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Que vaut un corps ? (Rennes)

Que vaut un corps ? (Rennes)

Publié le par Marc Escola (Source : Cellam)

« Que vaut un corps ? »

Des « hyper-corps » aux corps minorés : systèmes d’évaluation des corps dans les fictions contemporaines

 

Dans la lignée des interrogations développées par Emmanuel Bouju dans son ouvrage à paraître, Épimodernes. Nouvelles « leçons américaines » sur l’actualité du roman, où il pose la question « Que vaut une vie ? », nous entendons étudier comment les formes fictionnelles contemporaines, dans leur pluralité médiatique, mettent en scène, posent et rejouent la question connexe « Que vaut un corps ? ». Il s’agit à la fois de questionner la façon dont les productions fictionnelles représentent des systèmes d’évaluation – financière, sociale, culturelle – des corps mais aussi comment elles contribuent à construire ou déconstruire elles-mêmes de tels systèmes. Les représentations fictionnelles seraient un espace spécifique de questionnement de la valeur des corps, — dévaluant et réévaluant les formes corporelles (authentiques / inauthentiques, légitimes / illégitimes), mais aussi le geste même qui consiste à donner ou non de la valeur à certains corps. La fiction dit-elle des corps sans valeur, en leur redonnant crédit et matérialité ? Assume-t-elle le récit de vies marginales pour rendre visibles des corps qui ne le sont pas ? Ou joue-t-elle d’effets de brouillage, en mettant en doute la confiance à accorder aux récits (mais aussi à ce qu’ils représentent), pour explorer la productivité propre à la fictionnalisation de corps et de vies jugés illégitimes ? 

Il est question de savoir s’il est possible de quantifier, de mesurer la valeur d’un corps, d’en faire une monnaie d’échange. Plus généralement, nous entendons réfléchir à la tension entre des « hyper-corps » (dont la normativité est telle qu’elle devient iconique : corps des stars de cinéma, qui incarnent un idéal de genre, de race et de classe ; reliques qui témoignent d’une vie de saint produisant un corps lui-même fétichisé, déjà divin, participant d’une sur-vie qui continuerait à être agissante après la mort) et des corps minorisés, amoindris, car considérés comme des formes de vies négligeables (par exemple les vies des migrants qui doivent s’inscrire en stigmates corporels crédibles, en récits échangés contre le droit de cité ; — corps dont la trace se perd tragiquement en Méditerranée, ou dans les conflits politiques où les disparus sont ceux dont on ne peut plus retrouver les corps autrement que sous la forme de l’absence, d’une comptabilité approximative). 

Nous suggérons dans ce cadre trois axes de réflexion :

1 / que valent des corps qui sont susceptibles de disparaître, et qui ne sont définis que par leur absence,— dont le deuil impossible est celui d’une vie qui ne peut être ni nommée ni retrouvée ?

2/ cette interrogation peut être reformulée sur un plan politique : c’est alors celle de la valeur accordée à des corps normatifs, jugés intelligibles, par opposition à ceux qui sont exclus des normes de la légitimité et dont le deuil devient alors impossible : les corps queer, trans, racisés… La question est donc celle de la production normative de la valeur, qui rend des corps plus « viables » que d’autres, mais c’est aussi celle d’une comptabilité de la vie et de la mort : pourquoi la mort de certains semble valoir plus que la mort d'autres, quels corps ont droit aux honneurs de la nation, et peuvent faire l’objet d’un deuil public, et quels corps en sont exclus, relégués à une comptabilité de la mort de moindre importance, en quelque sorte dévaluée ? 

3 / sur le plan esthétique, on pourra interroger la valorisation des corps originaux et des corps inauthentiques, des processus de transformation de l’un et de l’autre, ainsi qu’analyser la place fictionnelle du corps de l’artiste, de sa performance, mais aussi des corps de ceux qui les étudient ou les critiquent (l’œil survalorisé de l’historien d’art ou la main de l’artiste fétichisée). Quels corps font l’objet d’une vénération esthétique et sacrée ? Lesquels sont aptes à décider de cette vénération, à la pratiquer, à l’encadrer ?

La journée d’études aura lieu le 31 mai 2018 à l’Université Rennes 2.

Les propositions de communication, qui ne doivent pas dépasser 400 mots environs, sont à envoyer à l’adresse suivante : corps.fictions@gmail.com, avant le 15 février 2018. Une publication est envisagée.