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Perceptions de l'altérité

Perceptions de l'altérité

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Stéphanie Bulthé)

Journée d’études Jeunes Chercheurs

Dunkerque, le mercredi 22 avril 2015

« Perceptions de l’altérité »

École Doctorale Sciences de l’Homme et de la Société

Université du Littoral-Côte d’Opale

Unité de Recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel

( H.L.L.I., E.A. 4030)

Équipe de recherche « Modalités du Fictionnel »

 

Argumentaire

L’altérité est « le caractère de ce qui est autre » selon la définition que donne Emmanuel Lévinas dans l’Autre comme visage, autrement dit une opposition radicale entre alter et ego. La réalité ontologique de l’être consiste en ce que nous n’existons que par la conscience directe que nous avons de nous-même, ainsi que nous le rappelle Descartes. Si seule notre pensée nous est immédiatement accessible, notre existence psychique est toutefois fondamentalement dépendante de notre conscience de l’autre, c’est-à-dire de celui qui n’est pas nous, et nous contraint d’envisager l’existence des autres dans une réalité parfaitement évidente mais difficilement appréhendable.

Il s’agit dans un premier temps d’envisager une définition de l’autre : comment remplit-on la coquille vide que constitue autrui ? Notre ego imagine une frontière qui fait clivage et varie selon les époques et les personnalités,  sur un espace géographique, religieux, historique, culturel, sociologique ou ethnographique. La définition de l’altérité peut s’amorcer autour de cette frontière, souvent immatérielle que l’on trace entre ego et alter. L’autre peut être singulier ou envisagé comme un collectif. C’est ce que l’on retrouve dans de très nombreux récits de voyage. Ainsi, un des enjeux fondamentaux de l’Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil de Jean de Léry  est de saisir pour ses contemporains européens la singularité des populations autochtones de ce pays, en développant une véritable pensée de la comparaison et de l’analogie, dans le portrait qu’il fait de ces habitants. Depuis la découverte du Nouveau Monde, la rencontre avec l’autre se pose au niveau des civilisations, terme qui renvoie d’ailleurs à un nécessaire progrès des sociétés humaines par la domestication de l’état naturel de l’homme.

Si la conscience de l’existence de l’autre appartient au domaine de la réalité objective, le champ définitoire de cette notion dépend de choix personnels. L’altérité questionne ce que nous sommes et nous oblige à expliciter ce nous définitoire de notre personnalité, individuelle ou plurielle. « Je est un autre » disait Rimbaud, dans la lettre dite du voyant, adressée le 15 mai 1871 à Paul Demeny. Face à ce que nous ne sommes pas, la pensée de l’altérité nous conduit à interroger notre propre système de valeurs puis nous invite à questionner  les principes essentiels qui fondent une humanité commune  avec ceux que nous percevons comme étrangers.

L’autre ne se laisse pas appréhender facilement, il est tout à la fois proche et lointain, semblable et différent. Les mots dont on dispose pour nommer l’autre sont nombreux et le terme choisi pour définir ce qui n’est pas soi correspond au type de relation que l’on invente entre nous et un être nommé : connaissance, ami, proche, prochain, étranger, hôte. Nommer l’autre est une façon de choisir le type d’altérité que nous construisons. Ce choix purement sémantique se révèle rarement neutre et implique une distance plus ou moins forte entre celui-là et nous. On y entrevoit la dimension de reconnaissance du semblable dans l’autre, devenu reflet, plus ou moins éloigné, de nous-même.

Le principe de reconnaissance de l’altérité ainsi posé dans la dénomination de l’autre, il convient d’analyser les modalités de notre réaction face à cette différence, modalités bien différentes entre compréhension et adhésion, incompréhension et interrogation, rejet et même peur. Cette notion questionne nos relations avec celui qui porte des valeurs différentes des nôtres. Sympathique complice ou irréversible ennemi, l’autre se construit dans le regard que l’on pose sur lui. Les rapports que l’on entretient avec celui dont on diffère sont complexes et la communication parfois difficile voire impossible. Se pose évidemment la question des divergences et des convergences entre les individus. Si la rencontre avec l’autre provoque un  enrichissement mutuel, il se trouve appréhendé à la manière d’un alter ego ; au contraire, si la rencontre avec l’autre correspond à une incompréhension réciproque ou unilatérale, elle entraîne un rejet pouvant aller jusqu’à l’exclusion et la persécution, l’autre passant alors de l’alter à l’alienus. Une remise en question de notre culture est toujours dérangeante. Même si la tentation est forte de juger les cultures étrangères, de nombreux auteurs, nous invitent, à l’instar de Montaigne, à « frotter et limer [notre] cervelle contre celle d’Autrui » (Les Essais, III, 9).

Enfin, par un saisissant effet de retournement, la rencontre avec l’autre entraîne un retour éclairé sur notre identité propre. Le voyage vers l’étranger, au sens géographique et humain du terme, est toujours double car il nous ramène à notre propre intériorité. À partir du moment où l’on postule l’existence d’êtres différents de soi, il nous faut nous demander en quoi ils diffèrent. L’identité de l’autre, double ou ennemi, permet de construire la définition que l’on a de soi-même. Chez Sartre, dans L’Être et le néant, cette posture suppose la non-coïncidence de soi à soi et  l’unique accès à notre identité objectivé  par le regard d’autrui. Nietzche, quant à lui, rappelle que notre rapport à l’autre est toujours biaisé car fondamentalement tourné vers la propre satisfaction de nos désirs. Le respect véritable de l’autre n’existe qu’en maintenant la distance entre l’autre et nous. La volonté de fusion totale de l’autre en nous, en niant les spécificités de chacun, n’est qu’une façon perverse de posséder l’autre pour qu’il nous renvoie une image séduisante de nous-mêmes. Au niveau sociétal, la distinction des cultures amène à une relativité de jugement sur nos sociétés modernes, comme dans les œuvres Désert de Le Clézio ou Un Barbare en Asie de Michaux.

 

Modalités de soumission

Nous accueillons dans cette journée d’études toutes propositions de jeunes chercheurs (Master recherche, Doctorants, Post-Doctorants) littéraires, philosophes, historiens, civilisationnistes ou sociologues autour des problématiques suivantes :

  • les modalités de rencontre avec l’altérité de l’autre dans son individualité ou dans sa pluralité, et leurs processus identificatoires

  • les différents regards portés sur l’altérité par les écrivains et critiques dans leur dimension spatio-temporelle

  • les représentations de l’autre dans nos similarités communes

  • la réflexivité d’une telle rencontre sur nos propres valeurs.

     

    Les propositions de communication doivent comporter un titre, un résumé de 250 à 300 mots, et une courte présentation de l’intervenant (laboratoire de rattachement, publications...). Les interventions se limiteront à trente minutes.

    Les propositions seront envoyées à l’adresse indiquée ci-dessous pour le 25 mars :

    jeuneschercheurs.littoral@gmail.com

     

    Elles seront communiquées sous un format facilement lisible (WORD, PDF…).

    Une réponse individuelle sera communiquée le 28 mars.

    Pour toute information pratique supplémentaire concernant la journée d’étude, merci d’écrire à la même adresse. Il est à noter qu’en aucun cas l’Unité de Recherche HLLI ne pourra couvrir les frais de déplacement. Une attestation pourra être fournie pour un remboursement par votre laboratoire de rattachement.