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L'empreinte du social dans le roman depuis 1980

L'empreinte du social dans le roman depuis 1980

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : Michel Collomb)

Peut-on parler d'un "retour du social dans le roman des deux dernières décennies? Il semble, en effet, que les romanciers  évoquent de plus en plus souvent, à travers leurs personnages, les maux qui affectent les sociétés dans lesquelles ils vivent : grande pauvreté, chômage et précarité du travail, violences urbaines, familles monoparentales ou reconstituées, marginalisation et solitude liées à la toxicomanie ou à la maladie, etc.

Alors que le roman depuis Flaubert, Kafka et Joyce avait renoncé à se concevoir comme figuration et mode de connaissance de l'histoire sociale pour s'affirmer avant tout comme fait esthétique, il retrouve aujourd'hui, chez des écrivains aussi représentatifs que Salman Rushdie, Günther Grass, Annie Ernaux, Don DeLillo ou Jean Echenoz, sa nature historico-sociale. Le regard sociologique des romanciers actuels s'aiguise en même temps que se complexifient toujours davantage les rapports sociaux.

S'ils éprouvent de plus en plus le désir de parler de la société, ils répugnent à le faire de façon frontale, en recourant à des témoignages ou des documents directs. Ils se gardent, en effet, de toute référence au réalisme systématique des grands romans du XIXe siècle, dont le programme esthétique et idéologique, victime de la " crise du roman" décrite par Michel Raimond, leur paraît sans doute périmé. Dans leurs oeuvres, le social est rarement au premier plan ; il apparaît à travers des notations précises, mais éparses, des observations ironiques mises au compte des personnages, qui suffisent à situer ceux-ci dans des milieux sociaux, dont les caractéristiques sont moins nettement définies, la composition bien plus hétérogène que dans les romans réalistes de la première moitié du XXe siècle.
En se féminisant, en promouvant des écrivains venus de la périphérie, le roman contemporain offre accès à des expériences de vie beaucoup plus différenciées qu'auparavant. Malgré l'individualisme et le narcissisme, qui caractérisent une grande partie des romans actuels, ne pourrait-on distinguer, ici ou là, les linéaments d'une interprétation du social fondée sur des repères, sinon totalement nouveaux, du moins clivés et accentués différemment ?

Citons, à titre de suggestions non exclusives, quelques pistes qui mériteraient d'être suivies :
*Le clivage public/privé qui s'est sensiblement déplacé au cours de la dernière période, sous l'effet des médias et des nouveaux outils de communication. Dans une même société cohabitent des générations qui n'ont plus la même conception de la sphère privée. L'accaparement subjectif de la sphère publique s'accompagne d'un déplacement des censures et des tabous dont témoignent nombre de romans actuels.
*Le clivage individu/communauté autour duquel se reformulent les questions du mal-être social, de l'exclusion et des identités de substitution. Le "roman black" , le "roman  beur", le "roman gay" sont des catégories que l'institution romanesque a su imposer aux lecteurs. Recouvrent-elles pour autant un discours social spécifique et cohérent ?
*Le clivage féminin/masculin n'est plus porté par le radicalisme militant du roman féministe des années 1970. En revanche, les romans d'aujourd'hui détaillent les nouvelles représentations des rôles sociaux en fonction du sexe, telles qu'elles se font jour dans la société.
*Le clivage distinction/vulgarité fait appel à un regard sociologique plus pointu, mais, comme Milan Kundera l'a montré, il résume souvent les valorisations sociales qui dialoguent dans le roman contemporain. Il règne, en particulier, sur le monde des "choses" par lesquelles le discours social vient s'inscrire dans l'environnement de chacun.
La critique sociale s'abrite souvent sous l'humour ou une forme souriante de dérision, qui tient soigneusement à distance la politique et son cortège acrimonieux. Une attention particulière pourrait être portée aux formes génériques et narratives nouvelles, ainsi qu'au travail dans la langue grâce auxquels se disent ce goût, ce désir ou cette répugnance d'être ensemble.
 

Les propositions de communication sont à adresser à Michel Collomb, Centre d'Etude du XXè siècle, Université Paul-Valéry, Route de Mende, 34199, Montpellier, Cedex 5, ou, par courrier électronique à : xxesupv@univ-montp3.fravant le 15 septembre 2003.

  • Adresse :
    Université Paul-Valéry, Montpellier, 6 et 7 février 2004