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Image satirique et bande dessinée (Lille) 

Image satirique et bande dessinée (Lille)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Sylvain Lesage)

Dans Naissances de la bande dessinée, Thierry Smolderen a montré en quoi on pouvait voir la sérialisation de la satire comme une étape cruciale dans l’émergence de la narration graphique moderne [1]. À ce titre, la dimension innovante de cette nouvelle forme qui a émergé au XIXe siècle permet d’allier « la force de déflagration comique de l’image isolée et la puissance émotionnelle d’une fiction homogène [2] ».Toutefois, il ne faut pas exagérer le caractère narratif de la bande dessinée ni l’opposer à la caricature, cette dernière présentant un caractère de narration minimale.

Dans le sillage des premières planches de Rodolphe Töpffer [3], la bande dessinée et la caricature, ainsi que d’autres déclinaisons de la satire graphique, s’influencent mutuellement, notamment dans la presse. On trouve ainsi dans les mêmes périodiques, voire sur les mêmes pages, dessins politiques, caricaturaux, humoristiques, illustrations, gags, strips et courts récits ou anecdotes. Les Croquis de Cham publiés dans Le Charivari de Philippon sont des exemples célèbres de cette coexistence. À ce sujet, Camille Filliot observe que les feuilletons publiés dans les pages de L’Illustration sont répertoriés dans la table des matières des volumes reliés dans les rubriques « Variétés » et « Caricatures [4] ».

De nombreux artistes pratiquent indifféremment dessins uniques ou séquences graphiques, faisant du XIXe siècle un laboratoire visuel particulièrement fécond [5]. Selon Valérie Stiénon, on ne peut donc pas étudier la caricature et la bande dessinée séparément pour les années 1830-1890. Le XXe siècle continue cette tradition, en Europe et sur d’autres continents, les dessinateurs utilisant la bande dessinée et la satire comme des répertoires d'expérimentation réciproques.

Depuis sa création, la revue Ridiculosa explore les multiples facettes de l’image satirique, notamment les diverses formes de diffusion et de circulation de la caricature. Elle propose également des numéros qui interrogent les liens tissés entre la caricature et d'autres formes d’expressions visuelles et artistiques telles que la peinture (2004), la publicité (2005), la sculpture (2006), la littérature (2009) et la photographie (2010). Pour ce numéro 25, consacré aux zones de confluence entre l’image satirique, la caricature et la bande dessinée, l’EIRIS a formé un comité scientifique et une équipe éditoriale mixte avec La Brèche, une association de chercheur-e-s en bande dessinée.

Dans ce volume de Ridiculosa, il s’agira de penser autant la perméabilité de l'image satirique et de la bande dessinée que leurs points de contact.

Parmi les nombreuses thématiques possibles, 3 axes ont été retenus, sans que soient exclues pour autant d'autres pistes de réflexion qui pourront porter sur l'ensemble des aires géographiques mondiales, et être abordées depuis toutes les perspectives théoriques et méthodologiques (sémiotique, histoire, littérature, sociologie...).

AXE 1 Au-delà de la question de l’émergence de la bande dessinée à partir du registre de l'image satirique, se pose d’abord la question de la délimitation progressive des deux formes. Nous invitons des contributions qui visent à expliciter l'évolution temporelle de cette délimitation voire à remettre en cause son caractère souvent présenté comme définitif. Il s'agit d'examiner la multiplicité des points de rencontre entre bande dessinée et image satirique.

On s’attachera également à déterminer les acteurs (critiques, artistes, éditeurs, etc.)et les moments marquants qui ont jalonné l’histoire commune, ou au contraire divergente, de ces formes graphiques.

AXE 2 On pourra s’intéresser à des auteur-e-s dont la pratique relève à la fois de la bande dessinée, de la caricature et de l’image satirique: comment passe-t-on d’un registre à un autre et, à l'inverse, peut-on maintenir une pratique simultanée de ces activités ? Quelle est la nature des passerelles entre les deux modes graphiques ? De Quino à Cabu en passant par Posy Simmonds et Martin Rowson, les carrières d’auteur-e-s susceptibles d’être mises ainsi en perspective ne manquent pas. On pourra étudier dans quelles conditions s’opèrent ces translations, avec quelles motivations et quels parti-pris stylistiques. Au-delà des biographies individuelles, on interrogera les trajectoires collectives et les ressorts socio-économiques de la profession de dessinateur. Les articles relevant de cette thématique pourront aborder la diversité même du métier de dessinateur dont les pratiques graphiques varient en fonction des contextes éditoriaux, des opportunités sociales et des motivations personnelles.

AXE 3 Enfin, le volume veut encourager une réflexion sur les pratiques de lecture et la matérialité des supports de publication dans le cadre d’une « poétique historique des supports[6] ». En quoi la conquête du livre par la bande dessinée a-t-elle participé à une redistribution des rôles entre l'image satirique et la bande dessinée ? En quoi la publication sur internet peut-elle susciter de nouvelles convergences entre le dessin satirique et une bande dessinée aux frontières diluées [7] ? Quels types de lectures et de lectorats peut-on envisager dans ces conditions ?

Les propositions de contribution de 3 000 signes maximum, suivies d’une courte notice biographique sont à envoyer avant le 15 octobre 2017 à Aline dell’Orto, Brigitte Friant-Kessler, Jessica Kohn, Sylvain Lesage, Mélanie Toulhoat. La liste des propositions retenues sera communiquée le 30 novembre 2017, la remise des articles est fixée au 15 février 2018.

 

[1] Thierry Smolderen, Naissances de la bande dessinée. De William Hogarth à Winsor McCay. Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2009.

 

[2] Alain Vaillant, La Civilisation du rire, Paris, CNRS éditions, 2016, p. 208

[3] Thierry Groensteen, M. Töpffer invente la bande dessinée. Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2014.

[4] Camille Filliot, La bande dessinée au siècle de Rodolphe Töpffer : catalogue commenté des albums et feuilletons publiés à Paris et à Genève, de 1835 à 1905, thèse de doctorat en littérature sous la direction de Jacques Dürrenmatt, univ. Toulouse II, 2011, http://www.topfferiana.fr/2016/10/la-bande-dessinee-au-siecle-de-rodolphe-topffer/

[5] Camille Filliot, op. cit. ; voir aussi, pour une introduction à la bande dessinée au XIX siècle, le numéro consacré par Le Magasin du XIXe siècle à la bande dessinée , « Et la BD fut ! » (n°6, 2016), ainsi que le site Töpfferiana animé par Antoine Sausverd : http://www.topfferiana.fr/ . Consulté le 10 juin 2017.

[6] Marie-Eve Thérenty, « Pour une poétique historique du support », Romantisme n°143, 2009, pp. 109-115.

[7] Pascal Robert, Bande dessinée et numérique. Paris, CNRS éditions, « Les Essentiels d’Hermès », 2016.