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L'enfant dans l'oeuvre romanesque de Sylvie Germain

L'enfant dans l'oeuvre romanesque de Sylvie Germain

Publié le par Thomas Parisot (Source : agnès Graceffa)

Parmi ces « mendiants silencieux » que sont d'abord les personnages pour Sylvie Germain, surgit la figure singulière de l'enfant qui, plus opiniâtrement que les autres peut-être, veut « naître au langage » : car le roman germanien veut redonner nom, voix, visage et regard à cet enfant qui est la première victime des grandes barbaries du XXe siècle. Cette perspective éthique est inséparable de l'interrogation métaphysique que soulève l'oeuvre romanesque de Sylvie Germain : celle du rapport entre l'enfant et le cosmos. Le Petit Poucet rêveur perdu dans la forêt immense lit le monde avec ses jumelles, apprivoise les planètes que sont les billes, balles et bulles miniatures et conquiert l'espace grâce à son tricycle de sept lieues. Il nous convie ainsi à explorer ses territoires secrets et à plonger dans le temps mystérieux de l'enfance : temps immobile de l'enfant-qui-refuse-de-grandir, temps à rebours de la mémoire dont l'écriture suit le parcours accidenté, temps qui se joue tout entier dans l'instant. La mémoire de l'enfance se manifeste aussi dans la filiation, chair et sang, nom et signe, parents, fratrie et aïeux ; elle se perpétue grâce à la transmission orale des contes, légendes et mythes bibliques, familiaux ou littéraires qui nourrissent l'imaginaire enfantin. En quête d'identité comme tous les enfants, l'enfant germanien est marqué par son nom et tous les signes qui permettent de le reconnaître dans sa singularité, y compris sa gémellité : reflet au miroir, frère jumeau ou soeur jumelle, ombre-enfant, mais aussi ange. Si l'enfant nous fait entendre la voix des anges, des fées, des génies et des crapauds, il réinvente aussi le monde par son rapport au langage : du cri primordial à la nomination des choses, de la révolte à la réconciliation, l'enfant-poète joue avec la chair des mots ; il redonne le goût du sel et fait don de l'impossible.