Actualité
Appels à contributions
La crise financière de 2008 et ses images en France (Paris 3)

La crise financière de 2008 et ses images en France (Paris 3)

Publié le par Marc Escola (Source : Calum Watt)

Date limite de soumission des communications : 16 février 2018.

APPEL À COMMUNICATIONS

Journée d’étude : ‘La crise financière de 2008 et ses images en France’

Vendredi 8 juin 2018

Maison de la recherche, 4 rue des Irlandais, 75005 PARIS

 

Dix ans après le déclenchement de la crise financière de 2007-2008, dont les premières secousses se sont manifestées par le gel de trois fonds d’investissements à BNP Paribas en août 2007 et dont le point culminant a été atteint avec la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, une journée d’étude visera à rassembler les réflexions sur la représentation et la conceptualisation de la crise en France. La crise constitue un événement phare de notre histoire contemporaine, mais elle reste peut-être mal comprise. Organisée par l’Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel (IRCAV) à la Sorbonne Nouvelle Paris 3, cette journée d’étude permettra d’analyser la manière dont la crise a été mise en images.

Selon un dossier dans Esprit : « La crise que connaît le monde, et en particulier le monde occidental, depuis 2008, semble souffrir d’un déficit de représentations sur le plan artistique et culturel, notamment en France » (Esprit, Juin 2012, p. 59). S’agit-il de la vérité ? Dans ce cas, pourquoi ? Une autre étude, très critique des films américains qui traitent de la crise, avance la thèse suivante :

Dans une période où les images de l’effondrement social et environnemental sont omniprésentes dans toutes les sphères de la culture […] les représentations cinématographiques de la crise en cours sont comparativement rares et rarement captivantes. […] Les réalisateurs ont eu du mal à incorporer le trouble économique dans leurs œuvres sans avoir recours à des tropes familiers et rassurants : les familles qui se soutiennent pour surmonter les difficultés économiques, le machisme et la malveillance des traders, l’aspect destructeur de l’avidité. […] L’invisibilité et la connectivité, l’immatériel et le systémique, sont parmi les dimensions de la vie moderne économique qui nous amènent à une situation où le capitalisme « en lui-même » pose des problèmes obstinés pour l’intrigue et l’image. […] C’est le rôle central de la finance à la crise en cours qui pose ses propres problèmes représentatifs, à savoir la complexité mathématique et légale intense des instruments financiers (les produits dérivés, les CDOs, les CDSs, etc.) au cœur de la crise. (Toscano and Kinkle, pp. 158-160).

Dans d’autres analyses, la crise se présente dans un « imaginaire urbain » (Meissner), apparaissant souvent dans les paysages des quartiers financiers et les scènes de la dégradation périurbaine. Les origines de la crise, sont-elles trop techniques à relater dans une forme visuelle ou esthétique ? Dans les études universitaires sur ce sujet, il est fréquemment évoqué que la représentation d’une crise se transforme en crise de la représentation. Serait-il possible d’aller au-delà d’un tel cheminement de la pensée ? Quelle est la relation entre la crise et la forme ? Y a-t-il une esthétique de la crise ? L’un des objectifs de cette journée d’étude est de répondre à ces questions en ne traitant pas seulement des films de fictions et des documentaires, mais aussi plus largement de l’audiovisuel en France : par exemple, le cinéma engagé, le cinéma underground, les films d’artistes, les médias, les stratégies de communications dans les campagnes officielles, politiques, financières, et de propagandes, etc.

            Plusieurs écrivains partagent l’idée que la crise financière ne peut pas être considérée comme un phénomène discret, mais davantage comme un élément faisant partie d’une crise plus vaste ayant des dimensions politiques, économiques et écologiques (par ex. Keucheyan). Il a été affirmé que la crise a entraîné la montée du populisme dans les pays capitalistes (par ex. Le Monde, 4 juillet 2017, p. 23). Les philosophes montrent que l’expérience de la crise est constitutive de notre expérience de la modernité (par ex. Revault d’Allonnes). Pour d’autres, la crise présente uniquement une période de fonctionnement normal d’un système capitaliste qui est lui-même crise. Le mot et le concept de crise, sont-ils pertinents dans un tel contexte ? D’autres paradigmes sont peut-être nécessaires. D’après plusieurs philosophes et économistes, la crise met en question des catégories telles que le travail, la dette, la croissance, la financiarisation et l’inégalité. Comment ces concepts ont-ils été mis en images en France depuis 2008 ?

La crise peut être considérée comme le moment de l’effondrement de la foi idéologique dans le marché (par ex. Larnaudie) ainsi qu’un moment clé où se révèle l’échelle de la fraude et de la corruption financière. Pourtant, les critiques soutiennent que rien n’a changé, tout continue comme avant, et qu’il ne s’agit que d’une question de temps avant l’arrivée de la prochaine crise. Cependant, les finances publiques ne pourront supporter un deuxième bouleversement économique. Comme le montre le sociologue Wolfgang Streeck, la crise aggrave et révèle trois tendances à long terme apparemment irréversibles dans les économies de l’OCDE : un déclin persistant du taux de croissance, la hausse de l’endettement général, et la montée des inégalités économiques. En même temps, la zone de la lutte s’est déplacée des lieux de travail et des gouvernements vers les marchés financiers, les banques centrales et les organismes supranationaux. Les décisions sont prises dans des sphères de plus en plus abstraites et loin du contrôle démocratique. Pour Streeck, après 2008 « il faut s’attendre à une longue et douloureuse période de décomposition cumulative » (Streeck, p. 149). La société souffrira de plus en plus des crises. Dans un tel contexte, comment les images peuvent-elles nous aider à comprendre le sens de notre histoire contemporaine ? Quel rôle jouent-elles dans la création de cette histoire ? Déforment-elles notre perception de la réalité ? Sont-elles capables de nous exposer à l’horizon désastreux ouvert par la crise financière ?

Nous recherchons des intervenants souhaitant proposer des communications portant sur la crise en France et ses images. Vous trouverez ci-dessous les axes provisoires :

  • Films de fiction, documentaires
  • Films d’artistes, cinéma d’avant-garde, cinéma engagé
  • Médias
  • Autres formes de la culture visuelle

Toutes les communications dureront 30 minutes, et pourront être en anglais ou en français. Les propositions de communications, comprenant un résumé d’un maximum de 250 mots accompagnée d’une brève notice biobibliographique, sont à envoyer à criseimages@gmail.com, le 16 février 2018 au plus tard. 

Organisateur : Calum Watt, « Marie Curie Fellow » à l’IRCAV, Sorbonne Nouvelle Paris 3.

Contact : andrew.watt@univ-paris3.fr

Comité scientifique :

Jean-Pierre Bertin-Maghit, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3

Evgenia Giannouri, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3

Raphaëlle Moine, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3

Martin O’Shaughnessy, Nottingham Trent University

Bruno Péquignot, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3

Sarah Waters, University of Leeds

Calum Watt, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3

Cet événement fait partie d’un projet qui a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation

Horizon 2020 de l’Union européenne d’après l’accord de subvention Nº708042

 

Bibliographie sélective

‘Abécédaire de la crise’, Multitudes, 37-38 (2009).

Constantopoulou, Christiana, ed., Récits de la crise : Mythes et réalités de la société contemporaine (Paris : L’Harmattan, 2017).

‘La crise, comment la raconter ?’, dossier dans Esprit, Juin 2012.

‘Crises en thème : Filmer l’économie’, numéro de La Revue Documentaires, 25 (2014).

Durand, Cédric, Le Capital fictif: Comment la finance s’approprie notre avenir (Paris : Les Prairies ordinaires, 2014); trans. by David Broder as Fictitious Capital: How Finance is Appropriating Our Future (London: Verso, 2017).

Goux, Jean-Joseph, Le Trésor perdu de la finance folle (Paris : Éditions Blusson, 2013).

Jappe, Anselm, Crédit à mort : La décomposition du capitalisme et ses critiques (Paris: Lignes, 2011); trans.  by Alastair Hemmens as The Writing on the Wall: The Decomposition of Capitalism and its Critics (Ropley: Zero Books, 2017).

Keucheyan, Razmig, ‘Anatomie d’une triple crise’, Le Monde diplomatique, août 2017, p. 3.

King, Alasdair, ‘Film and the financial city’, in Studies in European Cinema, 14:1 (2017), pp. 7-21.

Larnaudie, Mathieu, Les Effondrés (Arles : Actes Sud, 2010).

Lordon, Frédéric, La Crise de trop : Reconstruction d’un monde failli (Paris : Fayard, 2009).

—— D’un retournement l’autre : Comédie sérieuse sur la crise financière en quatre actes et en alexandrins (Paris : Seuil, 2011). 

Meissner, Miriam, Narrating the Global Financial Crisis: Urban Imaginaries and the Politics of Myth (Basingstoke and New York: Palgrave Macmillan, 2017).

‘Money : Now you see it, now you don’t’, special issue of Studies in French Cinema, 15:3 (2015).

Orléan, André, De l’euphorie à la panique: Penser la crise financière (Paris : Éditions Rue d’Ulm, 2009).

Revault d’Allonnes, Myriam, La Crise sans fin : Essai sur l’expérience moderne du temps (Paris : Seuil, 2012).

Sicotte, Geneviève, Martial Poirson, Stéphanie Loncle and Christian Biet, eds., Fiction et économie : Représentations de l’économie dans la littérature et les arts du spectacle, XIXe-XXIe siècles (Québec City: Les Presses de l’Université Laval, 2013).

Streeck, Wolfgang, How Will Capitalism End? Essays on a Failing System (London: Verso, 2016); ‘Comment finira le capitalisme ?’, traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat, Le Débat 2016/2 (n° 189), pp. 131-149.

Toscano, Alberto, and Jeff Kinkle, Cartographies of the Absolute (Alresford: Zero Books, 2015).

Waters, Sarah, ‘Disappearing bodies: The workplace and documentary film in an era of pure money’, in French Cultural Studies, 26:3 (2015), pp. 289-301.

Watt, Calum, ‘“Money is a public good”: Godard’s Film Socialisme (2010) and Bernard Maris’, in Studies in French Cinema, 17:3 (2017).

  • Responsable :
    Calum Watt
  • Adresse :
    Sorbonne Nouvelle, Paris 3