Essai
Nouvelle parution
Jean Rouaud, La Désincarnation

Jean Rouaud, La Désincarnation

Publié le par Thomas Parisot (Source : Yvan Leclerc)

Jean Rouaud, La Désincarnation, essai littéraire, Paris, Gallimard, avril 2001, 144 p., 85 FF.

Présentation
« A ce moment précis, la littérature n'a tenu qu'à un fil. Deux amis conseillaient à un troisième, qui venait de leur lire une longue mélopée dans laquelle il avait mis le meilleur de lui-même, de carrément laisser tomber. Pas grave, dirons-nous. La littérature s'en remettra. Oui, mais plus comme avant. La littérature, pour survivre, passe ici, à Croisset, près de Rouen, par un renoncement. Car le jeune Gustave, fils bon à rien du docteur Flaubert, jusque-là s'en faisait une autre idée. Pendant de longs mois, il s'était donné dans sa Tentation de saint Antoine des «éperduments de style» qu'il ne retrouverait jamais. Pour l'opérer de son «cancer du lyrisme», Maxime Du Camp et Louis Bouilhet, les deux amis, lui prescrivent un traitement de cheval : écrire un roman «à la Balzac», «terre à terre». Ce sera, contraint et forcé, Madame Bovary. Pas commodes, les temps qui s'annoncent pour ceux-là qui privilégient la phrase et le chant. Désormais le réalisme impose sa loi d'airain, les visions sont renvoyées au désert et les morts priés de ne pas ressusciter. Comme si cette fission entre la terre et le ciel résonnait d'une autre guerre secrète, déclenchée il y a plusieurs siècles autour de cette question de la double nature. La rencontre de Croisset, ultime avatar du concile de Nicée? » (Source : http://www.jean-rouaud.com/)

Critique
« Essai sur "l'affrontement terre-ciel, nature-Dieu, corps-âme, réalisme-lyrisme" (p. 84). Flaubert, qui ouvre le volume, sert de témoin et de révélateur d'un basculement de la littérature dans le réalisme, lorsque Du Camp et Bouilhet condamnent le lyrisme de La Tentation et imposent le sujet de Madame Bovary. Quelques bonnes pages, par exemple sur le culot d'un inconnu qui se permet de donner des leçons de littérature à sa maîtresse, que Jean Rouaud appelle "Pauvre Louise". Mais au total un essai décevant par le maniement réducteur des catégories de lyrisme (= imaginaire) et de réalisme (= reproduction photographique). Et des erreurs sur Flaubert, qu'on s'explique mal : pendant son voyage en Orient, il n'aurait pris aucune note, laissant Du Camp écrire (p. 28) et photographier : "Flaubert [] se sentira dispensé de remplir ses carnets en Egypte puisque Maxime saisit tout ce qui ne bouge pas" (p. 6)??? » (Source : Yvan Leclerc.)