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L'art de la mystification (Romantisme)

L'art de la mystification (Romantisme)

Publié le par Alexandre Gefen

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Projet de numéro deRomantisme (2012-2)

l'art de lamystification

La mystification, comme toutes les formes deraillerie spirituelle, fleurit au XVIIIe siècle, dans les innombrables sociétésde rieurs qu'a décrites l'historien Antoine de Baecque (Les Éclats du rire :la culture des rieurs au XVIIIe siècle, Paris,Calmann-Lévy, 2000). Mais cette prospérité de la mystification style AncienRégime ne met que mieux en valeur l'extraordinaire inflation des pratiquesmystificatrices, dans la culture post-révolutionnaire. À cela trois raisonsprincipales, qui constituent autant de pistes possibles pour des articleséventuels:

1) Lamystification d'Ancien Régime participait de la mondanité aristocratique, desrituels et des modes de reconnaissance ou d'exclusion propres à une castesociale homogène. Au XIXe siècle, la mystification envahit l'espace public et,en particulier, l'univers de l'imprimé public (livres et journaux confondus).De manière significative, Jean-Louis Jeandillou a exclusivement consacré son étudede la mystification littéraire (Esthétiquede la mystification, Paris, Minuit, 1994) à la “supercherie”, portant surle nom de l'auteur. D'autre part et plus généralement, les journaux du XIXesiècle constituent sans doute le théâtre principal d'une activitémystificatrice protéiforme et tous azimuts.

2) Les écrivainss'en donnent d'autant plus à coeur joie que leur cible privilégiée est leurpublic lui-même, qui les fait vivre mais que, pour cette raison même, ilsprennent soin de maintenir ironiquement à distance. En marge de l'univers del'imprimé et de ses contraintes médiatiques, la mystification est désormais aucoeur de la sociabilité littéraire (cénacles, bohème, camaraderie …) etcontribue ainsi, même sur le mode de la provocation ou de la dérision, àstructurer le champ littéraire en formation.

3) À lalimite, l'écrivain ou l'artiste tendant à s'affirmer face à son public et leplus souvent contre lui, toute innovation artistique ou littéraire peut êtreconsidérée comme une mystification (on l'a dit pour Baudelaire, Mallarmé, lesimpressionnistes…) – ou une “fumisterie”, la fumisterie étant une formeexacerbée de la mystification : voir les Arts incohérents. Au point que cetteintrication de l'art et de la mystification finit par apparaître comme lamarque distinctive de la modernité etil est possible d'en retrouver les traces jusque dans les oeuvres littérairesmajeures du XIXe siècle – chez les poètes lyriques modernes et chez lesromanciers réalistes-naturalistes, notamment.

Trois autresproblématiques méritent en outre d'être explorées:

1) Biensûr, la parodie est l'une des formes principales de mystification. Toutes les parodies ne sont pas mystificatrices(cf. la parodicité revendiquée de multiples parodies) et toutes lesmystifications ne sont pas parodiques, mais les recoupements sont nombreux. Enoutre, la parodie peut fonctionner sur les modes mystificateur (lorsque lamystification se sert de la parodie) et démystificateur (lorsque la parodie estau contraire destinée à éclairer les lecteurs sur les limites et défauts del'oeuvre prise pour cible).

2) Mystification / gender.La mystification semble être socialement et culturellement le domaine réservédes hommes, au XIXe siècle. On sait pourtant que quatre femmes assistaient auxséances des Hydropathes (Sarah Bernhardt, Nina de Villard, Rachilde etMarie Krysinska). Les femmes ont-elles su / pu utiliser la mystification? Trouve-t-ondes mystificatrices au XIXe siècle ? Et, dans ce cas, y a-t-il unepratique spécifiquement féminine de la mystification ?

3) L'institutionnalisation des savoirs, les nouvelles pratiques de lavie politique et l'autorité acquise par les sciences et techniques donnentaussi lieu à de multiples détournements mystificateurs, qui sont relayés par laculture de la blague et du canular, particulièrement vivace sous la TroisièmeRépublique.

De façon plus générale, l'analyse de la mystificationamène toujours à mettre en regard des réalités culturelles et des productionslittéraires et artistiques : nous souhaitons que cette doublearticulation, à la fois formelle et historique, soit au coeur des articles de cenuméro. D'autre part, nous rappelons que Romantisme,sauf exception et conformément à sa politique éditoriale, privilégie lesapproches synthétiques ou transversales par rapport aux études de casmonographiques. Ces deux critères (la dimension de poétique historique et ledépassement du monographique) seront particulièrement pris en compte dans lechoix des articles.

(Les propositions d'articles, sous forme d'un résumé de 1000 à 2000 signes,sont à adresser, avant le 30 juin 2010, à Catherine Dousteyssier-Khoze (catherine.dousteyssier@durham.ac.uk)ou à Alain Vaillant (alaingp.vaillant@free.fr).Les articles définitifs seront à remettre avant la fin novembre 2011.