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Lectures critiques du romantisme au XXe siècle

Lectures critiques du romantisme au XXe siècle

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Victoire Feuillebois)

Cette journée d’étude a pour but de prolonger l’axe tracé au sein d’un des « Ateliers du XIXe siècle » de 2013 autour de la thématique « Le XIXe siècle vu par le XXe » en se concentrant cette fois, non sur les réécritures des écrivains, mais sur les lectures des critiques et des théoriciens de la littérature. La journée invite ainsi à une réflexion historique sur la manière dont les différents courants de critique et de théorie littéraire ont lu et appréhendé le romantisme dans le courant du XXe siècle.

En effet, parmi les différents courants littéraires, le romantisme s’est régulièrement trouvé au cœur des débats théoriques tout au long du XXe siècle, et les principaux paradigmes critiques l’ont érigé tour à tour en modèle et en contre-modèle. On trouve aux deux extrémités du siècle des moments de valorisation du romantisme : au début du XXe siècle, il constitue le corpus par excellence des premières approches comparatistes formalisées, destinées chez un Fernand Baldensperger ou un Paul Van Thieghem à dégager des traits littéraires transversaux communs à l’ensemble des littératures européennes. Vers la fin du siècle, le romantisme est également remis à l’honneur : dans le contexte français actuel, le paradigme critique qui invite à relire les textes littéraires à la lumière de l’histoire culturelle s’est développé à partir de l’étude du Zeitgeist romantique, et considère le corpus romantique comme un lieu privilégié pour penser les processus littéraires et esthétiques.

Mais entre les deux, c’est une vaste zone troublée qui se déploie à une époque considérée comme l’âge d’or de la critique française : dans les courants théoriques des années 1960 et 1970, le rapport au romantisme se fait plus ambivalent et les différents paradigmes critiques sont amenés à se définir par rapport à lui – souvent par rejet radical. Le structuralisme, par exemple, avec son approche formelle et sa conception du texte autotélique, qui se réclame ouvertement de la double tradition flaubertienne et mallarméenne, discrédite l’aspiration des « mages romantiques » à faire de l’art la relève de la philosophie et de l’écrivain le dépositaire d’un sacerdoce moral. Si elle se place en principe dans la lignée de la polysémie romantique, tout un pan de la théorie de la « déconstruction » française continue de manifester une certaine méfiance pour le courant : ainsi, la « déconstruction » tend parfois à condamner la littérature romantique, héritière des théories du langage de Rousseau et Herder, en la soupçonnant d’une foi naïve en la « métaphysique de la présence » qui la confinerait dans une posture nostalgique et aveuglée.

Ce statut ambivalent met en lumière l’enjeu particulier que constitue l’interprétation du romantisme pour la théorie littéraire du XXe siècle. En effet, beaucoup de critiques s’accordent pour le considérer comme une ligne de partage entre archaïsme et modernité en littérature, mais sans pour autant trancher si l’avènement d’une littérature dans laquelle les contemporains se reconnaissent se fait avec le romantisme, ou au contraire après lui. Le romantisme fait-il partie de cette modernité dont il serait l’avant-poste, ou constitue-t-il au contraire la dernière étape avant les « révolutions du langage poétique » ? La question reste plus ouverte qu’on ne le soupçonnerait. Le romantisme est donc loin d’être le mouton noir de la critique des années 1960 et 1970 : il apparaît comme un objet profondément pluriel, dont l’appréciation varie en fonction des romantiques et des romantismes que l’on sélectionne. On constate ainsi que l’influence méthodologique et certains modes concrets d’appropriation du romantisme diffèrent parfois du discours critique global porté sur lui : dans la critique du XXe siècle, le romantisme est souvent là où on ne l’attend pas.

Au-delà de l’interprétation du romantisme en lui-même, c’est donc une lecture de ses lectures qui est aujourd’hui nécessaire. En replaçant les réceptions critiques dans leur cadre conceptuel, on fait en effet apparaître des effets de perspective, qui permettent de situer dans le temps et dans l’espace les différentes lectures du romantisme, mais aussi de mettre en relief les éventuelles lacunes ou mésinterprétations qu’ont pu engager des analyses pourtant devenues canoniques. La réception souvent heurtée du romantisme dans la critique du XXe siècle nous incite donc à proposer une historicisation du regard critique. Ce panorama doit contribuer à préciser le statut et la place des études sur le romantisme dans le champ intellectuel contemporain et à réfléchir aux outils épistémologiques légués par ces différentes approches pour penser le romantisme au début du XXIe siècle.

 

Contact : Victoire Feuillebois, victoire.feuillebois@gmail.com

 

Programme

Session 1 : Paradigmes épistémologiques (modération : Jean Lacoste)

10h : Mot d’accueil de Jérôme Farigoule, directeur du Musée de la Vie romantique

10h15 : José-Luis Diaz, Victoire Feuillebois : introduction

10h30 : Philippe Forget (Lycée Louis-le-Grand) : « Remisant le texte (Schleiermacher – Gadamer – Rombach – Hölderlin) »

11h : Michaël Löwy (CNRS, EHESS) et Robert Sayre (UPEM) : « Le romantisme révolutionnaire au XXe siècle »

11h30 : Eric Lecler (Aix-Marseille) : « L'essai, une forme apocalyptique (Lukács , Bloch, Benjamin et l'utopie romantique) »

 

12h : questions et débats

 

Session 2 : Révolutions du romantisme (modération : Aurélie Foglia-Loiseleur)

 

14h : Matthieu Vernet (CNRS, Fondation Thiers) : « Ce qu'il reste du romantisme (1900-1930) »

14h30 : Patrick Marot (Université Toulouse 2-Jean Jaurès) : « Romantisme et négativité. De quelques positionnements et de leurs enjeux au milieu du XXe siècle (Breton, Béguin, Gracq, Blanchot). »

15h : Questions et pause

15h30 : Victoire Feuillebois (Tours) : « Le romantisme des comparatistes, 1900-1960 »

16h : José-Luis Diaz (Paris VII) : « Penser le romantisme français en 1970 »

16h30 : questions et débats

 

17h : Assemblée générale de la SERD et pot amical