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L'appréhension des risques dans la culture européenne (Projections imaginaires, conscience littéraire et poétique du risque)

L'appréhension des risques dans la culture européenne (Projections imaginaires, conscience littéraire et poétique du risque)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Dominique Bertrand)

APPEL A COMMUNICATION L'appréhension des risques dans la culture européenne (XVIe-XVIIIe siècles)           Savoirs, pratiques, imaginaire          Colloque International Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand 16-18 décembre 2008 Direction scientifique : Dominique Bertrand Comité scientifique : Grégory Quenet, Brice Gruet, René Favier, Claire Carlin, Jean-Pierre Cavaillé, Pierre Ronzeaud.             Dans le cadre des recherches du Programme Pluriformation « Connaissance et représentation des volcans » sur les éruptions volcaniques, en particulier à l'occasion des derniers colloques (Villes et volcans, Le Vésuve en éruption), la question des risques est apparue comme une des mutations essentielles dans l'appréhension contemporaine des phénomènes volcaniques. Pour autant, la conscience du risque lié au volcan appelle à être resituée dans son contexte territorial et historique, comme l'a souligné Brice Gruet à propos de la Campanie où l'on repère dès le Moyen-Age des modalités d'adaptation à l'environnement et des stratégies de transmission de l'information sur les dangers récurrents des éruptions du Vésuve. Ne peut-on considérer ces démarches comme des tentatives archaïques de connaissance et d'appréhension pratique du risque - entendu comme prévision et anticipation d'un danger plus ou moins imminent et important - en deçà de la conceptualisation systématique de la notion en termes de probabilité, de vulnérabilité et maîtrise ?             Nous proposons de réinscrire l'appréhension du risque volcanique dans un questionnement anthropologique plus large sur la conscience du risque sous l'Ancien Régime. L'idée reçue selon laquelle le risque serait impensé, voire impensable, avant le XVIIIe siècle ne mérite-t-elle pas d'être reconsidérée ? Il convient d'examiner plus attentivement les références implicites ou explicites qui renvoient à une anticipation des périls, et ce tant dans les textes littéraires que dans les documents les plus divers et les archives. Il s'agit de pointer les attestations lexicales du mot « risque », qui apparaît en français dès le milieu du XVIe siècle et entre dans le vocabulaire de l'« assurance » dès la fin du XVIIe siècle.  On essaiera aussi de mieux cerner la constitution sémantique de termes corollaires (danger, péril, menace, fléau) à travers lesquels la notion de risque se voit appréhendée. Les réactions liées à l'appréhension des risques ne doivent-elle pas être entendues dans toute leur ambiguïté, de la peur et de la fuite à des attitudes plus actives, parfois jouissives, liées en particulier aux mentions nouvelles d'un plaisir du risque ? Quels sont les périls plus ou moins prévisibles que les sociétés et les individus s'efforcent de déjouer ? L'enjeu de ce colloque, au-delà d'une première cartographie de la perception des risques et des périls de la Renaissance à l'Age Classique, est de faire le lien entre risques naturels et sociétaux, collectifs et individuels. A titre indicatif, la réflexion pourra être menée autour des axes qui suivent : I Eruptions volcaniques et autres « accidents de la nature » L'archéologie des représentations volcaniques rejoint un chantier fécond de recherches sur l'histoire et la mémoire des risques naturels ouvert notamment par Grégory Quenet dans son étude sur les tremblements de terre et par René Favier et Marie-Claire Abisset, à travers l'organisation d'un premier colloque sur l'Histoire et la mémoire des risques naturels. Si les catastrophes et accidents de la nature demeurent globalement imputés à la providence jusqu'au XVIIIe siècle, on enregistre à partir de la Renaissance les prémices d'attitudes nouvelles face à ces événements. Contre quels aléas naturels les hommes de la Renaissance et de l'âge classique essaient-ils de se prémunir ? Quelles stratégies cognitives, quels systèmes de sécurisation psychologique et de protection des biens et des personnes mettent-ils en place à l'occasion des catastrophes naturelles ? L'émergence d'une évaluation du risque ne découle-t-elle pas de la représentation de plus en plus « médiatisée » des catastrophes à l'époque moderne, objet de nombreux travaux au cours de la dernière décennie ? Dans quelle mesure une réflexion sur la maîtrise des aléas climatiques se met-elle en place à partir du XVIIe siècle ? II Une révolution épistémologique : la naissance de la « théorie du risque » Les réajustements épistémologiques qui se font jour du XVIe au XVIIIe siècles croisent une réévaluation essentielle de la relation entre la providence et le hasard. Dans son étude intitulée Plus fort que les dieux, la remarquable histoire du risque (Paris, Flammarion, 1998), Peter L. Bernstein a montré comment la Renaissance et la Réforme ont préparé le terrain à l'éclosion d'une théorie du risque, rendue possible par une réinterprétation radicale des rapports entre l'homme et Dieu. Les premières formes du calcul mathématique des probabilités qui s'esquissent dès la Renaissance, autour de la théorie des jeux, visent à élaborer des techniques de mesure pour déceler l'ordre caché derrière l'imprévisibilité de l'avenir et s'inscrivent dans un contexte économique : les assurances pour garantir les échanges commerciaux se développant dès la seconde moitié du XVIIe siècle. On ne saurait traiter de l'appréhension des accidents de la nature indépendamment de cette révolution culturelle qui va s'efforcer désormais de garantir les aléas, en particulier dans le domaine maritime. III Vulnérabilités et société dans la France d'Ancien Régime             La notion même de risque naturel limite la perspective et risque de la fausser, les prétendus risques imputables à la nature n'existant pas en dehors d'une perception sociale. Or cette dimension culturelle et politique apparaît plus prégnante encore sous l'Ancien Régime. L'imaginaire moderne des risques, identifiés à des aléas cataclysmiques et sanitaires, ne diffère-t-il pas radicalement des dangers, des peurs et des fléaux qui retiennent l'attention des hommes de la Renaissance à l'Age Classique ? La conscience des risques et l'obsession de la sécurité sous l'Ancien Régime ne se focaliserait-elle pas avant tout sur des éléments de vulnérabilité politique et sociale ? Dans quelle mesure la criminalité, les séditions, la contestation politique et religieuse sont-elles envisagées comme des périls suscitant des calculs stratégiques visant à s'en protéger et à les prévenir ? En quoi la modélisation de la précaution et de la prudence mais aussi de la contagion peuvent-elles aussi recouper l'anticipation de risques inhérents aux interactions sociales ? Ne doit-on pas distinguer l'appréhension des dommages réels (la mort et la violence physique, associées notamment aux guerres) de celle des périls plus symboliques portant atteinte à la réputation (tels la honte et le ridicule) ? IV Projections imaginaires et conscience littéraire et poétique du risque Pour appréhender la conscience du risque, on considèrera des sources d'origines variées et on accordera une attention spécifique aux textes littéraires. En quoi les dispositifs fictionnels peuvent permettre d'appréhender, de mettre en scène, d'encoder des dangers à venir ? Comment permettent-ils de déréaliser et d'exorciser les risques ? Quel type d'interprétation proposent-ils ?             Dans un contexte religieux et politique où art d'écrire et persécution réelle sont étroitement liés, les risques encourus par les écrivains qui manient une plume libertine, satirique ou polémique ne sont pas purement symboliques. La critique sur le libertinage a largement mis en évidence les stratégies d'écriture dissimulées et équivoques qui découlent de situations d'écriture à haut risque. Si l'appréhension du risque de la censure détermine des modalités d'écriture spécifiques, ne donne-t-elle pas lieu aussi à des projections narratives ? Il convient naturellement d'envisager dans toute son extension les représentations fictives des dangers et des périls et on pourra s'interroger sur les dispositifs et les figures mis en oeuvre dans la production romanesque et théâtrale mais aussi sous la plume des mémorialistes et des moralistes.      Faut-il seulement imputer à la censure la topique obsédante du risque de la publication sous l'Ancien Régime ? « Un auteur risque beaucoup, quand il donne un ouvrage au public », note Furetière dans son Dictionnaire. Les stratégies de carrière des écrivains et des dramaturges ne sont-elles pas perçues comme des prises de risques ? Corneille, dans son Discours sur la tragédie, prend en considération le risque d'un faible succès pour justifier ses choix. L'imaginaire du risque qui fait irruption dans le discours esthétique est-il simplement accessoire ?    V Le risque dans la pensée morale et philosophique Comment  l'émergence d'une pensée du risque reflète-t-elle des mutations de la pensée morale et philosophique ? Objet d'une rationalisation mathématique, la question des risques n'induit-elle pas aussi une réévaluation critique des concepts de prudence, de discernement, de jugement, d'incertitude ?… Cette réflexion sur les pratiques, les savoirs et de l'imaginaire des risques appelle des perspectives interdisciplinaires et transversales, à la croisée de la philosophie et de la littérature, des sciences sociales,des sciences de la nature et des études environnementales au sens large. Les propositions de communication (titre et résumé) seront adressées avant le 30 avril 2008 : Dominique BERTRAND    dominiquebertrand1364@neuf.fr. Professeure de Littérature française, Maison des Sciences de l'Homme 4 rue Ledru, 63000 Clermont-Ferrand