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Appels à contributions
Jules Renard et le naturalisme

Jules Renard et le naturalisme

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Stéphane Gougelmann)

Le Bulletin de l’Association des Amis de Jules Renard fait peau neuve. Dès le numéro 14, qui paraîtra au cours du premier trimestre 2013, il contiendra un important dossier thématique rassemblant des articles de fond, d’un maximum de 30 000 signes. Dans cette perspective, est lancé à l’attention des chercheurs, en particulier des jeunes chercheurs, un appel à contribution. La question traitée, dans ce premier dossier, sera « Jules Renard et le naturalisme ».

Le lien entre Jules Renard et le naturalisme n’est pas évident, mais problématique. On sait que l’écrivain, dans son autoreprésentation, peut arborer parfois la panoplie de l’impeccable descripteur. Voyez Éloi, ce double littéraire, qui n’hésite pas à tirer sa loupe, dès lors qu’il s’agit d’apprécier, par exemple, la finesse d’une peau de dame. « Le verre appliqué, on voit des ornières profondes, des grains pareils aux pierres de la route, des veines navigables, des poils oubliés comme de mauvaises herbes, de sombres taches ici, là un point qui bouge, une petite bête sans doute, et partout des horreurs. » Certes, dans cette saisie à ras d’épiderme, le corps s’exhibe dans sa nudité crue, désidéalisée, mais se trouve aussi redessiné par cette vision de près, transmué en un paysage accidenté, habité et bien peu engageant. D’ailleurs, sans tarder, Éloi remise sa lentille, salue sa voisine et s’en va. Les investigations trop poussées suscitent le dégoût et incitent à l’abandon. Mais Renard renonce-t-il totalement à l’exploration scrupuleuse du réel ? Selon Sartre, dans Situations I, le réalisme se mourrait avec lui, mais serait loin d’être mort. Il n’en finirait pas d’« agonir ». Et Michel Raimond, dans La Crise du roman, adopte une opinion similaire, estimant que l’écriture oscille « entre un naturalisme qui entend peindre le réel et le symbolisme d’un Schwob chez qui le réel est volatilisé. » Renard se serait donc enlisé au milieu du guet, hésitant toujours et ne tranchant jamais entre le concret et l’abstrait, l’observation et l’invention. En somme, un mauvais repenti d’un « naturalisme pas mort », un réaliste honteux camouflé sous le masque de l’aimable fantaisie.

Pourtant, ce sévère jugement ne procède-t-il pas par simplification ? En particulier, est-ce que n’est pas sous-estimé le rôle de l’ironie, de la parodie et, surtout, de cet humour dont Renard fait, à la fois, un mode d’expression poétique et une façon d’être au monde ? Ne faut-il pas toujours supposer un sous-texte qui vienne implicitement contredire les attaches apparentes à la convention, un rire en coin qui moque tout essai de formulation du sens ? En outre, pour l’écrivain, toute allégeance à une école donnée revient à nier ce qui s’érige comme condition nécessaire et comme l’un des buts de la littérature : l’affirmation de soi grâce au style. En dernier ressort, c’est moins la question de l’objet et de son dévoilement que la question du sujet dans sa relation au monde et dans sa propre inscription et construction dans la langue, qui semble se poser.

Il paraît donc important de repenser le rapport entre Jules Renard et les poétiques de son temps pour mieux comprendre l’originalité d’une oeuvre qui, aujourd’hui, demeure, à bien des égards, méjugée et mal connue. C’est la raison pour laquelle l’Association des Amis de Jules Renard a décidé de consacrer son prochain bulletin à cette thématique, mais en resserrant la focale sur le lien entre Jules Renard et le naturalisme. Cet appel à contribution s’adresse à tout chercheur s’intéressant ou désireux de s’intéresser à Jules Renard, à son époque, ou aux questions de poétique et d’histoire littéraire que soulève le problème à traiter. Voici quelques suggestions pour orienter les recherches :

- Jules Renard et le positivisme ; Jules Renard et Taine ; Jules Renard et Zola ; Jules Renard et Maupassant ; Jules Renard et Goncourt ; Jules Renard et les auteurs du Manifeste des Cinq, etc.

- La représentation de la nature chez Jules Renard ; les animaux de Jules Renard ; l’anthropologie de Jules Renard ; la question des déterminismes ; etc.

- La recherche de la vérité ; le rôle de l’observation ; la place de l’imagination ; y a-t-il une « méthode Renard » ?, etc.

- La parodie et la satire du naturalisme.

- L’étude du pseudo-naturalisme de certaines oeuvres (en particulier Les Cloportes, L’Écornifleur, Les Histoires naturelles, les textes sur la paysannerie).

- Le théâtre de Jules Renard est-il est un théâtre naturaliste ?

- Le refus du roman et le choix d’une écriture par éclats : rupture ou continuité avec le naturalisme ? Le « silence » renardien est-il naturaliste ?

- La « culture du moi » versus le culte de l’objet.

- Questions de style : les images de Jules Renard, en particulier la question de la motivation des tropes : façon de conforter ou de déstabiliser les apparences ?  

Cette liste est non limitative.  

Les propositions de communication ne doivent pas dépasser une page. Y sera jointe une brève bio-bibliographie. Nous vous prions de les soumettre avant le 31 mars 2012  aux adresses suivantes :

amisjulesrenard@gmail.com

stephane.gougelmann@univ-st-etienne.fr

Responsables :

- Jacques Perrin, président de l’Association des Amis de Jules Renard

- Stéphane Gougelmann, vice-président de l’Association des Amis de Jules Renard