, onpeut penser à tous les phénomènes de métissage des langues européennes, à commencerpar le créole, si tant est qu'on le considère comme une langue mélangée. C'estle cas de l'anglais du Nigérian Amos Tutuola (The Palm-Wine Drinkard), fortement marqué par le yoruba : calquessyntaxiques ou lexicaux, adaptation de l'ordre des mots anglais à la phraseyoruba ou celui de son compatriote Ken Saro-Wiwa dans Sozaboy, roman écrit dans un « anglais pourri »(« rotten English »), un mélange de pidgin nigérian, dégradé mais aussi idiomatique, d'empruntsaux langues nigérianes et de créations originales. Le même phénomène s'observedans le français « malinkisé » d'Ahmadou Kourouma ou le portugais« bantouisé » de José Luandino Vieira. Les langues entrent égalementen contact chez les écrivains vivant entre deux langues (S. Beckett, H. Bianciotti,Yôko Tawada…) et cette confrontation intérieure revêt une valeur identitaire. Lerapport à la langue étrangère – acclimatée au point d'être familière – induitdes effets d'inquiétante étrangeté car il renvoie à l'intimité la plusprofonde, notamment celle de la langue maternelle.

 

Atelier 2 :  Inventionslinguistiques et langues inventées

La langue première peut égalementêtre rendue étrange, par l'incorporation de néologismes, lesquels sont parfoisérigés en principe poétique. Le paradigme est ici certainement constitué parles mots porte-manteaux du Jabberwocky deLewis Carroll, qui mène en droite ligne au Finnegans Wake (James Joyce), ce dernier ayant trouvé des« continuateurs » dans diverses littératures (tel Arno Schmidt enAllemagne). Les langues secrètes introduisent dans le récit de fiction unetonalité mystérieuse, dont l'une des premières occurrences est peut-être àtrouver dans le mystérieux « Mané thécel pharès  » (Daniel, 5, 25),mais elles apparaissent aussi dans des récits d'espionnage (sous forme de motsde passe, de shibboleths) ou desoeuvres burlesques (que l'on pense au langage des médecins chez Molière ou auxpropos des ambassadeurs barbares dans Les Oiseaux d'Aristophane).

L'invention linguistique peutencore revêtir d'autres formes : ainsi la poésie dite« macaronique », l'intégration de l'argot chez Eugène-François Vidocqet Eugène Sue, le néo-français de Raymond Queneau, le novlangue (newspeak) de George Orwell (1984) ou le nasdat d'Antony Burgess (A Clockwork Orange). L'étrangeté de ces langues mixtes serait à étudieraussi sous des angles divers (linguistique, rhétorique, psychanalyse…).

Manifestation radicale del'étrangeté, certaines langues sont de pures inventions à l'instar des« conlangs » (de l'anglais, constructed language), qu'il s'agisse des uglossies des XVIIe-XVIIIesiècles ou des langues imaginées par John Ronald Reuel Tolkien dans le cadre deses récits fantastiques. On peut également songer aux langues imaginaires, quientretiennent, de près ou de loin, des rapports avec les théorieslinguistiques, aux ouvrages de « linguistique-fiction » tels TheLanguages of Pao de Jack Vance ou TheDumb House de John Burnside. Il conviendraalors de s'interroger sur les modalités de la production de l'étrangeté parl'insertion d'une langue imaginée dans le texte fictionnel (ou le film) et sontraitement diégétique.

 

Atelier 3 : Réception, traduction, apprentissage de la langue

La confrontation à l'étrangetéd'une langue est également constitutive du processus d'apprentissage, que cesoit de la langue maternelle ou d'une langue seconde. Sans négliger la dimensiondidactique, on s'intéressera aux scènes d'apprentissage linguistique au senslarge, c'est-à-dire incluant entre autres par exemple les efforts detraduction, d'interprétation d'un personnage, ou son échec à comprendredans :

–  la littérature de fiction (que ce soit une pièce deShakespeare ou un récit pour enfant),

– dans le genre autobiographique(rapports à la langue maternelle ou à une langue étrangère, éventuellementlangue de l'exil),

– dans les récitsd'écrivains-voyageurs confrontés à la langue de l'autre, avec ou sans« truchement ».

 

Les propositions de communication(1 page maximum) sont à adresser à Yves Clavaron d'ici le 1er mai2009 :   yves.clavaron@univ-st-etienne.fr

Merci de préciser l'atelier danslequel s'inscrirait la proposition et de fournir une courte noticebio-bibliographique (institution de rattachement, adresse, publicationsrécentes…)