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Appels à contributions
 Intus et foris, Journée d'études du groupe Questes

Intus et foris, Journée d'études du groupe Questes

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Patrick Moran)

Intus et foris

Journée d'études organisée par Questes le samedi 13 juin 2009 en Sorbonne

Appel à contributions (pour le 15 mars 2009)

Reprenant une distinction opérée par saint Paul et systématisée par saint Augustin, la théologie médiévale offre une description bipolaire de l'être humain, composé d'un « homme intérieur » et d'un « homme extérieur ». Intus l'homme est un être spirituel créé à l'image de Dieu ; foris il demeure vestige divin, mais il est à l'image de la Nature et tend vers l'animal et le terrestre. Créature de l'entre-deux, il est un pont entre deux mondes, le signe de deux réalités qui le déterminent et le définissent. Cette dialectique de l'intérieur et de l'extérieur est au coeur de la vision anthropologique des théologiens du Moyen Âge : l'homme est à la fois apparent et occulte, tourné vers le ciel mais ancré sur la terre. Il est toujours défini en relation et jamais de manière absolue – pas d'intériorité pure ni d'extériorité absolue mais toujours une pensée du rapport, du lien, de la proximité et de l'éloignement. Cette catégorie de la relation doit être appliquée au lien réciproque entre l'homme intérieur et l'homme extérieur ; elle permet aussi, à travers le couple ressemblance/dissemblance, de penser de manière dynamique la définition de l'humain par rapport à ce qui n'est pas l'homme ainsi que le parcours du vieil homme vers l'homme rénové.

Au delà de la seule théologie, il semble bien que cette logique de l'intus et du foris constitue un cadre de pensée majeur au Moyen Âge, une grille de lecture qui s'actualise dans de nombreux domaines. En droit canonique, on la retrouve dans la distinction entre un for interne, qui concerne la relation individuelle du croyant à Dieu, et un for externe, où cette relation est médiatisée par l'Église. En médecine, elle s'actualise par exemple dans la théorie des humeurs ou dans les réflexions menées pendant les épidémies sur la notion de corps « poreux », ou encore dans la tendance (largement représentée en littérature) à associer malformations physiques et difformité de l'âme.

La relation dépasse, au demeurant, le simple niveau de la personne et constitue un cadre conceptuel qui permettrait de penser le Moyen Âge dans son altérité. Ce binôme apparaîtrait alors comme un véritable schème applicable à différentes réalités conçues à partir du paradigme humain. Qui dit intérieur et extérieur dit rapport aux autres et à la communauté et, au delà, construction de la communauté en opposition à une extériorité plus vaste.  En ce sens, l'intus et le foris permettent de structurer et de délimiter les groupes humains par des procédures d'exclusion et d'inclusion, de circonscription et de clôture ; elle permet aussi de reformuler l'espace en espace social, voire en espace symbolique, de distinguer la sphère de l'intime de la sphère publique et, sur le plan du savoir, de mettre le microcosme en relation avec le macrocosme.

Plus généralement, le couple intus/foris sous-entend une dialectique de l'obtus et de l'obvie, du quant à soi et du quant aux autres. Il peut aller de pair avec le duo senefiance/semblance et constituerait par là même une dichotomie plus pertinente pour le Moyen Âge que le couple être/apparence qui se systématise plus tardivement. Il va aussi main dans la main, surtout dans son acception théologique, avec le binôme ressemblance/dissemblance et informe en profondeur la théorie médiévale du signe.

Le but de la journée « Intus et foris » est de s'intéresser spécifiquement à cette relation en tant qu'« outillage mental » (pour reprendre l'expression de Lucien Febvre) propre au Moyen Âge. Par conséquent on ne plaquera pas un binôme intérieur/extérieur moderne sur les textes ou les sources, mais on étudiera le couple in situ, problématisé et mis en oeuvre par les médiévaux eux-mêmes. De surcroît, nous souhaitons nous intéresser avant tout à la relation entre intérieur et extérieur, conçue comme une dialectique ou une interface. Il ne s'agit pas, par exemple, de traiter de l'intériorité, de l'intimité ou de leur éventuelle « émergence » durant les siècles médiévaux, mais plutôt de souligner la façon dont l'extérieur révèle l'intérieur (question du symbole, de l'insigne, des marques extérieures), de manière plus ou moins formalisée, plus ou moins codifiée. On gardera à l'esprit que le couple intus/foris est bien souvent à double sens : il s'agit aussi bien d'étudier les stratégies pour manifester ou exprimer ce qui est intérieur que le mouvement inverse – voir comment on décortique le visible pour atteindre l'invisible ou comment on exclut l'autre pour mieux définir le même.

Nous souhaitons que cette journée permette de confronter les approches de différentes disciplines, grâce à des communications de doctorants médiévistes en littérature, histoire, philosophie, histoire de l'art, histoire du droit et linguistique. Les propositions, en réfléchissant à la nature de la relation entre intus et foris (délimitation des notions, complémentarité, correspondance, hiérarchisation voire opposition), pourront s'intéresser entre autres au lexique employé pour décrire l'intérieur et l'extérieur, à la question des codes en littérature, aux concepts de motivation, d'inspiration, d'expression, à la structuration et la représentation de l'espace social, aux différents « fors » du droit médiéval, au langage mystique, sans oublier bien sûr la réflexion anthropologique menée par les théologiens.

Les communications, d'une durée de 20 minutes, pourront faire l'objet d'une publication d'actes de la journée aux Presses Universitaires de Paris Sorbonne, après soumission à un comité de lecture.

Merci de faire parvenir vos propositions d'une demi-page environ, en mentionnant votre université de rattachement, votre statut et vos thèmes de recherche, avant le 15 mars 2009 à Manuel Guay (manuelguay@tele2.fr), Marie-Pascale Halary (mphalary@wanadoo.fr), ou Patrick Moran (patrickmoran@orange.fr).