Essai
Nouvelle parution
J.-N. Dumont. Houellebecq. La vie absente

J.-N. Dumont. Houellebecq. La vie absente

Publié le par Marc Escola (Source : Manucius)

Référence bibliographique : Jean-Noël Dumont. Houellebecq. La vie absente, Manucius, collection "Le Marteau sans Maître", 2017. EAN13 : 9782845786769.

 

Auteur mondialement célèbre, associé tantôt à des idées réactionnaires, tantôt à une œuvre poétique déconcertante, et souvent à des provocations en lesquelles ses nombreux lecteurs aiment à se reconnaître, Michel Houellebecq – ou plutôt son œuvre – est ici scruté à la loupe dans un essai aussi vigoureux que concis, signé du philosophe Jean-Noël Dumont.

À l’heure de la démocratie et du libéralisme sans limite, de l’indifférenciation généralisée des individus et de l’uniformisation des conduites, il était urgent d’interroger en profondeur comme le fait cet essai la possibilité même d’une écriture à la mesure de cet âge sans promesse. En effet, l’absence moderne de transcendance avérée rend pour le moins difficiles la légitimation et la possibilité même de l’art, et réclame évidemment une forme littéraire inédite de la part d’un romancier lucidement témoin de son temps.

C’est le beau pari de Houellebecq. La vie absente, que de mettre au jour la puissante méditation de l’écrivain à succès. Situant d’abord Houellebecq dans la grande tradition littéraire et philosophique qui est la sienne, soulignant en particulier ce qu’il doit à Pascal, à Schopenhauer, à Rimbaud et à Camus, ce livre pose ensuite et pour la première fois les questions fondamentales mises en fiction dans l’œuvre romanesque. Un art de l’indifférence est-il possible ? Comment supporter la difficulté d’être homme ? Est-il possible que l’écriture sauve notre « vie absente » ? Une société sans religion est-elle seulement possible ? Et enfin comment croire dans notre désert métaphysique, quelle rédemption pour l’indifférence ?

Ces interrogations radicales servent ici de voies d’accès aux œuvres principales de Houellebecq, depuis Extension du domaine de la lutte jusqu’à Soumission, pour autant que ces œuvres les posent d’abord elles-mêmes dans leur description de notre expérience de la post-modernité.

« Il faudrait inventer une articulation plus plate, plus concise, plus morne », dit Houellebecq commenté par Dumont. Quel est le sens de cette « littérature de descente » ? Quelle est l’esthétique d’une « écriture du sauvetage », à l’heure où il n’en est plus qui soit du Salut ?

La réponse de Jean-Noël Dumont est que ni une religion sociale ni une religion immanente ne sauraient suffire aux rages et aux dégoûts de Houellebecq, car c’est dans la seule conscience jamais relâchée du non-sens quotidien de nos pratiques et de nos affects que l’art d’écrire pourra se montrer capable d’inventer une « rédemption de l’indifférence ».
L’écriture de Houellebecq selon Jean-Noël Dumont vise à maintenir en nous un désir métaphysique en quelque sorte pour rien, à vide, qui telle une théologie négative, sans fondement ni doctrine, sans croyance ni même espoir, permet pourtant d’habiter dignement notre déréliction.