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"Je lis La Princesse de Clèves"

Publié le par Marielle Macé (Source : Jane Dziwinska)

Le Théâtre 95 place au coeur de sa démarche la question, à la fois sensible et complexe, du rapport de la population à la création, aux oeuvres, à l'art et propose régulièrement des débats sur ces thèmes. S'inscrivant dans le cycle: «Quelle(s) culture(s) pour quel(s) public(s)?» trois colloques ont eu lieu:

- «Culture, contre-cultures, inculture» explorait les clivages existant entre cultures dites savantes et cultures dites populaires;

- «Les jeunes et la culture» interrogeait les fractures tant esthétiques que culturelles et sociales entre les générations;

- enfin «L'éducation artistique: de qui parle-t-on?» posait clairement la question de la transmission des savoirs et des valeurs dans notre société. Cette question reste vive aujourd'hui. La récente polémique autour de La Princesse de Clèves en témoigne et incite à poursuivre la réflexion sur ce thème.


En effet, de façon inattendue, cet ouvrage, premier roman psychologique moderne, apparaît comme un emblème, un symbole. Depuis les déclarations du président de la république fustigeant l'inscription de cet ouvrage à un modeste concours administratif de la fonction publique, les articles et prises de position se multiplient, ouvrant un débat de société essentiel.

Ce roman apparait soudain comme marqueur de la culture humaniste si peu compatible, semble-t-il, avec les injonctions à l'action immédiate, à l'efficacité, à la rentabilité.

À côté des disciplines qui servent à réussir dans la vie, à être efficace, concurrentiel, pour vendre des produits, des idéologies comme des marchandises, des idées sans pensées, des rêves de stars, on trouverait donc encore des textes difficiles issus des siècles passés sur lesquels les jeunes trébuchent, qui disent qu'il ne faut pas refuser la complexité des sentiments et de la vie. Faut-il les conserver ou les éliminer ? Si les objets et les pratiques culturelles sont de plus en plus envisagés sous l'angle anthropologique qui ne hiérarchise pas et considère que tout fait sens, pourquoi perdre son temps avec des oeuvres difficiles ? Qu'est-ce que les jeunes peuvent comprendre à cette élucubration du XVIIe siècle ? En quoi est-ce utile ? Et ne renforce-t-on pas ainsi les discriminations sociales en favorisant dans les concours les «héritiers» au sens que donnait Bourdieu à ce terme, ceux qui possèdent les codes culturels qui donnent accès aux oeuvres ?

Face à ces interrogations, cet ouvrage devient un symbole de résistance.

Mais à quoi exactement ? À l'air du temps, ou plus profondément à des dérives qui éloigneraient peu à peu le citoyen de l'héritage culturel auquel il semblait avoir droit, à son identité et à son histoire, qui ne commencent pas hier pour se terminer aujourd'hui ?

«Défendre» La Princesse de Clèves, ce serait refonder la valeur de la rencontre avec des textes classiques en reliant le passé au présent dans le sentiment d'une humanité commune, ce serait chercher à procurer le plaisir intérieur que donne la connaissance sans lequel l'homme n'a aucune chance de se développer, renoncer à sa propre intelligence serait renoncer à son humanité. Plus généralement, s'agit-il aujourd'hui de revaloriser la culture générale qui semble peu à peu disparaître aux profits de savoirs spécialisés comme le dit Edgar Morin ? Ou faut-il déconstruire rapidement des catégories intellectuelles appliquées à la complexité pour être plus performant ? En bref, La Princesse de Clèves est-elle le porte-drapeau d'une minorité d'intellectuels élitistes ou le révélateur des régressions d'une société dont le seul lien serait l'addition de performances individuelles ?

La culture est un champ de bataille sur le sens. Les débats, loin d'être enfermés dans la seule sphère esthétique et intellectuelle, touchent plus que jamais à la vie sociale et politique. Le Théâtre 95 souhaite prendre sa part dans cette réflexion.

Un colloque, ouvert à tous, réunira autour de ces thèmes philosophes, sociologues, artistes, et enseignants, responsables politiques et acteurs culturels pour un moment de pensée collective sur les questions d'aujourd'hui et de demain...

INVITÉS

Laure Adler / journaliste

Marcel Bozonnet / comédien, metteur en scène et ancien administrateur général de la Comédie Française

Violaine Houdart-Médot / professeure de littérature française au Département de Lettres de l'UFR des Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Cergy-Pontoise

Raphaël Enthoven / philosophe et journaliste

Alain Giffard / chercheur, département des études, de la prospective et des statistiques au ministère de la Culture et de la Communication

Christophe Honoré / réalisateur

Philippe Lançon / journaliste à Libération

Gérard Mauger / sociologue

Joël Roman / philosophe

PROGRAMME DE LA JOURNÉE

1ère table ronde > 10h - 11h30 >> La première table ronde sera consacrée à l'oeuvre, son originalité, sa portée, ses versions théâtrales ou cinématographiques et sa place – ou pas ? – dans les cursus d'enseignement et de formation.

13h >> buffet convivial

2e table ronde > 14h30 - 16h >> Lors de cette deuxième table ronde, nous nous interrogerons, au-delà de La Princesse de Clèves, sur la culture aujourd'hui, la place de la culture générale et des savoirs spécialisés, les visions utilitaristes et commerciales et les incidences des nouveaux modes d'appropriation sur les contenus eux-mêmes...

16h30 >> projection du film de Christophe Honoré : La Belle personne

Conclusion

Entrée libre, réservation indispensable au 01 30 38 11 99 ou relationspubliques@theatre95.fr