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L’art dans la société de contrôle (Amiens)

L’art dans la société de contrôle (Amiens)

Publié le par Philippe Robichaud (Source : Elena Sánchez-Velandia)

L’art dans la société de contrôle

Colloque International
28 et 29 Novembre 2017
Centre de Recherches en Arts et Esthétique (CRAE) Université de Picardie Jules Verne

Le devenir-information de l’art était une thématique récurrente dans le siècle dernier (notamment dans l’art conceptuel ou conceptualisme). La démocratisation des ordinateurs, l’apparition d’internet et l’émergence des arts numériques semblent confirmer ce devenir.

Néanmoins, la « société du contrôle », comme Deleuze l’a appelée à l’instar de Burroughs, se fonderait elle aussi sur l’information. Plus précisément, dans sa conférence sur l’acte de création,

Deleuze identifie l’information au contrôle (“L’information, c’est exactement le système du contrôle”1 ). Ce devenir information de l’art ne risque-t-il pas de subsumer l’art dans la logique du contrôle ?

Pourtant cette branche du conceptualisme que des théoriciens comme Simón Marchán Fiz ont appelé “conceptualisme idéologique”, dans lequel on peut situer par exemple le conceptualisme latino-américain, cherchait justement à construire une pratique artistique d’émancipation à travers la communication. Comme nous dit Alex Alberro : “Il y avait une divergence significative entre les conceptualistes latino-américains et leurs homologues de l'Amérique du Nord, plus post- structuralistes. Tandis que les derniers postulaient que le langage jouait le rôle fondamental dans la construction de l'œuvre d'art [...], les conceptualistes latino-américains affirmaient que ce rôle était joué plutôt par les structures mythiques et englobantes de l'idéologie. À la base de cette vision, il y avait un mouvement social et politique qui luttait contre les pratiques hégémoniques dominantes en faisant appel aux sentiments anti-coloniaux et anti- impérialistes. [...] C'est dans ce contexte qu'a surgi, en Amérique Latine, une pratique artistique qui ne se débarrassait pas seulement d'une œuvre d'art concrète comme objet d'interaction entre l'artiste et le public, mais qui dissolvait aussi la fonction privilégiée de l'objet médiateur en la remplaçant par les forces dématérialisées [disembodied] des communications des médias de masse. Autrement dit, un changement fondamental s'est produit lorsque la position centrale d'un travail artistique matériel a été déplacé par un système abstrait d'information, de circulation et de distribution produit par différents médias.”2

Se trompaient-ils donc, ces artistes conceptualistes, en voulant se servir de la communication pour obtenir des objectifs politiques ou bien leur usage de la communication était un usage critique ?
Et l’art de nos jours, souvent dit post-conceptualiste, a-t-il conservé et mis à jour cet usage critique de la communication ou se limite-t-il tout simplement à se servir des nouvelles technologies ?

Comment l’art de nos jours traite-t-il la question de la subjectivité dans la société du contrôle qui tourne autour de ce que Deleuze appelle « le dividuel » ? Le pouvoir n’est plus face au couple masse-individu qu’il chercherait à discipliner, mais il recode les individus en dividuels en les proposant une multiplicité de chemins de déploiement (voir l’exemple de l’autoroute chez Deleuze : “Je dirai, par exemple, d’une autoroute, que là vous n’enfermez pas les gens, mais en faisant des autoroutes, vous multipliez des moyens de contrôle.”3 )

D’autre part, dans notre époque du capitalisme communicatif-informatisé, l’Etat a été décentré comme instance principale du pouvoir et de la gouvernementalité. Comment ce décentrement change-t-il la relation entre l’art et le pouvoir et particulièrement entre l’art, l’Etat et la gouvernementalité ?

Enfin, qu’en est-il de la communication dite scientifique ? Echappe-t-elle à la logique du contrôle grâce à la force des idées qu’elle véhicule ? Ou bien l’agencement corporel et discursif qui lui est propre et qui se répète infiniment conforme-t-il une sorte de doxa médiatique ? La multiplication des colloques que nous vivons de nos jours ne ressemble-t-elle pas à la multiplication des autoroutes dont parle Deleuze ? L’art, en travaillant la conférence comme matière plastique, en la performant, nous ouvre-t-il de nouvelles possibilités pour la communication scientifique ?

 

Les propositions de contribution (300 mots max.) devront être envoyées avant le 30 juin 2017 aux adresses suivantes : elesanchezvelandia@gmail.com et anais.delambre@gmail.com

Les actes du colloque seront publiés dans la revue du Centre de Recherches, Tetrade (www.tetrade.fr) 

 

1 Gilles Deleuze, “Qu’est-ce que l’acte de création ? », dans Deux régimes de fous, Paris, Minuit, 2003 p.363
2 Alberro Alex, “A Media Art: Conceptualisme in Latin America in the 1960s” dans Newman, Michel et Bird, Jon (éditeurs), Rewriting Conceptual Art, Londres, Réaction books, 1999, p. 140 

3 Deleuze, “Qu’est-ce que l’acte de création ? », op. cit.