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L’État Publicitaire : approche pluridisciplinaire du marketing politique en Côte d’Ivoire

L’État Publicitaire : approche pluridisciplinaire du marketing politique en Côte d’Ivoire

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Dorgelès Houessou & Daniel Klao)

Appel à contribution pour un ouvrage collectif: "L’État Publicitaire : approche pluridisciplinaire du marketing politique en Côte d’Ivoire."

Date limite : 31 mars 2015

Responsable : Dorgelès Houessou et Daniel Klao

« La visée publicitaire sera de restituer au produit « la plus grande quantité de monde possible », selon l’heureuse expression de Barthes, une richesse intérieure occultée et enfouie, dont peut s’éveiller la ressouvenance, resurgir l’émotion, se raviver l’évocation, avec l’histoire personnelle ou l’affectivité du sujet. En quoi elle s’apparente volontiers à une recherche du sens perdu, prolongement lamartinien de l’âme des choses ; baudelairien, des correspondances avec les choses ; bachelardien, de l’imagination des qualités sensibles. » (Péninou : 2001)

C’est ici le postulat à la base de ce projet de recherche. La publicité ou encore le discours publicitaire fait sens autant qu’il réduit à néant le « bon » sens, celui de la raison active en vue de sublimer l’émotion. Car le décodage du sens qui semble réjouir le lecteur lambda quand il parvient au satisfecit d’avoir élucidé une énigme publicitaire, n’est qu’un prétexte rationnel pour flatter l’égo, donc l’irrationnel par le biais de souvenirs, de symboles ou d’indices construisant une émotion non seulement argumentée mais aussi mise en scène et en perspective. Cette pratique communicationnelle avec ses codes et ses effets a investi le champ politique depuis de nombreuses années. Le marketing politique  a pris ses marques aux Etats-Unis et son envol en France particulièrement.

La pratique ivoirienne de cet « effort d'adaptation des organisations à des marchés concurrentiels, pour influencer en leur faveur le comportement de leurs publics, par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents » (Mercator, 8ème édition, 2006) dans le domaine politique est très récente. Les dernières élections présidentielles avec leur lot d’attente, de passion et d’exception ont été le théâtre d’une bataille publicitaire d’obédience béhavioriste c'est-à-dire propre à influencer les représentations mentales du destinataire en vue de modifier son attitude électorale. La candidature du chef d’État d’alors a laissé supposer que ce dernier battait campagne non pas avec des moyens démocratiques mais avec ceux de l’État dont il était encore à la tête.

Le point de départ de ce projet de recherche est donc d’interroger les implications de la structure étatique dans une campagne publicitaire. Les dirigeants ivoiriens actuels en ont fait un usage intensif si l’on en croit le nombre de campagnes menées depuis avril 2011. Le recours à la publicité aura été systématique dès l’organisation de la cérémonie d’investiture d’Alassane Ouattara. Affiches, spots télévisés, tracts, supports vestimentaires etc. ont donné à cet évènement une ossature retentissante de rare portée. S’en est suivie la série de campagnes suivante (sans exhaustivité) :

  • La campagne présidentielle « L’État travaille pour vous »,

  • Celle du Secrétariat National à la Gouvernance et au Renforcement des Capacités (SNGRC),

  • Celle du Secrétariat National chargé de la Lutte Contre la Corruption (SNLCC) dénommée «Tous victimes, tous coupables »,

  • Celle de la Commission Nationale Dialogue Vérité et Réconciliation (CNDVR),

  • Celle du programme présidentiel de construction de logements sociaux,

  • Les campagnes publicitaires menées lors de visites officielles de chefs d’États dont Mohamed VI et François Hollande,

  • La campagne du Fonds d’Entretien Routier (FER) justifiant la mise en service des péages sur les axes routiers stratégiques,

  • Celle menée pour la sortie de la promotion d’officiers et de sous officiers baptisée « renaissance » etc.

Toutes ces campagnes empruntent à la publicité commerciale son mode opératoire et portent sur la combinaison du discours, de la syntaxe iconique et des symboles. Elles ont aussi en commun d’être diligentées  sous la houlette de l’État.

On se propose ici d’analyser le rôle de la publicité en politique, les mécanismes de sa mise en œuvre et son efficacité perlocutoire. La dimension argumentative du discours publicitaire s’inscrit, à partir d’un tel cadre théorique, dans la redynamisation du discours politique en tant qu’énoncé persuasif  c'est-à-dire de manipulation.

1- Les approches formalistes (stylistique, pragmatique, linguistique, sémiotique etc.) pourraient par exemple s’intéresser aux configurations matérielles du discours publicitaire dans le domaine politique. Les figures du discours iconique ou gouvernant les propriétés formelles des slogans associés aux images intéresseront spécialistes et non spécialistes de l’appareil rhétorique de sublimation. En élaborant une typologie des arguments publicitaires utilisés par les structures étatiques ivoiriennes, l’on aboutirait à une taxonomie contextuelle des modalités de l’implicite publicitaire.

Il s’agira aussi de traiter de la problématique de la (con)fusion des genres discursifs que sont le politique et le publicitaire. L’on pourrait ainsi se demander où se situe le discursif et le métadiscursif entre ces deux pôles de même que la nécessité de leur complémentarité générique.

La question de l’efficacité discursive est prépondérante à un tel niveau de formatage du sens commun, c’est pourquoi les actes de langage, en ouvrant ici des perspectives intéressantes, pourront révéler une syntaxe grammaticale et iconique susceptible d’être mise en relation à l’ethos du sujet énonciatif. A cet effet les lectures d’image fixe ou en mouvement pourront être mises à contribution et soulever le problème de la référenciation et de la réception des effets de sens des expressions iconiques observées en Côte d’Ivoire du fait des politiques.

Il pourra aussi être question de la pertinence du langage symbolique et de ses manifestations de même que de la trajectoire énonciative de l’autorité dans un tel contexte. Vient-elle en effet au langage de l’extérieur ou de l’intérieur ? (Bourdieu : 1982) Comment déterminer ici la frontière entre « communication publique » et « propagande » ? (Ollivier-Yaniv : 2010)

D’un point de vue narratologique, l’on pourrait se demander quelle histoire raconte les campagnes identifiées ? Entre l’histoire (history) et les histoires (stories) connotées par elles et inspirées d’elles, les indicateurs diégétiques mis en acte dans la perspective publicitaire réfèrent à une représentation du monde qui, à l’échelle argumentative, ne saurait être neutre. Cette sorte de théâtralisation des faits (réels ou fictifs) constituerait un continuum intergénérique où la question narrato-argumentative du point de vue, entre autres, serait encore d’actualité (Rabatel : 2003).

2- Les sciences communicationnelles pourront mettre l’accent sur les réseaux de diffusions de masses mobilisés à travers les campagnes de publicité politique menées en Côte d’Ivoire. Affiches, spots télévisés, réseaux sociaux, encarts de presse écrite… Les spécificités pratiques de chaque mode de diffusion doivent être rapportées au contexte politique des annonces publicitaires en question. Il devrait s’ensuivre une hiérarchisation de la cible et le rapport différentiel de la pertinence des médias selon qu’ils soient utilisés séparément ou qu’ils soient contextuellement associés. Les TIC notamment en relayant de façon systématique la présence des indices publicitaires (discours et iconicité) amplifient certes la résonnance desdites campagnes mais à quelle fin ? Le statut actif de l’internaute, loin de la soumission passive du téléspectateur, du lecteur ou du passant est-il un indicateur de la réussite performative des campagnes en question ? Quant aux mécanismes et stratégies publicitaires, ils devront être identifiés, typifiés et appréciés selon le rapport de leur adéquation aux objectifs visés. Etc.

3- Les approches sociologiques pourraient entre autres s’atteler à montrer les forces et faiblesses  du marketing politique en Côte d’Ivoire. Une dimension comparatiste spécifierait par exemple la filiation du marketing politique ivoirien entre les modèles américains et français. Dans une autre perspective, les déterminismes psychologiques, culturels ou sociaux permettent-ils d’argumenter en faveur d’une spécificité ivoirienne ? Si oui quels en sont les modalités épistémiques ? L’une d’elles notamment est la mise en œuvre de communautés émotionnelles c'est-à-dire les représentations étatiques au calque des symboles et valeurs du parti politique dominant. Ainsi, si le RDR (actuel parti au pouvoir) est le Rassemblement Des Républicains, l’investiture du Président de la République se fera sous le slogan : « la Côte d’Ivoire rassemblée », et la devise de la télévision nationale devra s’énoncer : « la chaîne qui rassemble ». Quels peuvent être les effets d’un tel glissement émotionnel ? La stratégie de distillation des valeurs politiques ainsi entreprise sous le couvert de pôles énonciatifs étatiques, ne comporte-t-elle pas des risques de saturation ?

Il convient aussi de s’interroger ici sur l’efficacité de la campagne publicitaire de la CNDVR. Quel pourrait être le réel impact de ses affiches et courts métrages sur le traumatisme et les séquelles d’une crise dont elle a l’ambition certes d’éteindre le souvenir douloureux mais d’entretenir tout autant la mémoire en tant qu’inspiratrice du renouveau des valeurs nationales ? La réconciliation nationale, dont cette campagne est l’un des plus grands chantiers, est-elle possible à travers les procédés d’expression publicitaires ? Etc.

4- Les approches philosophiques viseront sans exclusive à interroger la nature de la pensée et son mouvement dans un tel cadre d’expression. Peut-on dire qu’une « pensée politique » est exprimée à travers la publicité politique ou alors celle-ci met-elle en situation un « impensé politique » qui ne s’adresse pas en soi à un citoyen donné mais qui l’interpelle pour soi à travers la projection d’un être social à la fois désincarné ou fictif mais représenté par soi ? D’où la traditionnelle question de l’existence d’un lecteur idéal doté d’une compétence interprétative à toute épreuve.

D’un autre côté, en intitulant par exemple une de ses campagnes publicitaires « L’État travaille pour vous », le gouvernement ivoirien remet au gout du jour l’ambivalence antithétique de la question anthropologique de l’État. Existe-t-il sans celui qui l’incarne et le personnifie c'est-à-dire, ici, le Président de la République ? Ce par quoi il ne se distancierait pas vraiment de la monarchie à en croire la célèbre formule de Louis XIV « l’État c’est moi ! »… Autrement, en vertu de la tendance qui suppose que l’État c’est l’ensemble des citoyens, une telle énonciation drainant les pesanteurs formelles de toute formulation d’ordre tautologique, au risque de constituer un non sens, ne contribue-t-elle pas à exclure le citoyen de l’État ?

Que dire alors de Laurent Gbagbo ? L’homme d’État, « Président à 100% et candidat à 100% », « candidat pour la Côte d’Ivoire », nationaliste annoncé et proclamé aura paradoxalement choisi de confier l’impressionnant budget de sa campagne présidentielle à une société européenne quand son rival présenté par lui-même comme « le candidat de l’étranger » a choisi, et qui plus est sans être encore chef d’État, une société locale pour les mêmes objectifs publicitaires… Les interrogations sur les motivations, la pratique et les effets de sens d’un tel paradoxe sur ce qu’il est convenu d’appeler une campagne publicitaire d’État ne mérite-t-elle pas une investigation scientifique ? Etc.

Ces quelques pistes de réflexion sont directives mais elles ne sont nullement dogmatiques. Vu la variété méthodologique susceptible d’être mobilisée dans le cadre de ce projet, des articles abordant sous des angles différents et innovants le sujet présenté sont attendus notamment dans les domaines de la littérature, de l’histoire etc.

MODALITE DE SOUMISSION

Les contributions souhaitées (Times New Roman, 12 pts & interligne simple) seront des articles (30 000 à 40 000 signes tout compris). Les contributeurs non francophones devront s’assurer de la traduction de leurs propositions par des natifs.

Les contributions devront être précédées :

  • des références nominales et éventuellement institutionnelles des auteurs,

  • de leur adresse électronique,

  • de la discipline concernée,

  • de 5 mots clés,

  • < > d’un résumé d’environ 2500 signes dont espaces.CHÉANCIER INDICATIF

    Réception des propositions jusqu’au 31 mars 2015

    Remise des textes aux éditeurs pour relecture interne jusqu’au 15 avril 2015

    Remise des textes au comité scientifique pour expertises externes jusqu’au 20 avril 2015

    Signification aux auteurs : 1er Juillet 2015

    COMITÉ SCIENTIFIQUE (En constitution)

    Pr KOUASSI Germain (Université Alassane Ouattara)

    Pr KOUAKOU Jean-Marie (Université Félix Houphouët Boigny)

    Pr DADIÉ Célestin (Université Alassane Ouattara)

    Pr KOFFI Léon (Université Félix Houphouët Boigny)

    Pr TOUOUI Bi Irié Ernest (Université Félix Houphouët Boigny)

    Pr IRIE Bi Mathias (Université Alassane Ouattara)

    Pr KOUADIO Kobenan N’guettia (Université Félix Houphouët Boigny)

    M. SAWEGNON Fabrice (Voodoo communication)

    CONTACT

    Les propositions d'articles devront être envoyées à dorgeleshouessou@yahoo.fr ET à danielklao@yahoo.fr

    BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

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