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L'affaire Pierre de Montmaur

L'affaire Pierre de Montmaur

Publié le par Bérenger Boulay (Source : C. Barbafieri et J.-M. Civardi)

 

Appel à communications

L’affaire Pierre de Montmaur

Institut Universitaire de France, Université de Valenciennes (CALHISTE) et Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (ESR)

Saint-Quentin-en-Yvelines et Paris, 14 et 15 juin 2013

 

Pierre de Montmaur (1576-1648) exerça pendant vingt-cinq ans, jusqu’en 1648, la fonction de professeur royal de grec à l’université de Paris, succédant, au Collège Royal, aux grands hellénistes que furent Jérôme Goulu, second fils de Nicolas Goulu, ou Jean Dorat. Sa notoriété dépassa néanmoins le cercle des savants et des érudits parisiens et de nombreux textes parurent, de son vivant puis après sa mort, qui dressaient un portrait peu avantageux de l’homme, le peignant comme un redoutable pédant et un parasite. D’après Adrien de Valois (Valesiana ou les Pensées critiques, historiques et morales, et les Poésies latines de Monsieur de Valois, Paris, Florentin et Pierre Delaulne, 1694, p. 37), ce fut une oeuvre du début de la carrière de Ménage (Vita Gargilii Mamurræ, parasitopædagogi) qui, vers 1636, constitua une exhortation pour tous les savants à prendre la plume contre Pierre de Montmaur, et nombreux furent ceux qui répondirent à l’appel. Toutefois la guerre comique lancée contre le ridicule professeur ne cessa pas avec la mort de ce dernier, survenue en 1648, et des recueils d’écrits satiriques parurent en 1665 (Epulum parasiticum) puis en 1715 (Albert Hendrik de Sallengre, Histoire de Pierre de Montmaur, professeur Royal en Langue grecque dans l’université de Paris, La Haye, Chr. Van Low, P. Gosse et R. Alberts), succédant ainsi au premier recueil paru du vivant de Montmaur, en 1643 (recueil d’Adrien de Valois, Petri Monmauri... opera).

Si des recueils rassemblant des écrits contre Pierre de Montmaur se constituent aussi tardivement dans le siècle, c’est que l’affaire Montmaur dépasse largement la seule personnalité du professeur de grec. Familier du président de Mesmes, Montmaur représente la culture humaniste et incarne l’opposition à la culture mondaine, celle-là même que ne méprisent pas les nouveaux doctes (Guez de Balzac et Ménage en premier lieu) qui entendent être aussi des gens de bonne compagnie. Au-delà du seul Montmaur, c’est en particulier la figure du pédant qui se voit redessinée. Le pédant, qui était traditionnellement, par l’influence littéraire des Italiens autant que par la culture farcesque médiévale française, un homme présomptueux et ignorant, féru de sa science et de ses langues anciennes, devient de plus en plus un homme sale et mal habillé, de mauvaise compagnie et aux mauvaises manières, un parasite goinfre qu’il est répugnant de voir manger à table, mais dont on peut rapporter les bons mots. L’affaire Montmaur contribue ainsi à pousser le pédant hors de l’univers proprement scolaire pour en faire un personnage ridicule en milieu mondain, aux yeux mêmes de la société policée. Désormais, dans la vie comme en littérature, le docte doit savoir comment se comporter dans le beau monde : savoir et savoir-vivre vont de pair.

Diverses pistes de recherche pourront être examinées :

- comparaison entre les recueils rassemblant les écrits contre Pierre de Montmaur, recueils de 1643, de 1665 et de 1715 : composition, présentation (préface, vie, dédicaces), illustrations.

- genres des textes en grec, en latin et en français, en prose et en poésie, qui composent les recueils : vies, épigrammes, épîtres en vers et en prose, métamorphoses, épitaphes, ana, satires, guerres littéraires, histoires comiques, parodies, tombeaux, etc. Ces genres sont-ils spécifiquement savants ou appartiennent-ils déjà à la culture de la société cultivée? Quel est l’effet produit, au sein du recueil, par l’accumulation et le mélange des genres ? Quelles sont la place et l’importance des écrits contre Pierre de Montmaur dans l’histoire de la satire ?

- le comique et ses procédés : le rire dans ces recueils se situe-t-il dans la tradition de la Basoche, ou bien la raillerie peut-elle être fine et délicate, rejoignant la sociabilité des salons ? Quelle est la part, dans ces écrits, de la scurrilité et du grotesque, du burlesque littéraire ? Une étude des jargons des savants et des poètes, du parler populaire parisien sera à mener pour tenter de mesurer avec le plus de précision possible les imbrications entre la culture savante et la culture mondaine.

- les types littéraires : le pédant, le parasite, le savant hirsute, le poète mercenaire, le poète crotté, le poète pointu, le barbon, l’avare, l’auteur de bons mots, etc. Quel est l’ancrage de ces types dans la tradition antique, médiévale et humaniste ? Quelle est leur modernité propre ?

- les auteurs des textes (Ménage, Guez de Balzac, La Mothe Le Vayer fils, parmi bien d’autres) : milieux des auteurs (savants, nouveaux doctes, mondains, polygraphes), protecteurs (Gondi et opposants à Richelieu majoritairement ?), place de ces textes dans leur production et leur carrière, pratique de l’anonymat et du pseudonymat.

- aspects historiques : la réalité de la pauvreté des gens de lettres au XVIIe siècle, de la pratique qui consiste pour les grands à avoir à leur table des parasites lettrés amusants (mythe et réalité de « J. Santeul, hôte indispensable de la maison de Condé » par exemple), nourritures populaires et nourritures aristocratiques, les lieux parisiens du savoir (quartier Latin, place de Grève).

- néo-grec et néo-latin : usage et importance, versification, modèles antiques imités, comique des noms propres.

 

Organisation : Carine BARBAFIERI (carine.barbafieri@gmail.com) et Jean-Marc CIVARDI (jmcivardi@wanadoo.fr)

Les propositions de communications sont à envoyer simultanément aux deux adresses avant le 1er novembre 2012.

Comité scientifique : Carine BARBAFIERI, maître de conférences à l’Université de Valenciennes - Institut Universitaire de France ; Emmanuel BURY, professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ; Jean-Marc CIVARDI, maître de conférences à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ; Delphine DENIS, professeur à l’Université Paris-Sorbonne ; Georges FORESTIER, professeur à l’Université Paris-Sorbonne ; Alain GÉNETIOT, professeur à l’Université de Lorraine.