L’acte littéraire à l’ère de la posthistoire
Colloque international
organisé par
La chaire de recherche du Canada en esthétique et poétique de l’UQAM
animée par Pierre Ouellet
avec la collaboration du
Programme de recherche en littérature comparée
soutenu par l’université Sorbonne Paris Cité et le CERLOM (INALCO)
sous la direction de Philippe Daros et Alexandre Prstojevic
Université du Québec à Montréal du 1er au 3 octobre 2015
Maison Ludger-Duvernay
Salon Jacques-Viger
82, rue Sherbrooke Ouest, Montréal
information : desrosiers.david@uqam.ca
www.esthetiqueetpoetique.uqam.ca
Programme
Jeudi 1er octobre
9h00 Mot de bienvenue
Qu’est-ce que l’acte littéraire ?
Président de séance : Jean-Pierre Vidal
9h15 Philippe Daros (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3)
La reprise critique de l’héritage : l’acte littéraire aujourd’hui
9h45 Pierre Ouellet (UQAM)
Une nouvelle économie symbolique : le littéraire au cœur du politique
10h30 Pause
Fins de l’histoire, fins de la littérature ?
Président de séance : Jean-François Hamel
10h45 Alexandre Prstojevic (INALCO)
L’archive historique et le merveilleux : la sortie du postmoderne ?
11h15 Alexandre Gefen (Université de la Sorbonne - Paris 4)
Fin de l’intransitivité ou fin de la littérature ?
12h00 Repas
Qu’est-ce que la posthistoricité ?
Président de séance : Philippe Daros
14h00 Raffaele Donnarumma (Université de Pise)
Sommes-nous dans la posthistoire ? Mythes et représentations de la contemporanéité
14h30 Pierluigi Pellini (Université de Sienne)
Descriptions postmodernes
15h15 Pause
Quelle apocalypse pour la littérature ?
Président de séance : Pierre Ouellet
15h30 Jean-François Bourgeault (Collège Saint-Laurent)
Il n’y a plus de délais : la littérature à l’ère de l’apocalypse technique
16h00 Jean-Pierre Vidal (Université du Québec à Chicoutimi)
L’apocalypse des sens : une vie éternelle, enfin, pour la littérature ?
Vendredi 2 octobre
Témoignage, transmission
Présidente de séance : Catherine Mavrikakis
9h15 Michel Biron (Université McGill)
L’acte de témoigner
9h45 Marie-Pascale Huglo (Université de Montréal)
Scènes réalistes : le récit en actes
10h30 Pause
Puissance et impuissance de la littérature
Président de séance : Pierluigi Pellini
10h45 Christine Baron (Université de Poitiers)
Figures de l'invivable et littérature
11h15 Daniele Giglioli (Université de Bergame)
Dispositifs d’impuissance
12h00 Repas
Transformation, transmutation
Président de séance : Jean-François Bourgeault
14h00 Étienne Beaulieu (Collège de Drummondville)
La puissance révolutionnaire de l’essai littéraire
14h30 Guillaume Asselin (Collège Marie-Victorin)
Politique de la dissidence
15h15 Pause
L’acte littéraire dans les Balkans
Président de séance : Alexandre Prstojevic
15h30 Marie Vrinat-Nikolov (INALCO)
L'acte littéraire comme empathie dans l’oeuvre de Gueorgui Gospodinov
16h00 Alexandre Jerkov (Université de Belgrade)
Autonomus post and post-autonomus literature. More on literary theory then on Serbian fiction
17h00 Cocktail
Samedi 3 octobre
Identité et reconnaissance
Président de séance : Alexandre Gefen
9h15 Patrick Imbert (Université d’Ottawa)
L’acte littéraire dans l’esthétique de la reconnaissance
9h45 Didier Coste (Université Bordeaux-Montaigne)
Le familier et son double
10h30 Pause
Le dicible et le visible
Président de séance : Éric Dayre
10h45 Paul Chamberland (UQAM)
Seul, le poème parle
11h15 Sylvano Santini (UQAM)
Performer l’indétermination ?
12h00 Repas
Une politique de l’après
Présidente de séance : Denise Brassard
14h00 Eric Dayre (École normale supérieure de Lyon)
Sur quelques usages récents de « faillir » : le fait littéraire entre (post-)histoire et (post-)philosophie
14h30 Filippo Palumbo (Collège Edouard-Montpetit)
La tâche de l’écrivain à l’époque de la posthistoire
15h15 Pause
Refaçonner le territoire
Président de séance : Patrick Imbert
15h30 Sherry Simon (Université Concordia)
Politiques de la carte romanesque : Zone de Mathias Énard
16h00 Simon Harel (Université de Montréal)
La route et la loi du père : La Route de Cormac McCarthy
17h00 Mot de clôture
Argumentaire
Qu’en est-il aujourd’hui de la portée sociopolitique de la littérature, dans un monde privé de projet de société ? Après une période marquée par de grandes figures d’intellectuels (Sartre, Camus, Aragon, Malraux…), attachés à l’engagement de l’écrivain, porteur d’idéologies que l’œuvre devait incarner dans sa trame comme dans son message, puis une autre où la littérature s’est résolument tournée vers l’expérimentation formelle censée porter l’esprit révolutionnaire inhérent aux grands bouleversements sociaux que les utopies prédisaient (du Nouveau Roman à Tel Quel en passant par les différentes avant-gardes…), serions-nous revenus, en notre époque dite posthistorique, à ce que Mallarmé appelle « l’action restreinte de la littérature », confinée au seul champ poétique ou esthétique, sans efficience dans le champ social ou politique, ou encore à une abdication de l’acte artistique propre à la littérature, désormais inféodée au discours social qu’elle se contente de relayer sous forme de témoignage ou de documentaire ? A-t-on affaire à un repli, à un retrait, pour ne pas dire à une débâcle, qui amènerait les auteurs à se retirer dans la thébaïde de leur œuvre, que Pascal Quignard compare à une sorte de Port-Royal imaginaire ? Ou encore s’agit-il d’un rejet de la littérarité au profit d’une pure littéralité qui se muerait en enquête historiographique ou journalistique visant à saisir la réalité sans aucune volonté de la transformer ?
Le colloque vise à caractériser le type d’« efficacité symbolique » propre à la littérature des trente dernières années, soit depuis le moment où nous avons commencé à affubler du préfixe post- un nombre sans cesse croissant de termes qui nous permettaient jusque là de nommer notre réalité : post-modernité, post-histoire, post-humanité, etc. Entre le repli esthétique dans l’œuvre et le rejet éthique de l’œuvre, entre la quête d’une autonomisation complète de la littérature face au champ social ou idéologique et la requête d’une dissolution totale de la parole littéraire dans le discours social ambiant ou les pratiques telles le journalisme, l’historiographie et les sciences humaines, n’y a-t-il pas une tierce position dans laquelle se trouvent de nombreux écrivains d’aujourd’hui — d’Antoine Volodine à Mathias Énard, d’Alain Fleischer à Yannick Haenel, de Nicole Brossard à Catherine Mavrikakis, de Victor Lévy-Beaulieu à Hervé Bouchard, pour ne citer que quelques exemples dans l’espace francophone —, qui consiste à redéployer par-delà tout formalisme et tout fonctionnalisme, qui autonomise ou instrumentalise la littérature, ce qu’on peut appeler la dimension anthropologique du fait littéraire, grâce à laquelle l’écriture peut être vue comme un acte à part entière, à la fois spécifique et générique, agissant sur l’ensemble des réalités humaines et, au premier chef, sur la vie commune ou le partage de la vie sensible ?
L'enjeu du colloque consiste à analyser les propriétés de cet « art de raconter » ou de cet « acte d’énonciation » en pleine mutation, qui cherche à dépasser l'opposition entre l’inscription du fait littéraire dans une langue propre (de nature strictement poïétique) et son absorption dans le discours commun (de nature essentiellement politique). L’hypothèse de fond est que la littérature ne relève pas d’une simple action sociale ni d’un pur activisme politique et encore moins d’un acte privé, isolé, autotélique ou autosuffisant, mais d’une force et d’une forme symboliques essentielles au fonctionnement de nos sociétés, comme peuvent l’être les mythes et les rites dans les cultures dites « traditionnelles ». En ce sens, c’est le phénomène même de la littérature, bien plus que telle ou telle œuvre plus ou moins « impliquée » dans son temps, qui doit être interrogé en profondeur — dans sa nature, ses enjeux et sa portée — pour qu’on puisse mieux comprendre le rôle « fondateur » qui est le sien à l’époque de la post-historicité et de la post-humanité, où l’on revient de manière radicale sur la définition même de l’Homme et de l’Histoire comme sur celle de l’Art ou de l’Acte littéraire en tant qu’Ars au sens originaire de « manière d’être ou de vivre ».