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Appels à contributions
Réalités de l'illusion

Réalités de l'illusion

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Labex Arts-H2H)

Hybrid est une revue bilingue (français-anglais) à comité de lecture international portée par le Labex Arts-H2H et publiée en ligne par les Presses universitaires de Vincennes. Nous proposons d’inscrire la revue dans le vaste champ de réflexion autour des « humanités digitales » tout en mettant un accent particulier sur la relation entre les technologies numériques et les pratiques artistiques et littéraires, la place du sujet dans les environnements numériques, les réflexions sur le « post-alphabétique » et le « post-humain », les pratiques de recherche transformées par le numérique, la publication scientifique et littéraire « augmentée », les approches du patrimoine numérisé et numérique, les musées « virtuels », les formes et figures d’un art « post-numérique »,
les enjeux de la formation à une « culture numérique », des réflexions épistémologiques et critiques sur la communication et l’information numériques (liste non exhaustive).

Pour son deuxième numéro, la revue Hybrid invite les contributeurs à s’interroger sur les puissances de l’illusion dans toutes les formes d’expression : arts plastiques, photographie, cinéma, théâtre, danse, musique, arts et littératures numériques, jeux vidéo, mais aussi discours médiatiques (télévision, radio, presse,… jusqu’aux news immersifs), partage de contenus sur les réseaux sociaux, etc., tant d’un point de vue esthétique que dans une perspective environnementale ou politique.

Souvent réduite à une virtuosité technique provoquant une perception discordante ou ambiguë, l’illusion est un effet auquel ont recours de nombreuses créations artistiques, littéraires et médiatiques, et une composante dynamique de l’histoire et de l’esthétique des formes. C’est ainsi que les imitations et simulations, entre miroir de la réalité et artefact, proposent de multiples « effets de réel », dont les paradoxes ont été régulièrement explorés par les créateurs. Dupé, sceptique, critique, amusé, bluffé, quel spectateur ne s’est senti tout cela tour à tour devant les jeux multiples produits par l’illusion ?

Indissociables des aptitudes perceptives humaines, les techniques d’illusion n’ont cessé de se métamorphoser, accompagnant l’évolution des technologies. Depuis un tiers de siècle, une mutation semble opérée par les arts immersifs et interactifs, et les hybridations avec le réel qu’ils rendent possibles. Les espaces visuels, sonores, haptiques, etc. fondés sur la simulation utilisent le savoir-faire technologique pour produire chez le spectateur (ou auditeur, lecteur...) un effet de réalité ou de réalité augmentée. Ces dispositifs de co-présence du virtuel avec le réel confèrent de surcroît une capacité d’action inédite, en ce qu’ils permettent d’interagir avec eux. Transparente,
impalpable, l’illusion s’amplifie de cette médiation infinie qui paraît se répandre dans le réel et s’y incruster et elle se revendique désormais comme poreuse avec lui.

Bien sûr, le recours à l’illusion ne relève pas de la seule poétique des effets, mais s’inscrit dans l’histoire des représentations, et au-delà de la dimension ludique et expérimentale, le dispositif illusionniste trouve dans l’art et la communication une portée plus large. Il s’agira donc d’examiner la redéfinition du monde « réel » à laquelle contribue le recours à l’illusion ainsi que les mutations et changements de paradigmes dans les représentations, les pratiques et sensibilités, révélés par l’évolution des techniques de l’illusion. Quelles sont les implications esthétiques, métaphysiques, anthropologiques ou politiques de cet usage de l’illusion ?

Les articles et propositions de création pourront aborder tous les champs d’expression,
éventuellement dans une perspective transversale, et s’ouvriront à de multiples approches relevant de l’histoire des arts ou de la littérature, de l’esthétique, de la psychologie, des sciences cognitives, de la sémiotique, des sciences de l’information et de la communication, de la philosophie. Ils pourront montrer les implications de dispositifs à travers l’histoire, autour des questions suivantes :


L’histoire de l’illusion
L’illusion s’inscrit dans une histoire des techniques (par exemple la profondeur de l’image qui va de la perspective à la 3D en passant par la profondeur de champ photographique). La mise en perspective historique des techniques permet de s’interroger sur l’horizon d’attente du spectateur. Comment de nouvelles formes de l’illusion sensorielle et cognitive apparaissent-elles à une époque donnée, en fonction d’une culture visuelle et auditive et d’outils techniques et scientifiques ? Comment ces techniques, savoirs ou technologies renouvellent-ils le champ de l’illusion et participent-ils à la modélisation de la perception
du réel ? Comment les créations construisent-elles leurs discours à partir de ces innovations techniques ?

L’illusion propre à chaque représentation
Certains arts sont spécifiquement concernés, de l’art magique à l’art virtuel, de même que certaines formes comme le trompe-l’oeil (ou « trompe l’oreille », etc.), les structures paradoxales « infinies » (formes visuelles à la Escher, boucles de musique électronique comme la gamme de Shepard), mais aussi certaines figures de style et de pensée. Comment analyser l’écart entre l’illusion perceptive inhérente à certains arts ou techniques et la construction d’illusions spécifiques ? Plusieurs arts ou techniques sont en effet construits sur une illusion : par exemple, au cinéma, le mouvement perçu est le résultat d’une illusion optique (animation d’images fixes discontinues perçues comme une continuité), mais certains films adoptent de surcroît d’autres figures illusionnistes (par exemple en représentant le « faux » à l’aide d’images conventionnellement perçues comme hyper « réalistes » comme la vidéo numérique) ; les arts ayant recours à la stéréophonie reposent sur une illusion sonore qui fait « oublier » la bipolarité et donne la sensation d’un espace multidirectionnel. Dans la mesure où elle fait non seulement intervenir la perception sensorielle, mais aussi la cognition, comme dans le cas de l’illusion consentie du théâtre ou les différents « pactes » de la littérature, comment
l’illusion construit-elle la critique du système de conventions propre à chaque art ou média ?

Le spectateur dans l’illusion : mécanismes interprétatifs
L’illusion est parfois saisie au moment où elle se brise. Comment l’invalidation des repères, la rupture ou le déplacement du point de vue s’opèrent-ils ? Les représentations construisent des glissements parfois imperceptibles, par exemple des contradictions entre les sens (vue vs ouïe) ou une conduite du jeu d’acteur qui fait parfois douter de la notion même de « jeu ». Quelles sont les implications de ce trouble de la perception dans l’interprétation de l’oeuvre et de son mécanisme ? Dans l’illusion, le spectateur est ainsi amené à interroger ses sens : comment les créations numériques construisent-elles des univers hybrides réels/virtuels ? comment ces espaces multisensoriels deviennent-ils
des lieux d’expérimentations où explorer les sens, leurs limites et les capacités (d’agir, de percevoir, d’interpréter, d’imaginer) ?
Qu’on l’appelle, au fil de l’histoire, « immersion », « absorption », ou « transparence », comment l’effacement de la conscience du média a-t-il permis ou empêché la construction d’un regard critique ?


- Chaque article proposé à Hybrid est soumis à une évaluation à double aveugle.
- Chaque article devra être présenté sous une forme strictement anonymisée.
- Les langues de rédaction sont le français ou l’anglais.
- L’auteur joindra une courte bio-bibliographie de 15 lignes max. dans un document séparé.
- La longueur de l’article ne devra pas dépasser 35 000 signes (espaces compris).
- Les articles devront être formatés en Word (.doc ou .docx). Les images seront présentées à la fois insérées dans le texte et en fichier séparé.
- Pour les propositions de recherche-création, nous ne pourrons à ce stade assurer l’hébergement et la maintenance de celles-ci. L’auteur soumettra donc sa création sous forme d’un « lien » internet, à partir duquel sa création sera directement consultable ou téléchargeable. Il joindra une présentation de son projet (5 000 signes max.).


Calendrier indicatif :
- Lancement de l’appel à contributions : 5 juin 2014
- Réception des articles complets (35 000 max espaces compris) et des propositions de
recherche-création : jusqu’au 15 septembre 2014 à l’adresse artsh2h@univ-paris8.fr
- Expertises des articles en double aveugle : jusqu’au 10 octobre
- Décision sur les articles retenus au CS : fin octobre
- Finalisation des textes selon les consignes d’amélioration données par les
rapporteurs et des normes de présentation qui seront communiquées aux auteurs : novembre
- Traduction des 10 articles du français à l’anglais ou inversement : décembre-janvier
- Mise en ligne au printemps 2015