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Jean Giono & Harry Martinson. Écrivains du peuple, écrivains contre la guerre

Jean Giono & Harry Martinson. Écrivains du peuple, écrivains contre la guerre

Publié le par Camille Esmein (Source : Marginales)

Jean Giono & Harry Martinson
Écrivains du peuple, écrivains contre la guerre

En tissant des correspondances entre le Provençal Jean Giono (1895-1970) et le Suédois Harry Martinson (1904-1978), deux écrivains issus du peuple qui ont témoigné de manière critique de leur temps, se trouve posée l'affirmation de l'écrivain portugais Miguel Torga selon laquelle « l'universel, c'est le local moins les murs ».
À l'occasion de l'exposition « Le cinéma de Jean Giono », une journée de rencontre est proposée à la Bibliothèque de Marseille le 4 février 2006 autour de deux thèmes : « littérature prolétarienne », « littérature, pacifisme et engagement politique ». Cette rencontre réunit des universitaires et des lecteurs attentifs des oeuvres de Jean Giono et de Harry Martinson et donne lieu à la publication d'un numéro de la revue Marginales (éditions Agone).

Samedi 4 février 2006 de 14h à 19h
à La Bibliothèque de l'Alcazar
58, cours Belsunce - 13001 Marseille
Téléphone : 04 91 55 90 00

Salle de conférence de 14h à 19h.
14 h - Littérature prolétarienne
Philippe Geneste, (enseignant, rédacteur de la revue Marginales)Harry Martinson et l'écriture prolétarienneOn peut penser que La Société des vagabonds, par sa structure est un récit d'insoumission littéraire. N'est-on pas en présence d'une nouvelle forme narrative, embryonnaire dans la littérature prolétarienne, présente dans la plupart des premières oeuvres en prose de ses littérateurs (le mélange des genres), forme jusqu'à présent mise à l'index par les canons littéraires mais que les avant-gardes du XXe siècle ont explorés par les procédés artistiques du collage ? Le roman de Martinson en serait une pierre majeure. Il y a là une actualité de la littérature prolétarienne. Notre société vise à tuer la fiction, à imposer le reality show, le télé-documentaire falsifié, le voyeurisme de laboratoire, une littérature d'exposition. La littérature prolétarienne, elle, va à l'inverse de cette tendance puisqu'elle vise la fiction. Dans notre société, l'excès de réel signe la discrépance de l'être contemporain avec le monde (c'est l'aliénation qui est ainsi entretenue). À l'inverse, la sublimation de l'expérience par la fiction prolétarienne peut être une reconquête de soi et du monde si elle arrivait à devenir un enjeu collectif d'argument culturel dans les conflits de classes où elle s'enracine.
Jérôme Meizoz, (écrivain, université de Lausanne)Jean Giono et la langue parléeUne conjonction de plusieurs événements et de lectures va précipiter, entre 1924 et 1928 environ, le passage de Giono au roman situé en décor rural, conçu par lui comme l'affrontement épique de l'homme et des forces naturelles, sous le signe de Pan. La découverte du Grand Meaulnes, d'abord, en 1924, lui a sans doute confirmé la possibilité d'une fable universelle ancrée dans une réalité locale. Celle, capitale, du poète américain Walt Whitman ensuite lui révéla - comme d'ailleurs à Ramuz dès 1908, à Cendrars également - un style inspiré de l'anglais populaire, ainsi que la forme oralisée du verset, si propice à la prose poétique. Cette lecture semble avoir décidé Giono à changer de ton, le libérant du registre mythologique. Elle ouvre en partie la voie à une intention de transcrire la langue des « hommes de sa terre ». Enfin, lecture d'importance, celle de Charles Ferdinand Ramuz.
16 h 30 - Littérature et engagement politique
Nicolas Offenstadt, (historien, université Paris 1)Militer pour la paix d'une guerre à l'autre (1914-1939), la position de Jean GionoDerrière sa simplicité apparente, le terme de pacifisme regroupe des engagements d'une grande variété. Il convient d'emblée de distinguer les sentiments anti-guerre généraux, particulièrement répandus après le Premier conflit mondial, du militantisme durable pour la paix, au sein duquel se distingue un refus radical de la guerre et une position plus institutionnelle qui accepte sa possibilité. Ce militantisme, né au XIXe, connaît de larges évolutions de 1914 à 1939 marquées par la mémoire de la Grande Guerre et par les crises des années trente. Sur le temps plus long, il affirme aussi son autonomie en construisant une culture propre à cette "guerre à la guerre".
François-Noël Simoneau, (traducteur)Réfraction de la guerre froide en littérature, l'exemple d'Aniara de Harry Martinson.La démarche de Harry Martinson n'est pas sans rappeler celle de Jean Giono, lui aussi écrivain issu du peuple, que l'observation des évolutions sociétales inquiète au plus haut point et incite à rechercher un équilibre dans une réconciliation avec les éléments cosmiques. Dans Le Poids du Ciel, Giono dénonce déjà l'inconséquence des intellectuels et des politiciens de l'entre-deux guerres, il stigmatise les dérives totalitaires - réelles ou potentielles - des systèmes politiques en place, il expose les effets pervers des « formes modernes de l'emploi de la technique ». On est alors assez proche des avertissements que contiennent les écrits de Martinson depuis les années 1930 et dont Aniara constitue le point culminant.
Animation des débats :Samuel Autexier (secrétaire de la revue Marginales)Marginales est l'une des très rares revues littéraires qui fondent ses choix de textes et ses orientations critiques à partir de thèmes sociaux comme : les paysans, l'école, les vagabonds ou bientôt la guerre, la santé. C'est-à-dire s'intéresse à la littérature pour ce qu'elle dit du monde dans lequel nous vivons. C'est peut-être en ce sens que le projet de la revue Marginales est singulier. Chaque livraison nous confirme l'importance que peuvent avoir des textes littéraires dans l'élaboration d'une conscience politique et historique... Nous prétendons même avec la publication de ces textes redonner à la littérature sa place dans la production d'une pensée émancipatrice. Doit-on rappeler que les mouvements littéraires les plus importants du XXe siècle : dada, les surréalistes ou les situationnistes ne sont pas réductibles à leurs noms propres et à leurs grimaces, qu'ils doivent leur fortune au fait d'avoir été pour un instant plus ou moins long le lieu où la prise de position de l'écrivain ou de l'artiste prenait un sens politique ?


Numéro 5 de la revue Marginales
La Littérature à la place des yeux (éditions Agone)
http://agone.org/revuemarginales/marginalesn5/

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Avec le soutien de la DRAC Provence-Alpes-Côte-d'Azur, de la Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et du département des Alpes-de-Haute-Provence.

En partenariat avec la Bibliothèque de Marseille, le Centre Giono, la Société Martinson, les éditions Agone, le Centre culturel suédois et la librairie l'Odeur du Temps.