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Interpréter le mélodrame : le jeu de l'acteur avant la réforme naturaliste

Interpréter le mélodrame : le jeu de l'acteur avant la réforme naturaliste

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Roxane Martin)

Interpréter le mélodrame : le jeu de l'acteur avant la réforme naturaliste

Dans l’un de ses cours du Conservatoire, Louis Jouvet l’affirmait clairement :

Il y a eu toute une époque du mélodrame avec des acteurs que vous devriez connaître ; […] toute une tradition d’acteurs qui a maintenant disparu. Tout cela est mort à cause du Théâtre-Libre, qui exigeait du théâtre une “vérité” auprès de laquelle le mélodrame paraissait invraisemblable. Le mélodrame a pu exister parce qu’il y avait des comédiens extraordinaires. (Tragédie classique et Théâtre du XIXe siècle. Extrait des cours de Louis Jouvet au Conservatoire, Gallimard, 1968).

Si les recherches menées depuis une trentaine d’années ont favorisé une meilleure compréhension de l’articulation texte/musique/scénographie au sein du spectacle mélodramatique, le jeu de l’acteur reste un élément encore fortement méconnu, dont l’analyse permettrait assurément de compléter notre schéma d’interprétation du genre. La carence des sources explique le manque d’analyses fines sur le sujet ; pour circonscrire les techniques du jeu de l’acteur mélodramatique, le chercheur dispose de quelques iconographies, et des témoignages des critiques dramatiques davantage prompts à commenter le plaisir et l’effroi éprouvés devant l’interprétation du comédien qu’à préciser les codes sur lesquels il fondait son jeu. L’on sait pourtant que l’acteur constitue le rouage essentiel de la rhétorique mélodramatique. Pixerécourt, auteur et metteur en scène exigeant, réservait une place centrale à la direction d’acteur ; nombre de comédiens formés par lui finirent leur carrière dans les théâtres de province en tant que « metteur en scène du mélodrame », devenant par ce biais les passeurs d’une technique de jeu sans laquelle le mélodrame n’aurait su prétendre remplir sa fonction cathartique. Il est donc tout à fait probable qu’avec le mélodrame, genre né sous la Révolution et fondé sur un alliage savamment orchestré entre le mot, le geste, l’image et le son, s’est développée une grammaire du jeu codé, qui a largement débordé, au fil du XIXe siècle, le strict cadre générique et géographique au sein duquel elle avait pris naissance. « Je peux dire que j’ai appris tout ce que je sais à l’école du mélodrame » écrivait encore Charles Dullin en 1946. Se remémorant son apprentissage sur les scènes des petits théâtres de la périphérie parisienne, il confessait : « il y avait [là] des relents de théâtre élisabéthain et les secrets d’une vraie tradition d’acteurs » (Souvenirs et notes de travail d’un acteur, Paris, Odette Lieutier, 1946). C’est donc ce jeu codé, souvent décrié après que le naturalisme eut imposé d’autres méthodes d’interprétation, que nous souhaitons ici interroger. Une fois circonscrite, la grammaire de l’acteur mélodramatique (c’est-à-dire l’ensemble des principes et des règles qui président à l’exercice de son art) permettra assurément de porter un éclairage nouveau sur la fabrique et la réception des œuvres théâtrales au XIXe siècle, et de mesurer un peu plus finement ce que les réformateurs du théâtre ont eu coutume d’appeler par la suite : l’esthétique de « l’acteur romantique ».

Programme :

9h50 : Ouverture et présidence de la journée d'études / Roxane Martin (Université de Lorraine)

TRACES

10h00 : Sylviane Robardey-Eppstein (Université d’Uppsala, Suède)

La narration hyperdidascalique dans les textes de pantomimes (1792-1804) : germes et traces du jeu d’acteur de mélodrame ?

10h30 : Emmanuelle Delattre-Destemberg (Université de Saint-Quentin-en-Yvelines)

De la formation à la pantomime académique au sein de l’École de danse de l’Opéra à sa pratique sur les théâtres du mélodrame

11h00 : Discussions et pause

JEU ET REFORME(S) DU JEU

11h30 : Noémi Carrique (Université de Rouen)

Interpréter l’assassinat mélodramatique. Enjeux de la représentation du geste meurtrier

12h00: Marion Lemaire (Université Paris 8)

Vers une réforme du jeu mélodramatique : l’apport de Frédérick Lemaître

12h30 : Discussions et déjeuner

LE JEU PAR-DELA LES GENRES

14h10 : Julia Gros de Gasquet (Université Paris 3-Sorbonne nouvelle) & Florence Filippi (Université de Rouen)

Entre jeu romantique et jeu mélodramatique, Marie Dorval au miroir de ses modèles

15h00 : Olivier Goetz (Université de Lorraine)

« Mélingue est toujours Mélingue », tautologie de l’acteur (mélo)dramatique

15h30 : Discussions et pause

HERITAGES

16h00 : Nathalie Coutelet (Université Paris 8)

Des « bras en l’air » aux « mains dans les poches » : transformations du jeu mélodramatique chez Firmin Gémier

16h30 : Jean-Marc Leveratto (Université de Lorraine)

Héritage et transformation du jeu mélodramatique dans le cinéma du début du XXe siècle

17h00 : Didier Doumergue (Metteur en scène, Cie Le Studiolo)

"Croire à tout" versus "Se moquer de tout" : Jacques Lecoq enseigne le mélodrame

17h30 : Discussions et clôture de la journée d'études