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L'écriture de la nostalgie dans la littérature arabe

L'écriture de la nostalgie dans la littérature arabe

Publié le par Florian Pennanech (Source : Brigtte Foulon et Kadhim Jihad Hassan)

L'ECRITURE DE LA NOSTALGIE DANS LA LITTERATURE ARABE

Colloque organisé dans le cadre du CARMA/CERMOM (30 et 31 Mars 2010)

Responsables scientifiques : Brigitte Foulon et Kadhim Jihad Hassan

La mémoire, en particulier dans sa dimension nostalgique,constitue sans aucun doute l'une des thématiques majeures de la poésie arabe,depuis son origine. Dans la poésie archaïque, c'est dans le nasīb que secristallise l'expression de ce sentiment de perte, ainsi que celui del'impuissance humaine face à l'entropie, figurativisés par les motifs desvestiges, al-aṭlāl, omniprésents . Si l'on note la survivance de ces motifsdans la poésie classique, comme si les Arabes, dispersés et mêlés à d'autrespeuples, d'autres cultures, avaient ressenti le besoin de réaffirmer ainsi enpermanence le lien les unissant à leur lieu premier, il ne faut pas oublier qued'autres lieux, associés quant à eux à l'urbanité, et situés en-dehors de laPéninsule arabique, s'imposèrent très tôt dans la poésie élégiaque: nouspensons notamment aux palais lakhmides de Ḥīra, Ḫawarnaq et Sadīr, évoqués parles poètes dès la fin du VIe siècle, et à la ville palatiale sassanide d'al-Madā՚in (Ctésiphon). Les trois sites seront mis en scène par Abū al-ՙAtāhiya, et le Īwān de Kisrā, vestige sisà al-Madā՚in,figurera en bonne place dans les descriptions d'al-Buḥturī, et, un siècle plustard, dans celles d'al-Šarīf al-Murtaḍā. C'est également l'Orient qui donneranaissance aux premiers poèmes de déploration sur les villes, connus sous le nomde marṯiyya-s, dont les plus célèbres sont sans doute celle d'Abū Yaՙqūbal-Ḫuraymī, décrivant Bagdad détruite par la guerre civile, et celle d'Ibn Rūmī,évoquant la mise à sac d'al-Baṣra par les Zanğ.

La nostalgie entretenant un lien étroit avec la temporalité,il serait fructueux d'observer le statut de cette dernière dans les textes. Ilconviendrait également de s'interroger sur le statut du sujet, de voir comments'articulent l'expression d'une nostalgie individuelle avec celle d'unenostalgie collective.

C'est sur cette longue tradition orientale que s'appuiel'écriture de la nostalgie dans la production d'al-Andalus, où elle s'impose àla fois dans la prose, la poésie et l'historiographie. Et c'est justementl'attachement des Andalous à la tradition littéraire orientale, qui expliqueque cette thématique ait fait son apparition dans leur production littérairebien avant que le contexte politique puisse expliquer et justifier cephénomène, et avant que se profile la moindre menace de démantèlement ou dedépècement. En réalité, l'écriture de la nostalgie y connut ses premiersbalbutiements dès l'installation des premiers immigrants arabes sur le territoireibérique, lesquels dédièrent leurs compositions poétiques à l'expression deleur puissant sentiment d'exil envers leur Orient d'origine.

Ce constat nous amène à nous interroger sur l'objet de lanostalgie andalouse : al-Andalus n'est-il pas qu'un objet de nostalgie secondpar rapport à un objet originel, et, dans l'affirmative, comment définircelui-ci ? Il nous semble nécessaire, au préalable, de disjoindre la thématiquede la nostalgie et la représentation paradisiaque du territoire andalou. On saitque l'objet de la nostalgie n'est pas nécessairement un objet doté d'une valeurintrinsèque (cf. Jankelevitch, 1974, L'irréversible et la nostalgie), ce que,déjà, al-Ğāhiz constatait dans son épître intitulée : Risāla fī-al-ḥanīnilā-al-awṭān. Le fait qu'al-Andalus, avec ses villes, sa nature, ses courssomptueuses, son art de vivre, ait cristallisé la nostalgie de ses lettrés, nesignifie pas nécessairement qu'elle ait été réellement regardée comme un lieu ànul autre pareil.

Les Andalous parvinrent-ils à renouveler cette thématique ?Comment les matériaux anciens furent-ils réorganisés, remaniés, redistribués,de façon à rendre compte,- ou non-, d'une expérience historique unique ?Observe-t-on une rupture entre le traitement de la temporalité dans les oeuvresde l'Orient arabe, et celui qui lui est conféré dans les oeuvres andalouses ?

Le mythe andalou prit corps dès la dislocation du Califat deCordoue. Dès lors, le regard porté par les habitants du territoire sur leurpassé récent évolua, et annihila progressivement toute distance critique àl'égard de princes dont l'échec politique était pourtant patent. Plus lasuperficie du territoire se réduisit, plus ce mythe grandit, effaçant, dans lamémoire collective, le souvenir de la violence politique, des dissensions etsoulèvements incessants formant la trame de l'histoire andalouse.

Depuis sa naissance au XIXe siècle, la littérature arabemoderne, prose et poésie confondues, ne cesse d'interroger ce mythe, véritableparadigme de la nostalgie, et de le relayer . Dans le contexte de l'essor, dutriomphe puis des revers du nationalisme arabe, ce questionnement prend laforme d'un périple conduisant du présent vers le passé, de l'Est vers l'Ouest,du « Je » vers l'Autre, de l'Histoire vers le mythe, à la croisée des cheminsentre l'exaltation d'un passé glorieux et parfait, duquel toute ambivalence aété éliminée, et la prise de conscience aigüe d'un présent dévasté. Il serait sansdoute intéressant d'observer quels sont les traits d'al-Andalus les plussouvent retenus par les auteurs. Privilégient-ils une période en particulier,parmi ces huit siècles de présence musulmane ? Une région, une ville ? Un règne? Une dynastie ? Quelles sont les figures retenues le plus volontiers parmi lessouverains, les lettrés, les savants d'al-Andalus ? Voici quelques pistessusceptibles d'orienter le dernier volet de nos rencontres, dédié au traitementde ce mythe dans l'écriture arabe moderne et contemporaine.

Sommaire :

Première Journée :

Matin : Genèse de l'écriture de la nostalgie dans laproduction littéraire arabe

Président de séance : M. Kadhim Jihad Hassan

9h 00 : Accueil des participants

9h30-10h : Allocation de Monsieur Jacques Legrand, Présidentde l'Inalco.

10h-10h30 : Mohamed Bakhouch (Aix) : La nostalgie dans lapoésie omeyyade

10h30-11h : Hachem Foda (Paris VIII) : Louanges posthumes.

11h -11h 30-: Georgine Ayoub (INALCO) : Les traces del'étranger.

11h30-12h : Discussion

Après-midi

Président de séance : Mme Zaïneb Benlagha

14h-14h30 : Kadhim Jihad Hassan (INALCO) : Châteaux enEspagne : Lecture du poème unique d'Ibn Zurayq al-Baghdâdî.

14h30- 15h : Mary Bonnaud : L'écriture de la nostalgie chezAbû Nuwâs.

15h-15h30 : Abdallah Bounfour (INALCO) : La nostalgie de l'origine.

15h30-16h : Eve Feuillebois (Paris III) : Nostalgie etabsence de Dieu : évolution de la notion et de son expression dans le ghazalpersan du 11e au 13e siècle (Sanâ'î, ‘Attâr, ‘Irâqi et Rûmî).

16h-16h30 : Discussion

Deuxième journée :

Matin : L'écriture de la nostalgie dans la productiond'al-Andalus

Président de séance : M. Sobhi Boustani

9h30-10h : Emmanuelle Tixier Du Mesnil (Paris OuestNanterre) : Histoire de la nostalgie andalouse.

10h-10h30 : Brigitte Foulon (INALCO) : Paysage et nostalgiedans la poésie andalouse.

10h30-11h : Slim Ridène (Manouba, Tunis) : Les toponymesdans la poésie de la nostalgie en Ifrīqiya et en Andalousie à partir du V/XIesiècle.

11h-11h30 : Pause et discussion

11h30-12h : Fatima Tahtah (Université Mohamed V, Rabat) : Lanostalgie dans la poésie d'Ibn al-Khatîb.

12h-12h30 : Abdelghani Benali (INALCO) : Les Aftasides deBadajoz : une dynastie arabe ?

12h30- 13h : Discussion

Après-midi : Ruptures /continuités à l'époque moderne

Président de séance : Mme Georgine Ayoub

14h30-15h : Zaïneb Benlagha (Paris III) : Nostalgie etécriture de l'histoire : le roman historique chez Zaydan.

15h-15h30 : Sobhi Boustani (INALCO) : De l'Andalousie àBeyrouth, nostalgie ou colère : essai sur la poésie de Mahmoud Darwich.

15h30-16h : pause et discussion

16h- 16h30 : William Granara (Harvard) : Al-Andalus inmodern Arabic Culture : a Lingering Obsession.

16h30-17h -Rima Sleimane (INALCO) : Exil et nostalgie dansla poésie de Badr Châkir al-Sayyâb : écriture d'une perte multiple.

17h- 18h : Table ronde