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 Arts de la poésie française et traités du vers / La poésie à l’âge de l’éloquence : la question de la qualité de l’expression

Arts de la poésie française et traités du vers / La poésie à l’âge de l’éloquence : la question de la qualité de l’expression

Publié le par Laure Depretto (Source : Emmanuelle Mortgat-Longuet)

 

INFORMATIONS SUR DEUX COLLOQUES CONJOINTS

 

 

Premier colloque :

Arts de la poésie française et traités du vers,

de Laudun d’Aigaliers (1597) à La Croix (1694)

(poétiques, formes, pratiques)

 

Colloque international à l’Université de Paris Ouest Nanterre du 25 au 27 juin 2014

Organisé avec le soutien du C.S.L.F. (EA 1586), Université de Paris Ouest Nanterre.

 

APPEL À CONTRIBUTION

 

La tradition de l’ « art poétique français » semble connaître aux confins des XVIe et XVIIe siècles, à partir, notamment, de Laudun d’Aigaliers, certaines évolutions décisives. L’attention portée à l’art de versifier fait un retour en force, au moment où voient le jour divers dictionnaires de rimes et autres manuels participant à la promotion d’un bon usage de la langue. Des ouvrages à teneur désormais plus « technique » se développent en matière de poésie française, à l’image de ce qui s’est déjà produit en Italie. D’abord encore souvent fidèle aux esthétiques de la Renaissance, puis bientôt favorisé par le renouveau associé à la figure de Malherbe, ce regain d’intérêt pour la versification s’accompagne d’une part croissante prise au sein de ces traités par la réflexion linguistique, grammaticale notamment. En outre, dans le contexte d’une reconfiguration du paysage disciplinaire, il semble s’instaurer au cours du siècle un relatif fossé entre des « poétiques », désormais souvent consacrées au théâtre et au poème épique et dominées par une réflexion très largement théorique (La Mesnardière, D’Aubignac, Le Moyne, Desmarets de Saint-Sorlin, Le Bossu, Rapin, Lamy, etc.) et ces « arts » de la poésie française, davantage axés sur la poésie lyrique et sur des genres considérés comme mineurs et où semblent l’emporter des considérations d’histoire, de langue, de versification et de typologie (voir corpus ci-dessous) - même si L’Art poétique de Boileau ne semble pas nécessairement valider ce partage. Il est donc nécessaire non seulement de s’interroger sur cet écart ou sur les liens malgré tout probables entre ces « arts » et ces « poétiques », mais encore de mieux connaître et comprendre les usages, les fondements sociaux et intellectuels, les potentialités et les ambitions de ces « arts », « règles » ou « abrégés » qui, s’ils ont fait depuis quelques années l’objet direct ou indirect de travaux ou de colloques importants, restent encore largement à explorer. Il pourrait être fructueux, notamment, de chercher à ne pas les réduire à leur seule visée pratique et didactique, mais de mettre en valeur leur dimension anthologique, leur ambition à former le goût et le jugement, leur propension à promouvoir certains genres ou modèles moins consacrés, leurs liens conceptuels ou formels avec d’autres textes ou encore leur volonté de défendre une culture proprement française. Il conviendrait également d’évaluer si des proximités entre ces ouvrages et une éventuelle conscience commune de leurs enjeux ont pu réellement donner lieu, au cours du XVIIe siècle, à la reconstitution et à la perpétuation d’un domaine propre de l’ « art de la poésie française » qui serait encore repérable à la veille d’une profonde transformation de la « critique » et de l’émergence d’une esthétique française. On pourra donc prendre pour terme à ces interrogations les ouvrages de Mourgues (1684) ou de La Croix (1694) - les plagiats de celui-ci offrant notamment l’occasion de déterminer ce qui est en passe de se tarir ou ce qui est susceptible d’évoluer, dans ce domaine de l’ « art de la poésie française », à la fin du XVIIe siècle.

 

Dans cette perspective, quelques domaines de réflexion peuvent être proposés :

- Les pratiques (auteurs poètes ou non, objectifs visés, attentes et identité des lecteurs, modes de lecture et usages divers, liens établis entre dimension théorique et expérience concrète, traités comme lieux de construction de soi, dispositifs éditoriaux [paratextes, œuvres conjointes – notamment recueils d’épithètes, traités sur la langue et la grammaire -, modes de publication, etc.]).

- La force des héritages (autorités invoquées et leur rôle, poids des poétiques latines humanistes, devenir des esthétiques de la Renaissance, place accordée à la rhétorique, présence des traités étrangers modernes et/ou d’une perspective patrimoniale française).

- Les caractéristiques des mutations (contextes historiques et sociaux, nouveaux publics, transformations des socles épistémologiques, des concepts et des valeurs, diversités des approches).

- Les liens avec la langue française et la réflexion sur son usage (diffusion des normes, contraintes linguistiques, variations régionales et sociales, rôle de la grammaire, différences dans les règles de versification, démarches descriptives et/ou et prescriptives).

- Les discours sur les genres et sur les formes poétiques (corpus retenu, classements et répartitions, exclusions, transformations du paysage disciplinaire, nouveaux modèles, types de discours).

- La part de la spéculation et les liens avec théories existantes ; les caractéristiques et les évolutions du « commentaire », des « remarques » et du discours critique ; la présence de discours rétrospectifs et de représentations historiographiques, etc.

- Les modes d’écriture (procédés, créativité de la rédaction, formes diverses) ; l’organisation interne (fonction des exemples et leurs rapports avec les « règles », types de sélections et de hiérarchies, plans et démarches adoptés).

- La constitution ou non d’une tradition de l’ « art » de la poésie française (détermination d’un champ réflexif spécifique, inter-références et citations, pillages, ignorance ou conscience des voisinages) ; la réception de ces traités (diffusion, méconnaissances, fortune critique) ; leur participation ou non à l’édification du « classicisme ».

- Les arts de la poésie hors les arts de la poésie (présence éventuelle de propos concernant ce domaine au sein d’autres types de texte - poèmes, préfaces, etc.).

 

Bibliographie

* En ce qui concerne les sources et la littérature « secondaire », nous renvoyons à la bibliographie très récente et aux analyses (notamment celles du dernier chapitre, portant sur notre période) faites par J.-Ch. Monferran dans L’Ecole des Muses. Les arts poétiques français à la Renaissance (1548-1610). Sébillet, Du Bellay, Peletier et les autres, Genève, Droz, 2011. Nous nous bornons donc ici à indiquer les toutes récentes publications (merci de nous signaler les manques éventuels) : deux journées d’étude, dir. N. Dauvois et M. Magnien, sur la réception de L’Art poétique d’Horace à l’époque moderne (revue en ligne Camenae http://www.paris-sorbonne.fr/la-recherche/les-unites-de-recherche/mondes-anciens-et-medievaux-ed1/rome-et-ses-renaissances-art-3625/article/camenae-13) ; les actes d’un colloque, dir. S. Hache et A.-P. Pouey-Mounou, "L'Epithète, la rime et la raison. Les dictionnaires d'épithètes et de rimes dans l'Europe des XVIe et XVIIe siècles", à paraître très prochainement chez Garnier ; le chap. « Au fil du XVIIe siècle », dans G. Peureux, La Fabrique du vers, Le Seuil, 2009, p. 312-366. Voir encore les références réunies par J.-Ch. Monferran, V. Leroux, Ph. Guérin, B. Coadou et D. Lagae-Devoldere, « Orientations bibliographiques : les arts poétiques au XVIe siècle », Seizième Siècle, n° 6, 2010, p. 201-269.

 

* Corpus (non exhaustif ; voir en outre notamment B. Beugnot, « Apollon ou Orphée. La poétique déchirée », Etudes littéraires, vol. 22, n° 3 « Ars poetica », hiver 1989-1990 et Les Muses classiques. Essai de bibliographie rhétorique et poétique (1610-1716), Paris, Klincksieck, 1996) :

Laudun d’Aigaliers, Pierre (de), L’Art poetique françois […], Paris, A. Du Breuil, 1597-1598 (éd. dir. J.-Ch. Monferran, Paris, S.T.F.M., 2000).

Vauquelin de la Fresnaye, Jean, L’Art poetique françois […], [conçu à partir de 1574], Caen, Ch. Macé, 1605.

Deimier, Pierre (de), L’Académie de l’art poétique […], Paris, J. de Bordeaux, 1610.

AUBERT, Esprit, Les Marguerites poëtiques tirées des plus fameux poëtes françois, tant anciens que modernes, réduites en forme de lieux communs […], Lyon, B. Ancelin, 1613 [dans la notice « Poëte », on trouve un art poétique et une critique de Deimier aux p. 828-896].

LOYS, Jacques, Œuvres poetiques de Jacques Loys douysien poete lauré, Douay, P. Auroy, 161[3] [aux p. 33-43 du Livre II « Les Essays », on trouve un traité « De l’artifice du chant royal » qui contient d’amples considérations de versification (reproduit dans l’éd. citée de Du Gardin, aux p. 299-305)].

GOURNAY, Marie (de), Traicté sur la poésie, dans Versions de quelques pièces […], Paris, Fl. Bourriquant, 1619 [certains points sont repris et développés dans Deffence de la Poesie et du langage des Poetes, 1re publ. dans L’Ombre […], Paris, J. Libert, 1626] et Des rymes, 1re publ. dans L’Ombre […], 1626 (éd. dans ses Œuvres complètes, dir. J.-Cl. Arnould, Paris, Champion, 2002, t. I, p. 237-251, p. 1080-1200, p. 1004-1011).

Du Gardin, Louis, Les Premieres Addresses du chemin de Parnasse, Douai, B. Bellère, 1620 (éd. E. Buron et G. Peureux, Paris, Garnier, 2012).

Introduction à la poesie, Paris, T. Du Bray, 1620 [version largement remaniée du Sommaire Discours de la Poesie (1600-1610 ?), BNF, Manuscrit français 884 (éd. par G. Peureux, Cahiers du Centre d’Etudes Métriques, Université de Nantes, mai 1999, n° 4, p. 5-36)].

CAVALLI, Louis, Janua Musarum reserata syllabarum quantitates et artem metricam comprehendens […], Paris, A. Bertier, 1647 [on trouve un Abbregé de la poesie françoise aux p. 1062-1067].

LANCELOT, Claude, Breve Instruction sur les regles de la poësie françoise, dans Nouvelle Methode pour apprendre facilement et en peu de temps la langue latine […], 2e éd., Paris, A. Vitré, 1650 [texte repris à l’identique dans les Quatre Traitez de poësies, latine, françoise, italienne et espagnole, Paris, P. Le Petit, 1663].

[MENESTRIER, Claude-François], Regles des vers françois, f. 96 v°-105 r°, Arsenal, Manuscrit 15502 [années 1650 d’après J.-Ch. Monferran, op. cit., p. 296 et 300].

COLLETET, Guillaume, L’Escole des Muses […], Paris, L. Chamhoudry, 1652 (rééd. sous le titre Le Parnasse françois ou l’Escole des Muses dans laquelle sont enseignées toutes les reigles qui concernent la poësie françoise, Paris, Ch. de Sercy, 1664) [sur les problèmes que pose l’attribution de cet ouvrage, voir S. Biedma, Une production polygraphique, creuset d’expérimentation critique ? L’ « Œuvre » de G. Colletet, Thèse de doctorat soutenue en sept. 2012, Toulouse 2 Le Mirail, p. 19-20 - à paraître chez Garnier].

DU TEIL, Jean, Recueil […] Avec un Traitté des Regles de la Poësie Françoise, et de la methode de bien composer en Vers sur toutes sortes de sujet, Paris, I. B. Loyson, 1653 [le texte du Traitté est identique dans le Nouveau Recueil […] de 1659].

COLLETET, Guillaume, L’Art poëtique où il est traitté de l’épigramme, du sonnet, du poeme bucolique, de l’eglogue, de la pastorale, et de l’idyle, de la poesie morale et sententieuse, avec un Discours de l’Eloquence et de l’Imitation des Anciens, un autre Discours contre la Traduction et la Nouvelle Morale, Paris, A. de Sommaville et L. Chamhoudry, 1658 [certains traités ont été publiés antérieurement] (éd. des deux premiers traités par P. A. Jannini, Droz, Genève, 1965).

RICHELET, César-Pierre, La Versification françoise ou il est parlé de l’Histoire de la Poësie Françoise […], Paris, E. Loyson, 1672 [même contenu que dans la 1re éd. de 1671, mais titre différent].

[LES ISLES LE BAS], L’Apollon françois ou l’Abregé des Regles de la Poësie Françoise, Rouen, J. Courant, 1674.

Boileau, Nicolas, L’Art poétique, Paris, D. Thierry, 1674.

LA CROIX, André Phérotée (de), L’Art de la Poësie françoise ou la Methode de connoitre et de faire toute sorte de Vers. Avec un petit recueil des Pieces nouvelles, qu’on donne par maniere d’exemple, Lyon, Th. Amaulry, 1675.

MOURGUES, le P. Michel (de), Traite de la poesie françoise, Toulouse, J. J. Boude, 1684 [nombreuses rééditions, 1685, 1697, etc.].

LA CROIX, André Phérotée (de), L’Art de la Poësie Françoise et Latine avec une Idée de la Musique sous une nouvelle Methode, Lyon, Th. Amaulry, 1694 [cet ouvrage est très différent de celui du même auteur en 1675 et contient en outre de nombreux plagiats – il faut au moins ajouter celui de Richelet à ceux de Chappuzeau et de Fontenelle signalés par J. Lagny dans XVIIe siècle, n° 17-18, 1953, p. 33-36].

Traite de la poesie françoise [XVIIe siècle], BNF, Manuscrit latin 11294, fos 319-341 [précédé d’un art de poésie latine (voir J.-Ch. Monferran, op. cit., p. 16 et 326), ce traité peu soigné reprend le plan suivi par l’ « instruction » de Lancelot - sans la citer -, mais en abrège largement le contenu et fait quelques ajouts, tout en conservant certains exemples].

[BOURET, dom Joseph ?], Regles generales de la poesie françoise, BNF, Manuscrit français 15354, fos 159 vo-168 [cet abrégé - en vers - de règles de versification suit immédiatement la copie très fidèle, quoique légèrement amputée, de l’ « instruction » de Lancelot par la même main (fos 132-159 vo) ; son attribution au mauriste J. Bouret (entré à l’abbaye de Rennes en 1666) dans une note portée sur le manuscrit paraît vraisemblable au vu des premiers vers].

 

Dictionnaires de rimes :

LE GAY(G)NARD, Pierre, Promptuaire d’unisons ordonné et disposé méthodiquement […], Poictiers, N. Courtoys, 1585.

LE FEVRE, Jean [et large révision de TABOUROT DES ACCORDS, Estienne], Dictionnaire des rimes françoises […] augmenté, corrigé et mis en bon ordre, par le Seigneur des Accords, Paris, I. Richer, 1587 (et 1588) [1re éd. de Jean Lefèvre, 1572].

[LA NOUE, Odet (de)], Le Dictionnaire des rimes françoises […], Genève, héritiers d’E. Vignon, 1596. Edition suivante très augmentée : Le Grand Dictionnaire des rimes françoises […], Genève, M. Berjon, 1623 (et 1624) [sur l’attribution à Odet et/ou Pierre de La Noue, voir Y.-Ch. Morin, « La rime d’après le Dictionnaire des rimes de Lanoue (1596) », Langue française, n° 99, sept. 1993, Larousse, p. 107-123].

[FRÉMONT D’ABLANCOURT, Jean Jacobé (et non Nicolas) (de) ; RICHELET, César-Pierre ?], Nouveau Dictionnaire de rimes, Paris, A. Courbé, 1648 (éd. remaniée par Frémont et Richelet sous le titre de Nouveau Dictionnaire de Rimes, corrigé et augmenté, Paris, Th. Ioly, 1667 et dotée d’une lettre sur « l’origine et le progrez » de la rime françoise par Richelet [sur ce qu’on peut savoir de la collaboration des deux auteurs, voir L. Bray, César-Pierre Richelet (1626-1698). Biographie et œuvre lexicographique, Tübingen, Niemeyer, 1986, p. 231-233 et 255-256]).

BOYER DE PETIT-PUY, Paul, Dictionaire servant de bibliotheque universelle ou Recueil succinct de toutes les plus belles matieres […], Paris, A. de Sommaville, 1649 (même ouvrage sous le titre de La Bibliotheque universelle […]). [Dans la préface, il est précisé que ces « lieux communs rimez » suivent l’ordre alphabétique « avec une religieuse observation des Breves, des Longues et des Penultiémes »].

RICHELET, César-Pierre, Dictionnaire de rimes dans un nouvel ordre […], Fl. et P. Delaulne, Paris, 1692.

 

Les propositions d'intervention sont à envoyer conjointement aux trois organisateurs : Nadia Cernogora (ncernogora@gmail.com), Emmanuelle Mortgat-Longuet (e.mortgat@gmail.com) et Guillaume Peureux (gpeureux@hotmail.com), avant le 15 septembre 2013.

Le comité scientifique sera composé de Nadia Cernogora (maître de conférences à l’Université de Paris Ouest Nanterre), Patrick Dandrey (professeur à l’Université de Paris IV-Sorbonne), Perrine Galand (directeur d’études à l’EPHE), Stéphane Macé (professeur à l’Université Stendhal-Grenoble III), Michel Magnien (professeur à l’Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle), Jean-Charles Monferran (maître de conférences HDR à l’Université de Paris IV-Sorbonne), Emmanuelle Mortgat-Longuet (maître de conférences à l’Université de Paris Ouest Nanterre), Guillaume Peureux (professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre).

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Deuxième colloque

La poésie à l’âge de l’éloquence :

la question de la qualité de l’expression

dans les poétiques et les poèmes néo-latins et français entre 1549 et 1639

organisateurs : Carine Barbafieri (U. de Valenciennes/ IUF), Perrine Galand (EPHE), Jean-Yves Vialleton (U. de Grenoble 3), Virginie Leroux (Reims/IUF)

PROJET (l’appel à contributions sera lancé plus tard)

Quand Boileau écrit dans son Art poétique :

Selon que notre idée est plus ou moins obscure,

L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure,

il ne donne pas un conseil proprement poétique, mais un conseil qui vaut pour l’« art de parler ». La netteté de l’expression ne relève pas de la poétique, mais bien de la rhétorique : la clarté (saphèneia) est donnée dès la Rhétorique d’Aristote comme la principale qualité du discours efficace. Elle est la première des aretai, des virtutes d’un discours.

Mais la poésie n’attend pas le classicisme français pour se donner l’idéal de l’éloquence. Joachim Vadian, dans le premier art poétique latin de la Renaissance (1518, Vienne) qui suit une tradition continue du Quattrocento, célèbre les liens entre orateur et poète ; Du Bellay en 1549 écrit sa Défense en ayant lu ce que dit Cicéron de l’orateur (F. Goyet, introduction à La Deffence et Illustration de la Langue Francoyse, 2003) ; cet idéal est aussi présent chez Jules César Scaliger (Poétique, édition posthume, 1561) ou encore Sebastiano Minturno (De poeta, 1559). Pendant tout le XVIe siècle, une partie de la pratique poétique - qui demeure érasmienne - est contrôlée par les juristes et les parlementaires, maîtres rhéteurs par profession, dont le chef de file, à partir de 1546, est Michel de L'Hospital, futur chancelier de France. La poésie peut prendre alors la forme d'un « lyrisme » personnel, d'une écriture du pectus (confidences, mémoires, apologies, suppliques) qui permet aux robins d'assurer ou d'améliorer leur carrière, de méditer sur leur idéal politique, sur leur foi, sur leur éthique. La maîtrise de la rhétorique apparaît indispensable à cette poétique de la spontanéité et de l'échange constant. Au tournant des XVIe et XVIIe siècles, il est probable que l’idéal de l’éloquence informe des poétiques comme celle de Deimier et des textes poétiques  comme ceux de Malherbe. Au début du XVIIe siècle, en tout cas, c’est au nom de la clarté, de la convenance et de l’élégance, c’est-à-dire de virtutes dicendi, que la nouvelle poésie « malherbienne » détrône les « derniers fidèles de Ronsard » (A. Adam) et, au théâtre, conteste  le modèle d’Alexandre Hardy.

C’est sur ce que doit la poétique à la rhétorique que ce colloque voudrait réfléchir, c’est-à-dire sur ce que doit l’idéal de la belle poésie à l’idéal de la bonne prose. Il le fera en privilégiant la question des virtutes dicendi, des critères de la qualité de l’expression, mais aussi en réfléchissant aux effets esthétiques et éthiques nouveaux : nouvelle écriture « poético-prosaïque », plus humble et « pédestre » en apparence, à l'abri de la philautie tant redoutée par Erasme, ou bien au contraire grande poésie du movere, emportée, véhémente, ou bien encore poésie « grave » ou « fleurie » sur le modèle de la grande éloquence d'apparat.

 La période choisie est celle que Marc Fumaroli a appelée l’« âge de l’éloquence », de la Renaissance à l’aube de l’âge classique. On a retenu comme bornes chronologiques le manifeste de la Pléiade en 1549 et les poétiques inspirées par la création de l’Académie française comme celle de La Mesnardière publiée en 1639. On essaiera d’identifier les transformations mais aussi les constantes de cette période de transition.

Seront pris en considération les textes écrits en français et en latin.

Enfin, on entendra poésie dans le sens que l’époque donnait à ce mot, en y incluant la « poésie dramatique ».

Les contributions pourront s’inscrire dans les perspectives suivantes :

1. Les élaborations théoriques dans les poétiques modernes : la tradition des virtutes dicendi, c’est-à-dire, en suivant dans la liste canonique depuis Théophraste, correction de la langue, clarté, convenance, élégance ou « ornement » ; les nomenclatures antiques revendiquées (Aristote, Cicéron, Quintilien, Hermogène, Démétrios...); les croisements théoriques entre les qualités du discours et les grands registres oratoires, entre les virtutes dicendi et les genera dicendi ; le rôle de ces concepts rhétoriques dans la définition des mètres ou des genres poétiques ; les emprunts et transpositions conceptuels de la poétique à la rhétorique (les sept vertus de la poésie selon Deimier)

2. Les pratiques d’écriture : les virtutes dicendi et leurs corollaires esthétiques et éthiques dans la poésie néo-latine et française ; les « idées » stylistiques et les genres poétiques ; l’idéal oratoire dans la poésie et au théâtre.

3. Les virtutes dicendi dans les commentaires savants des textes anciens et dans les polémiques littéraires modernes.

4. Orator sive poeta : le modèle de l’éloquence et les mutations poétiques au tournant des XVIe et XVIIe siècles ; l’influence de la Contre-Réforme et la convergence entre rhétorique et poétique jésuites ; les discussions sur la spécificité de la poésie et de la prose ; la question de la prose inspirée (Jean Lecointe, L'Idéal et la Différence); le rejet du modèle rhétorique et la revendication de la spécificité de la parole poétique ; la constitution du futur concept de littérature « grâce au double système de référence constitué par les deux traités d’Aristote, Poétique et Rhétorique » (J. Molino, dans Critique et création poétique en France au XVIIe siècle, p. 347), le modèle oratoire comme grille de lecture de la réforme malherbienne.

Le colloque se déroulera à Paris, à l’École pratique des Hautes Études en mai 2015.  

Institutions concernées : E.P.H.E., EA 4116 SAPRAT ; Université de Valenciennes, laboratoire Calhiste ; Université de Reims, EA 3311 CRIMEL ; Université Stendhal-Grenoble 3, Equipe RARE ;  Institut Universitaire de France. 

 

Comité scientifique prévu (sous réserve) : XVIe siècle : Nathalie Dauvois, Francis Goyet, Michel Magnien, Pascal Debailly, Anne-Pascale Pouey-Mounou ; XVIIe siècle : Emmanuel Bury, Delphine Denis, Georges Forestier, Alain Génetiot, Stéphane Macé, Guillaume Peureux.   

 

Contact : perrine.galand@skynet.be

  • Adresse :
    Université Paris Ouest Nanterre