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Histoire(s) du présent  

Histoire(s) du présent

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Sylvie Aprile et Dominique Dupart)

La revue Ecrire l’histoire (Paris-Diderot/Cerilac), revue interdisciplinaire Littérature et Histoire, consacre au présent ses deux numéros semestriels de l’année 2013. Ce présent qui s’écrit et qui, s’écrivant, agit sur son écriture se conçoit simultanément comme catégorie épistémologique et comme condition d’une recherche historienne et littéraire en mesure de s’emparer de son temps et de son histoire. Ecrire le présent, écrire au présent, ou encore considérer possible différentes histoires du présent est inséparable d’une réflexion sur les régimes d’historicité contradictoires qui définissent notre rapport au monde [Koselleck, Vergangene Zukunft. Zur Semantik geschichtlicher Zeiten [Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques], 1979 ; Hartog, Régimes d'historicité. Présentisme et expériences du temps, 2002]. De même, la transformation possible de l’inactuel du passé en question actuelle, voire en actualité ainsi que ses divers usages politiques, questionnent notre rapport au présent : nul ne sait a priori quand commence et quand finit le présent de l’histoire et ce qui le forge à notre regard [Baschet in Hartog et Revel, Les usages politiques du passé, 2001]. À ce titre, le présent de l’histoire intéresse la recherche en histoire et en lettres, et la littérature proprement dite : car le temps du présent est un temps hybride, créatif, davantage un champ d’expérience qu’un repère, qu’un curseur de l’histoire. Des modes d’investigations croisés sont donc seuls en mesure de lui rendre justice, lui qui s’écrit en raison du passé et de l’avenir à mesure qu’on l’explore. [Barthes ; N.Z. Davis, Fiction in the Archives: Pardon Tales and their Tellers in Sixteenth Century France ( Récits de pardon en France au XVIe siècle) 1987]. 

Les deux numéros consacrés à l’écriture du présent acccueilleront aussi bien des contributions sur la définition du temps présent pensé par les contemporains du passé, sur l’épistémologie qui nourrit l’origine et la réflexion d’écoles historiques et d’historiographies nationales [I.H.T.P., Zeitgeschichte allemande, historia reciente en Amérique latine]  que les tentatives de penser historiquement le présent en cours en tentant de le ressaisir au moyen d’une pratique d’écriture ou de recherche spécifique dont les enjeux seront chaque fois explicités. Comment concevoir aujourd’hui la modification des supports et le rôle des témoignages, de la mémoire collective, de l’usage et des métamorphoses de l’archive initiée par l’apparition des humanités numériques, et des dites nouvelles technologies ? L’actualité récente du printemps arabe témoignerait d’un nouveau rapport au temps et à l’espace qui ferait de l’accélération du temps de l’histoire la condition d’une possibilité nouvelle de son écriture, dans les champs des deux disciplines Littérature et Histoire ou, plus largement, dans le cadre de la création poétique ou artistique. La création théâtrale portée par le metteur en scène Vinaver sur l’évenement du 11 septembre 2001 est aussi le signe que, lorsqu’elle est écrite au présent, l’histoire est souvent cause d’un déplacement de l’acte poétique dans la sphère de la représentation historiographique. Enfin, le présent est autant une expérience de l’histoire pour celui qui s’en empare par la lecture, par l’écriture ou par la création que pour l’historien ou le littéraire qui tente de penser le passé en l’engageant volontairement dans le temps contemporain [Benjamin, Sur le concept d’histoire, 1942 ; Foucault, Entretien avec D. Trombadori,1980]. C’est pourquoi l’écriture du présent, son étude, sont inséparables d’une réflexion sur la censure, sur son actualité et sur les pratiques qui la contournent [Combes, Archives interdites, 2010].

Cependant les deux numéros seraient incomplets si l’écriture du présent se concevait séparément de toutes les pratiques destinées à rendre notre reception des textes délaissés, inconnus ou plus simplement écrits en langues étrangères. La traduction mais aussi l’édition sont autant de gestes d’écriture et d’articulation des formes qui façonnent le présent et son histoire poétique. D’autres media que l’écriture, le cinéma, le théâtre, et même la pratique de l’exposition et la réflexion critique qui l’accompagne dans le monde de l’art contemporain sont aussi les foyers d’une réflexion sur l’historicité du présent : la photographie, la documentation, le changement d’échelle, la redécouverte des textes et des oeuvres fondent autant une actualité dynamique que des possibilités de distance critique sur le temps qu’ils explorent en tant que contemporains. Ainsi, l’écriture de l’histoire, à l’occasion de ce double numéro, est elle aussi destinée à s’ouvrir à la création. Celle-ci a en dernier lieu partie liée avec le développement de nouvelles technologies qui ne se résument à pas l’utilisation d’ordinateurs, de logiciels ou de bases de données et à la transformation des méthodes documentaires et critiques . « L’histoire 2.0 » [Serge Noiret]  ; « les humanités numériques » , « le digital turn » ont aujourd’hui acquis une place dans la réflexion épistémologique des historiens dans et au-delà de la toile [Roy Rosenzweig].

Les propositions d’articles et de discussion sont à envoyer à Sylvie Aprile (saprile@noos.fr) et à Dominique Dupart (dominiquedupart@hotmail.com) jusqu’en mars 2012 : pour une remise des textes  définitive prévue pour août 2012