Essai
Nouvelle parution
J. Neveux, John Donne. Le sentiment dans la langue

J. Neveux, John Donne. Le sentiment dans la langue

Publié le par Matthieu Vernet

Julie Neveux, John Donne. Le sentiment dans la langue

 

Préface de Pierre Cotte

Paris : Éditions Rue d'Ulm, 2013.

EAN 9782728804979.

208 p.

Prix 19EUR

Présentation de l'éditeur :

La langue de John Donne (1572-1631), dite « explosive » par Virginia Woolf, respire la passion. Passion érotique dans les poèmes de jeunesse, passion religieuse dans les textes plus tardifs ; devenu prédicateur anglican, le poète électrise les foules, et ne cesse de prôner l’union de l’âme et du corps – nature duelle et mystérieuse, « condition » humaine dont le sentiment nous permet avec délice d’éprouver les limites. Lire Donne, c’est se confronter au paradoxe précieux selon lequel une langue peut être à la fois prosaïque et métaphysique, quotidienne et sublime.
Il existe de multiples manières de parler de nos sentiments, mais toutes ne parviennent pas à les transmettre. Le vrai poète lyrique pratique avec succès ce que Julie Neveux appelle le « lyrisme indirect », l’expression des sentiments non grâce au sens explicite, habituel des mots mais grâce aux relations inhabituelles qu’ils nouent implicitement entre eux et qui agissent sur la mémoire symbolique de tous les êtres doués de langage. Cette implicitation résulte d’un engagement total, corps et âme, du poète dans sa parole. Les métaphores en sont l’exemple le plus connu.
Dans cet essai, on observe le processus fragile par lequel le corps s’invite, et le sentiment se « réalise », dans le discours poétique de John Donne. Examinant les rapports que le poète noue avec la langue et avec son objet en donnant forme au sens, Julie Neveux montre comment une signification implicite convient à la plus juste, la plus précise expression des sentiments.
Analyse littéraire et analyse linguistique, ce livre original aide à comprendre l’art d’un poète. Il apporte la preuve magistrale qu’une phénoménologie du sens est possible, et pertinente pour expliquer la langue quand elle fait corps.

Julie NEVEUX est maître de conférences à l’université Paris 4-Sorbonne où elle enseigne la linguistique, la phonétique et la littérature anglaise et américaine. Auteur d’une thèse et de plusieurs articles sur John Donne et l’expression linguistique des sentiments, elle a également cotraduit Les Éléments du dessin de John Ruskin, à paraître aux éditions Circé.
Professeur de linguistique anglaise à l’université Paris 4-Sorbonne, Pierre COTTE est spécialiste des relations forme-sens dans le langage, en particulier dans les textes littéraires. Ses dernières recherches portent sur les locutions idiomatiques de l’anglais, les problèmes liés au genre et à l’anaphore.

Sommaire

Préface 

Incipit. Quand le sentiment, corps et âme, entre dans la langue

I – Définition cognitive du concret

Le sentiment comme expérience du monisme selon John Donne et Antonio Damasio
Le conceit métaphysique : quête de l’unité et contraction du multiple
Métaphore et concret : incorporation de l’âme chez Donne
Nouvelle définition du concret : au-delà de la grammaire
Le concret, réalité matérielle et immatérielle
L’esprit et la matière : le volume de la condition humaine au XVIIe siècle

II – Lyrisme indirect dans les Dévotions en temps de crise
Dérivation nominale en -ness et métaphore grammaticale
À sentiment unique, besoin de particulier
Fear et fearfulness, création linguistique différenciée
William James : truthfulness versus truth 
Le propre de l’anglais

III – Motivation métaphorique
La grammaire métaphorique : A e(s) t B en surface
La métaphore, une relation triangulaire
Définition cognitive
Conséquences théoriques
Vérité relative de la métaphore
Le procès du flou
Le partage sentimental : au-delà du flou opératif
Les règles du jeu expressif : la métaphore à usage unique
L’entrée en univers poétique : de « Comme si A était B » à « A est B »
Une réaction cognitive au coeur du langage
Comparaison et métaphore : prototypes et variations
Motivations cognitives différenciées : analogie intellectuelle versus analogie sentimentale
Développements différenciés
Continuité entre métaphore et comparaison
Conclusion : le sentiment entre métaphore et comparaison, affect et intellect

IV – De l’amour à l’humain : saisies poétiques et philosophiques 
Monisme de la réalité (sentimentale et poétique)
L’effort de la philosophie concrète : réhabiliter la confusion du vivant
Confusion ontologique
Lyrisme indirect : une réappropriation du langage
Précision poétique

V – Sentiment religieux et métaphore explosive
Le point de vue anthropologique : le besoin de métaphores
« Cristallisation » sentimentale et métaphorique
Comment parler de Dieu
Querelle (de mots) théologique sur la formule eucharistique
Contre le doute comparatif : l’expérience mystique
La métaphore « explosive » : ressentir l’impensable
Conclusion : la mesure de l’homme qui ressent

Explicit. Du sentiment au style : matière et phénomène 

Bibliographie