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Appels à contributions
L'autorité chez Jules Vallès et à son époque

L'autorité chez Jules Vallès et à son époque

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Georges MATHIEU, revue Autour de Vallès)

Au moment où est rédigé cet appel à contributions, la notion d' « autorité » est encore au coeur des débats sur l'éducation, sur les banlieues, etc., et l'on peut faire le pari qu'elle n'aura pas disparu de l'agora quand le numéro 39 de la revue Autour de Vallès paraîtra, fin 2009, sur le thème « Vallès et l'autorité ». Car il est évident que c'est un auteur important sur ce sujet, qui peut nous aider à l'éclairer et, inversement, que cette notion est une clé essentielle pour étudier l'oeuvre qui nous intéresse et, plus largement, son époque.

Vallès, l'anarchiste, dit-on, l'insurgé, le réfractaire, comme il se nomme, est-il le grand contestataire de toute autorité ? Peut-on considérer que ses attaques contre une certaine conception de la famille, de l'enseignement et de l'action politique, sa révolte contre « les autorités », contre la puissance paternelle, contre la domination de l'argent, contre les dogmes et contre le prestige des grandes figures de 1789, ainsi que son action de journaliste, d'écrivain, de membre actif des insurrections et de la Commune, constituent une position une et cohérente, qui pourrait s'inscrire dans une problématique du rapport de l'individu à l'autorité en général et sous quelque forme qu'elle se manifeste ? Ou faut-il, au contraire,y voir des attitudes diverses, ayant un fond commun, mais irréductibles l'une à l'autre ? Et dans chaque domaine observe-t-on une évolution ? À chaque période de sa vie a-t-il des principes clairs et uniformes ?
Vallès emploie, de temps en temps, le terme d' « autorité », par exemple sept fois dans L'Insurgé : au singulier et au pluriel. Dans quels sens ? À quel propos ? Quelle image en donne-t-il, dans ses articles, dans ses fictions ? Il semble que ce soit l'entité à laquelle sans cesse est confronté l'individu, le sujet pensant, écrivant, agissant. Mais il n'est pas sûr qu'elle soit ainsi nommée dès les premiers textes…

Le terme est plurivoque dans l'usage courant : s'il s'agit d'une référence intellectuelle, d'un personnage dont la compétence est reconnue, dont la parole vaut argument de poids, on pense aux philosophes, aux écrivains, à « nos pères ces géants » ; qu'ont-ils de commun avec « l'autorité », celle dont les gendarmes sont les représentants, le bras armé, ou avec le droit qu'a un père de se faire obéir ? Pourtant, ce droit peut s'appuyer sur les gendarmes, et les pères instruits citent « les philosophes de la vieille Grèce et de Rome [qui] battaient leurs fils à tour de bras », et cette autorité n'est peut-être qu'une façade, le masque du pouvoir. Pas forcément du pouvoir politique, plutôt, tout au coeur du système, de ceux qui détiennent les capitaux : les dernières lignes de L'Argent sont très claires à ce sujet : ce sont les riches qui prennent le pouvoir, après la chute des « maîtres de la parole » et dans le Parlement même. Il s'agit donc d'éclairer les rapports entre pouvoir, puissance, influence et autorité.

Évidemment, cela suppose de replacer l'usage vallésien du mot et/ou du concept dans la parole de son époque : dans ce siècle de révolutions, où la lutte des classes s'affirme dans la violence, comment s'articulent le combat pour le pouvoir et la contestation de l'autorité ? Les deux sont-ils facilement compatibles, d'ailleurs ? C'est peut-être le rapport à l'autorité qui permet le mieux de situer Vallès, sur deux points essentiels : sa vision de l'éducation, sa vision de la politique. Cela nous amène, en prolongeant le travail de Gérard Mendel, à interroger tout le siècle, qu'il faut alors faire commencer en 1789, pour y déterminer les grandes conceptions de l'autorité et particulièrement celles auxquelles Vallès se confronte explicitement.

Par ailleurs, les écrits de Vallès lui ont valu un certain prestige, il accepte d'être un délégué, un meneur, un élu. Jacques Vingtras déclare dans L'Insurgé (ch. XV) : « Aux heures de décision suprême, [la multitude] aime à voir marcher en avant d'elle, écriteaux vivants, les personnalités connues, qui portent un programme attaché, comme une enseigne, entre les syllabes de leur nom. ». Vallès s'est posé toute sa vie la question du rapport entre les redingotes et les blouses, il a évolué, semble-t-il, sur cette question, et cela rejoint le problème, ancien et toujours présent, du rôle des intellectuels dans les mouvements révolutionnaires, et même, plus généralement, dans la vie politique. Comment s'articulent ce refus des autorités que crie son écriture même et le statut particulier qu'elle lui confère ? Là aussi, la comparaison avec la façon dont d'autres écrivains ont vécu cette situation d'autorités semble intéressante.

Ceci amène, et cela semble fondamlental, à rechercher, en rapport avec la notion d'autorité, celles de camaraderie, de solidarité, de fraternité et d'égalité, voire d'unité, chez Vallès et à son époque.

En revanche, la représentation des discours d'autorité, leur citation ironique, leur mise en décalage dans son texte semble avoir été déjà suffisamment étudiée. Mais cela ne signifie pas forcément qu'il ne reste rien à voir dans la mimesis de ces discours, par exemple sur les interpellations du public, les apostrophes des destinataires, qui y sont utilisées.

Tous les projets, sont à envoyer, avant le 1er septembre 2008, et les communications proposées avant le 1er avril 2009, à Georges MATHIEU, 10 avenue des Alpes, 38300 Bourgoin-Jallieu, mathieudelaserve@wanadoo.fr


Suggestions bibliographiques :
Jules VALLÈS, Oeuvres complètes, 1 & 2, Gallimard, La Pléiade, édition établie, présentée et annotée par Roger BELLET
Du Principe d'autorité depuis 1789, suivi de Nouvelles Considérations sur le principe d'autorité, anonyme, Plon, Paris, 1853
Roger BELLET, Jules Vallès, Journalisme et révolution, Du Lérot, Tusson, 1987
Gérard MENDEL, Pour décoloniser l'enfant : socio-psychanalyse de l'Autorité, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1971
Gérard MENDEL, Une Histoire de l'autorité : permanences et variations, La Découverte, Paris, 2002.
Guillemette TISON, Auteurs, autorité, autorité dans L'Enfant, in Les Amis de Jules Vallès n° 26, Université Jean Monnet, Saint-Étienne, Faculté des lettres, 1998.