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L'Écosse des romantiques

L'Écosse des romantiques

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Sébastien Vacelet)

 

L'Écosse des romantiques

Journée d'étude du 11 janvier 2013 - Dijon

Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures de l'Université de Bourgogne (EA 4178)

 

La troisième journée d'étude des Cahiers d'Études Nodiéristes, organisée le 11 janvier 2013, sera consacrée à l'Écosse des romantiques. Cette manifestation ne concerne pas la seule communauté nodiériste : anglicistes, historiens d'art, musicologues, comparatistes et littéraires spécialistes des XVIIIe et XIXe siècles sont ainsi conviés, dans une perspective pluridisciplinaire, à caractériser ce magnétisme écossais qui attira toute l'Europe romantique. De la publication augurale à Édimbourg des poèmes d'Ossian par James Macpherson (1760) à la première de Lucia di Lammermoor au prestigieux théâtre San Carlo de Naples (1835), opéra de Donizetti dont le livret de Salvatore Cammarano est une adaptation du célèbre roman de Walter Scott (The Bride of Lammermoor, 1819), amateurs éclairés, écrivains, musiciens et peintres attentifs aux goûts du temps vécurent en effet au rythme de la petite et lointaine Écosse.

Charles Nodier est l'un des principaux promoteurs français de cette celtomanie européenne qui voit dans l'antique Calédonie son épicentre et en Walter Scott le nouveau messie du temps présent. Les innombrables gravures illustrant les oeuvres de Scott ont fait rêver plus d'un romantique. La peinture est une formidable fabrique de l'iconographie romantique. L'Écossais John Knox, brillant paysagiste, témoigne à travers d'audacieuses vues du Ben Lomond de l'expérience qui sera celle de Nodier en 1821 à la cime de ce massif emblématique. Tout comme son Landscape with Tourists at Loch Katrine atteste, suite à la publication de The Lady of the Lake de Walter Scott (1810), du développement touristique dans la région des lacs que visiteront Nodier et tant de ses contemporains. La nature sauvage des Highlands fixe durablement, pour les Européens du continent, un exotisme du Nord typiquement romantique. L'Anglais William Turner, admiré de Nodier, est l'un de ceux ayant su rendre cette poétique des brumes et l'inquiétante atmosphère de la grotte de Fingal (Staffa, Fingal's Cave, 1832), dans l'île de Staffa, visitée par Mendelssohn en 1829 et à l'origine de la pièce symphonique Die Hebriden oder Die Fingalshöhle (Les Hébrides ou la Grotte de Fingal) composée la même année. Rappelons que cette même grotte servira de décor gothique au prologue de l'un des plus grands succès de l'actualité théâtrale française de l'année 1820 : le mélodrame Le Vampire, dans lequel Nodier eut toute sa part. Fingal est le père d'Ossian et la Calédonie est une terre qui a vu naître le fameux barde. Tel Werther, tout poète de la fin du XVIIIe siècle voit dans les poésies galliques son bréviaire et se plaît à les imiter ou à les transposer. C'est le cas d'un illustre représentant de la première génération romantique comme Chateaubriand qui, entre Turgot et Suard (1760), Le Tourneur (1777), Baour-Lormian (1801) et Lacaussade (1842), s'inscrit dans la grande odyssée des traducteurs et adaptateurs français d'Ossian si minutieusement décrite par Paul Van Tieghem (Ossian en France, 1917). Parallèlement à cet engouement littéraire et sur les fondements du néo-classicisme, toute une veine ossianique se développe dans la peinture française (Girodet, le baron Gérard, Ingres, Jean-Auguste Franquelin).      

D'abord fervent admirateur d'Ossian dans ses écrits de jeunesse comme en témoignent le poème en prose « Description d'une nuit orageuse dans le style des anciens bardes » (1796) et un recueil comme les Essais d'un jeune barde (1804), Nodier ne cessera de s'intéresser à la question ossianique, liée au débat sur l'authenticité des poèmes publiés par Macpherson : dans son cours de Belles-Lettres (1808-1809) d'une part puis dans les Questions de littérature légale (1812), avant que Nodier ne revienne à ses convictions initiales en 1821 dans Promenade de Dieppe aux montagnes d'Écosse, carnet d'impressions (illustré par le peintre Eugène Isabey) qui préfigure le genre du récit de voyage romantique. Dès lors, le pays et les livres de Walter Scott resteront pour l'auteur de Trilby une source d'inspiration intarissable (bien que celui-ci ne soit pas parvenu à rencontrer Scott lors de sa visite de l'Athènes du Nord, Édimbourg). Trilby est ainsi une « nouvelle écossaise » (1822) saluée par Victor Hugo dans son poème « À Trilby, le lutin d'Argail » (1826). Ce récit est aussi à l'origine d'un ballet romantique à succès : le chorégraphe Filippo Taglioni, sur une partition de Jean Schneitzhoeffer et un livret du ténor Adolphe Nourrit, crée La Sylphide en 1832. C'est cette même année que Nodier publie son chef d'oeuvre, La Fée aux Miettes, qui réserve à Glasgow et Greenock une place singulière dans la cartographie onirique du conteur, quelque part entre le labyrinthe de la folie et les méandres de l'Écosse des origines. De nombreux articles critiques signés de Nodier offrent également un bel aperçu de son intérêt pour l'Écosse, souvent à l'avant-garde. On trouve ainsi respectivement dans le Journal des Débats du 19 juin 1814 et du 28 novembre 1817 un compte rendu d'Ossian, ou les Bardes, opéra de Lesueur (1804), et des Puritains d'Écosse, roman de Walter Scott paru en 1817 dans la traduction française de Defauconpret. Plus tard, un long commentaire des Oeuvres complètes de Walter Scott est également signé de la plume de Nodier en décembre 1821 et en octobre 1823 dans La Quotidienne.

Du séjour de formation ou d'études à Édimbourg ou Glasgow en plein Scottish Enlightenment (Lumières écossaises), comme ce fut le cas pour B. Constant de 1783 à 1785, jusqu'aux tournées de compositeurs vedettes de la première moitié du XIXe siècle dont Liszt ou Chopin qui les mènent parfois, comme ce sera le cas pour Paganini, jusqu'à Kilmarnock, la patrie du poète Robert Burns, le voyage en Écosse s'affiche sous des modalités très diverses. C'est à partir des traductions de Defauconpret des romans puis des poèmes de Scott que des touristes du continent franchissent la Manche. Parmi eux, Lebrun, auteur d'une Marie Stuart très remarquée sur la scène du Théâtre-Français en 1820, compose en 1825 un poème, « L'Étoile de Vénus », qui fait du rituel du voyage en Écosse une alternative au séjour en Italie. C'est cette année que Lebrun parvient à rencontrer W. Scott à Abbotsford. Amédée Pichot, aujourd'hui tombé dans l'oubli, est l'inspirateur du Trilby de son ami Charles Nodier. Pichot chemine sur les terres de Rob Roy durant l'été 1822. Il publie en 1825 son Voyage historique et littéraire en Angleterre et en Écosse où il nous fait revivre sa rencontre avec Scott et sa découverte de la poésie de Burns. Pichot, dont la traduction de La Dame du lac de Scott paraît en 1821, ramène d'Écosse La Légende de Saint-Oran et la publie en 1825. Pichot fait également paraître en 1834 Le Perroquet de Walter Scott, recueil où l'on peut notamment lire Voyages aux Hébrides ou encore Les deux Macpherson.

Visiter l'Écosse des romantiques, c'est assurément revisiter l'oeuvre de Nodier dans toute sa diversité mais c'est aussi, bien plus largement, constater le destin mêlé d'une Europe culturelle en devenir. On pourra ainsi s'interroger sur les conditions matérielles et les finalités du voyage (pré-)romantique en Écosse, en dresser une typologie ou voir ce en quoi les singularités de cette contrée offrent au récit de voyage, mais aussi aux genres narratifs comme le roman ou le conte ou encore à l'art pictural du paysage, une matière pittoresque ou exotique propice et peut-être même consubstantielle au renouvellement romantique. Les représentations de l'Écosse à travers ses personnages historiques (comme Marie Stuart) ou ses paysages singuliers (comme ceux des Highlands) peuvent fournir des sujets d'études en littérature, en musique et en peinture qui touchent à des questions génériques, thématiques, stylistiques et esthétiques. La circulation européenne et parfois transdisciplinaire d'oeuvres d'origine écossaise peut enfin intéresser de nombreuses approches intertextuelles ou comparatives : adaptation des oeuvres de Scott à l'opéra, imitation du modèle scottien dans la production romanesque européenne, influence des poèmes Ossian et fascination pour la grotte de Fingal en littérature, en peinture et en musique, traduction / réception d'oeuvres écossaises sur le continent ou, en sens inverse, de récits de voyageurs européens ou de tournées de musiciens en Écosse dont on rend compte dans la presse d'Édimbourg ou de Glasgow, audience à l'échelle de toute l'Europe d'une voix éclairée comme celle de Hugh Blair ou d'une institution aussi prestigieuse que The Edinburgh Review autour des grands débats théoriques et esthétiques de leur temps.          

Voilà autant de pistes possibles, quoique non exhaustives, vouées à alimenter des propositions pour des communications de 30 minutes devant nous parvenir avant le 30 novembre 2012 à l'adresse suivante : cahiers.nodieristes@yahoo.fr     

Responsables : Sébastien Vacelet – Georges Zaragoza

Bureau 429, Université de Bourgogne, Facultés des Lettres et Philosophie, 2 Bd Gabriel, 21000 Dijon