Questions de société
L'édition indépendante a-t-elle besoin d'un plan d'urgence ? (20Minutes.fr)

L'édition indépendante a-t-elle besoin d'un plan d'urgence ? (20Minutes.fr)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Les Éditions du Sonneur)

Interview de Valérie Millet, des Éditions du Sonneur, propos recueilli par Alice Antheaume.
20Minutes.fr, éditions du 30/10/2008:

« Plan d'urgence pour l'édition indépendante » : c'est le nom d'une liste de propositions rédigées par l'association L'Autre Livre pour sauver les maisons d'édition indépendantes. Un plan envoyé notamment au ministère de Christine Albanel et aux professionnels du livre. Interview de Valérie Millet, des Éditions du Sonneur, porte-parole de l'association.

Comment définir une maison d'édition indépendante ?
Cela recouvre un vaste spectre de maisons aux réalités économiques et éditoriales très différentes. Cela va de la petite maison d'édition qui publie trois ou quatre livres par an jusqu'à Gallimard. Leur point commun, c'est d'avoir une comptabilité autonome qui ne dépend pas d'actionnaires extérieurs.

Pourquoi ce plan d'urgence ?
Le contexte actuel de crise financière, la remise en question du prix unique du livre, l'extrême concentration de l'édition : il y a une accumulation de données qui nous poussent à dire que la situation est alarmante.

La crise actuelle risque-t-elle d'avoir des répercussions sur le livre ?
Oui, car les gens vont acheter moins de choses. En conséquence, les libraires vont être plus prudents et acheter moins de livres issus des indépendants, ouvrages plus difficiles à vendre dans les commerces que les best-sellers. Dans ce plan, il est écrit que « le livre est actuellement maltraité dans les médias ».

C'est-à-dire ?
Parce que c'est inquiétant quand on regarde ce que font les médias pour diffuser la pensée. Un exemple : beaucoup de journaux ont des pages « coups de coeur » dans lesquelles les journalistes chroniquent des livres un peu différents, parfois de traverse par rapport aux livres « people ». Ce sont des pages très précieuses pour l'édition indépendante, mais la place y est de plus en plus restreinte. Quant à la télé, c'est une autoroute pour quinze ou vingt mêmes livres, avec des plateaux où viennent toujours les mêmes invités. Car le livre est devenu un produit marketing que l'on « lance » grâce à un plan de communication qui vaut cher et que les indépendants ne peuvent assumer. C'est une forme de censure des livres indépendants sur des critères économiques.

Votre plan propose un surcroît d'aides publiques...
Ces aides nous semblent mal réparties entre l'édition indépendante et l'édition plus « confortée ». Au Québec, une aide de l'Etat identifie les maisons indépendantes et finance entre 10 % et 20 % de leur fonctionnement annuel. On aimerait que cela existe en France aussi. Mais les aides ne suffisent pas. Nous savons que c'est à nous de faire évoluer nos relations avec les libraires et les bibliothèques. Certaines grosses librairies comme la Fnac nous ouvrent leurs portes, mais d'autres comme Virgin nous sont inaccessibles.

Pourquoi inaccessible ?
Parce que Virgin ne travaille qu'avec des maisons qui diffusent et distribuent leurs ouvrages via des organismes, alors que les maisons d'éditions indépendantes s'occupent souvent seules de leur diffusion et leur distribution. Du coup, les ouvrages indépendants ne sont achetés par Virgin que si le client en fait la commande particulière, mais ne font pas partie du fonds.