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Jusqu'où va la littérature? Construire et déconstruire les frontières de la littérature en France et en Allemagne (XVIIIe-XXIe siècles)

Jusqu'où va la littérature? Construire et déconstruire les frontières de la littérature en France et en Allemagne (XVIIIe-XXIe siècles)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Marie Puren)

Jusqu'où va la littérature?

Construire et déconstruire les frontières de la littérature en France et en Allemagne (XVIIIe-XXIe siècles)

 

Depuis le XVIIIème siècle, à mesure qu’elle s’établit en tant que champ autonome intellectuel, disciplinaire et institutionnel (Alain Viala, Naissance de l'écrivain : sociologie de la littérature à l'âge classique ? Paris : Ed. de Minuit, 1992) et jusqu’à aujourd’hui, au moment où une succession de bouleversements idéologiques et technologiques l’interpellent instamment (Matthew K. Gold, Debates in the Digital Humanities, Minneapolis: University of Minnesota Press, 2012), la littérature ne cesse de s’interroger elle-même ou d’être interrogée par d’autres disciplines voisines quant à sa place et à sa spécificité au sein du champ plus vaste des productions intellectuelles.

Ce questionnement traverse tout particulièrement l’espace franco-allemand, un espace où la question des frontières de la littérature vient rapidement se superposer à la question des frontières nationales, entraînant un dialogue constant et nourri de part et d’autre du Rhin et structurant profondément les échanges mais aussi les débats intellectuels entre les deux nations. La littérature y fait l’objet d’incessantes opérations de constructions et de déconstructions produites aussi bien par des instances ou des institutions externes que par des mises en question internes à son développement. Que l’on pense spontanément aux réactions manifestées par les lettrés allemands vis-à-vis de la France après la publication du texte De la littérature allemande par Frédéric le Grand (1780) ; ou bien aux changements idéologiques provoqués par les mouvements romantiques, surréalistes ou existentialistes aux XIXe et XXe siècles ; ou encore au dialogue constant engagé entre philosophie et littérature suite aux publications de Hegel, de Nietzsche ou de Sartre, ce ne sont là que quelques-uns des épisodes les plus visibles d’un processus de réflexion sur la littérature qui prend de multiples formes.

Si la définition de la littérature constitue l’un des principaux objets de la recherche actuelle en théorie littéraire (A. Gefen et R. Audet, Frontières de la fiction, Québec (Canada) : Éd. Nota Bene ; Bordeaux : Presses universitaires de Bordeaux, 2002), nous souhaitons quant à nous examiner la question de la définition de la littérature en partant non pas de son centre mais de ses frontières. En nous plaçant aux frontières de la littérature, objet à géométrie variable, produit d’une continuelle construction socio-historique et critique, nous voudrions éclairer cet objet hybride au moyen une approche résolument décentrée et interdisciplinaire.

Ce type d’approche émerge depuis quelques décennies au sein de la recherche actuelle et a notamment donné lieu à des travaux portant sur le concept de frontière en littérature (Monika Unzeitig, Grenzen Überschreiten - Transitorische Identitäten: Beiträge Zu Phänomenen Räumlicher, Kultureller Und Ästhetischer Grenzüberschreitung in Texten Vom Mittelalter Bis Zur Moderne; Internationale Tagung Des MOVENS-Netzwerkes Greifswald, 13. - 16. Mai 2010, Bremen : Ed. Lumière, 2011). D’autres travaux explorent les frontières entre la littérature et les autres disciplines : ils s’intéressent particulièrement aux interactions entre littérature et sociologie (« Sociologie et littérature : une relation incestueuse ? », colloque de l’Université d’Agadir qui s’est tenu en avril 2011) ou entre littérature et philosophie (Pierre Macherey, Philosopher avec la littérature. Exercices de philosophie littéraire, Paris : Hermann, coll. « Fictions pensantes », 2013 ; Philippe Sabot, Philosophie et littérature. Approches et enjeux d'une question, Presses Universitaires de France, collection « Philosophies », 2002). Les historiens ne sont pas en reste, étant donné que l’histoire entretient elle aussi des rapports « troubles » avec la littérature : à la fois source et objet de l’histoire, la littérature peut même parfois se confondre avec elle (Comment on écrit l’histoire, Paul Veyne, 1971, rééd. Seuil, coll. « Points », 1997 ; Christian Jouhaud, Les Pouvoirs de la littérature. Histoire d’un paradoxe, Gallimard, 2000).

C’est ce processus que nous invitons ici les jeunes chercheurs qui le souhaitent à ressaisir, en analysant la manière dont la littérature a été délimitée à différentes époques et par différents acteurs ou encore en examinant la manière dont elle-même a tissé ou refusé le contact avec les disciplines voisines. L’objectif de ce colloque est la mise en réseau de jeunes chercheurs, doctorants ou jeunes docteurs qui, dans le cadre de leurs recherches, se confrontent à la difficile question de la définition de la littérature et de la littérarité au sein de l’espace franco-allemand. En construisant un parcours à la fois diachronique et synchronique, qui rassemble et analyse sur le long terme une série d’études de cas cruciales pour la définition de la littérature au sein de l’espace franco-allemand, nous souhaitons finalement parvenir à mieux cerner certains enjeux propres à la littérature qui restent souvent inconscients ou informulés par les praticiens comme par les théoriciens de la littérature.

Nous concentrerons donc notre réflexion sur les limites et les marges de la littérature, qui sont des lieux féconds en questionnements et en expérimentations : genres frontières et hybrides, postures auctoriales limites, corpus reposant sur une interaction forte de la littérature avec d’autres disciplines. Nous tenterons également de dépasser des clivages qui nous paraissent enfermer la littérature dans un conflit stérile avec les autres disciplines : en créant des passerelles entre la littérature, les arts et les sciences humaines, nous souhaitons sortir des antagonismes disciplinaires, et montrer que la littérature est par nature mouvante, transgressive et protéiforme.

Nous envisageons notamment mais non exclusivement d’explorer les quatre thématiques suivantes au moyen d’études de cas :

1. Interactions que l’œuvre littéraire construit avec d’autres champs voisins, notamment mais non exclusivement la philosophie, l’histoire, les arts :

Volonté d’autonomie, relation d’interdépendance, besoin de différenciation, envie de rapprochement.

2. Postures d’auteurs qui s’établissent aux frontières de la littérature :

Ces frontières peuvent être génériques, disciplinaires, éthiques, politiques, nationales.

3. Genres littéraires frontières ou hybrides :

Le pamphlet, l’essai, les formes polémiques ; rapports entretenus entre discours littéraire et non-littéraire ; examen de problématiques spécifiques liées à l’hybridité générique.

4. Délimitation, fixation, discussion, remise en question des frontières de la littérature : Approches méthodologiques et théoriques issues d’autres disciplines ; regards croisés franco-allemands sur l’objet-littérature à différentes époques ; institutionnalisation de la littérature, évolution du canon et de l’enseignement de la littérature dans les deux pays.

Le colloque, organisé avec le soutien du Ciera, de l'ED III de l'Université Paris IV et le Centre Jean-Mabillon (Ecole nationale des chartes), aura lieu les 17 et 18 OCTOBRE 2014 à Paris, Maison de la Recherche (28 rue Serpente, 75006 Paris). Il s’adresse aux jeunes chercheurs (doctorants, post-doctorants, étudiants de master) en lettres, sciences humaines et arts. Les langues de travail du colloque seront le français et l’allemand : il est souhaitable que les participants possèdent au moins une connaissance passive de chacune des deux langues.

Modalités

Les propositions de communication en français ou allemand (titre et descriptif de 300 mots maximum) accompagnées d’une brève notice biographique (situation actuelle, université, laboratoire et discipline de rattachement, sujet et directeur de thèse ou de mémoire, éventuellement liste des publications) doivent parvenir le 30 AVRIL 2014 au plus tard à l’adresse suivante : frontiereslitt2014@gmail.com

Une réponse sera adressée aux candidats le 20 MAI 2014 au plus tard.

Une prise en charge forfaitaire des frais de transports et d’hébergement est prévue.

Une publication des actes du colloque est envisagée.

 

Bibliographie indicative

- Philippe Baudorre, Dominique Rabaté et Dominique Viart (dir.), Littérature et sociologie, Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux, coll. « Sémaphores », 2007.

- Michel Espagne, Michael Werner, Philologiques III. Qu'est-ce qu'une littérature nationale ? Approches pour une théorie interculturelle du champ littéraire, Paris : Editions de la MSH, 1994.

- Christoph Kleinschmidt and Christine Hewel (éd.), Topographien Der Grenze: Verortungen Einer Kulturellen, Politischen Und Ästhetischen Kategorie, Würzburg : Königshausen & Neumann, 2011.

- Judith Lyon-Caen et Dinah Ribard, L’Historien et la Littérature, Paris : La Découverte, coll. « Repères », 2010.

- Philippe Sabot, Philosophie et littérature. Approches et enjeux d'une question, Paris : Presses Universitaires de France, collection « Philosophies », 2002.

- Monika Unzeitig, Grenzen Überschreiten - Transitorische Identitäten: Beiträge Zu Phänomenen Räumlicher, Kultureller Und Ästhetischer Grenzüberschreitung in Texten Vom Mittelalter Bis Zur Moderne; Internationale Tagung Des MOVENS-Netzwerkes Greifswald, 13. - 16. Mai 2010, Bremen : Ed. Lumière, 2011.