Agenda
Événements & colloques
Histoire de folles. Folie et genre dans les lettres et les arts (Clermont-Ferrand)

Histoire de folles. Folie et genre dans les lettres et les arts (Clermont-Ferrand)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Catherine Songoulashvili)

Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique

CELIS - EA 4280

Equipe « Ecritures et Interactions Sociales »

Programme Genres littéraires et gender & Gradiva – Créations au féminin

Folies, mélancolies et autres ravissements

 

APPEL À COMMUNICATION

Journée d'études II[1]

Histoire de folles. Folie et genre dans les lettres et les arts

18 novembre 2016

Maison des Sciences de l'Homme, 4, rue Ledru, Clermont-Ferrand

 

Responsables scientifiques : Patricia Godi, Stéphanie Urdician 

 

I had a night in which everything was revealed to me.
How can I speak again?

Sara Kane, 4.48 Psychosis

 

Señor

La jaula se ha vuelto pájaro
y se ha volado

y mi corazón está loco
porque aúlla a la muerte
y sonríe detrás del viento
a mis delirios 

Alejandra Pizarnik, « El despertar »

 

Aucune place n’est accordée à la prise en compte de la différence des sexes dans la fresque magistrale de l’évolution du statut de la folie et de la figure du fou que constitue Histoire de la folie à l’âge classique (1961) de Michel Foucault. En 1972, la psychologue américaine Phyllis Chesler faisait cependant paraître Les Femmes et la folie, qui s’interroge, cette fois, sur « un crime vieux comme l’histoire : celui de la condamnation de la femme à folie » (Hélène Cixous, préface de la traduction française, 1975). Elle y décrit le nombre croissant de femmes internées ou consultant un psychiatre dans les années soixante, ainsi que le mode patriarcal de fonctionnement des hôpitaux psychiatriques et de la psychiatrie elle-même. Les mythes, la littérature et les arts nous renseignent également sur cette inscription des femmes dans la folie, les représentations culturelles de la déraison,  l’égarement, la « maladie mentale », telle une trace indélébile que la médecine des humeurs a associée au corps féminin. En Grèce, Até, fille d’Eris, est la déesse de la fatalité, mais aussi de la folie. Electre poursuivie par les Erinyes après le meurtre de Clytemnestre, deviendra folle, alors que son frère, Oreste, sortira indemne du matricide qu’il a lui-même commis. Antigone est « folle de naissance » d'après la sentence de Créon dont elle a bravé l'interdit, le délire prophétique de Cassandre la condamne à une tragique lucidité, cette « blessure la plus proche du soleil » (René Char).

De Jeanne d'Arc à Juana la loca, de Frida Khalo à Camille Claudel,  de Sylvia Plath à Alejandra Pizarnik en passant par Ophélie et Madame Bovary, les figures de « folles » et d’artistes folles interrogent la polarisation masculin/féminin et dénoncent autant l'impossible héroïsme que  l'instable  reconnaissance de la création au féminin. Que disent les œuvres littéraires et artistiques des femmes du rapport de celles-ci à la folie? Quelle(s) situation(s) dans la société patriarcale, la culture androcentrée et la tradition littéraire éminemment « masculine », les écritures féminines de la folie mettent-elles en scène ? Les « histoires de folles » qui traversent la littérature et les arts se lisent-elles comme le miroir déformé des rôles réducteurs traditionnellement dévolus aux femmes longtemps privées du statut de sujets de leur existence ? De l’inadaptation de grands nombres d’entre elles à ces rôles et de leur refus de se conformer aux attentes de la société à leur égard ? 

La réflexion pourra porter sur les créations des femmes qui prennent pour thème la folie, déclinée en maladies de l’âme et catégories issues de la psychiatrie, l’hystérie, la schizophrénie, la paranoïa, la dépression mélancolique…, telles que ces créations naissent parfois de l’expérience de l’internement, de la psychothérapie, voire de traitements psychiatriques traumatisants, tels que les électrochocs. Nous intéressent aussi la relation entre langage, style d’écritures et folie, le pouvoir de fulgurance des représentations de la folie. Si le texte littéraire le cède difficilement au discours du schizophrène ou du dément, à « l’isolement du texte fou » (Monique Plaza), l’écriture de la folie par les femmes peut-elle être génératrice, en ses images, en ses rythmes, de poétiques nouvelles, d’esthétiques renouvelées au sein des genres littéraires ?

L’écriture de la folie par les femmes, devenant sujets de leur propre parole peut-elle par ailleurs, dans certains cas, constituer une thérapie, une émancipation ? Comment les représentations et expériences de la folie peuvent-elles conduire, au-delà de l'égarement qui peut être dévastateur (automutilation, suicide), à l'émergence de nouvelles identités et in fine à l'avènement d'un « lieu à soi » (Marie Darrieussecq, traduction française de V. Woolf,  A Room of One's Own, 2016) ? En effet, reléguer la femme dans la sphère de la folie implique un enjeu topographique majeur dans la répartition des rôles sociaux et du pouvoir, mais la mise à l'écart ou la prise de distance volontaire par rapport aux attentes de la société peut également constituer un refuge permettant de recouvrer le sens caché du monde et de l'être, de raviver un âge perdu (enfance, héritage mythique...) afin d'y puiser les ressources constitutives d'une identité créatrice.

Dans sa construction de soi en tant qu’artiste, le sujet féminin ne serait-il pas voué à sombrer dans la folie, c'est-à-dire à se déplacer, à transgresser la topographie genrée, à se disloquer comme l'induit l'étymologie du vocable espagnol « loco/a » (locus). Comment le geste des Antigone hors-la-loi, hors norme, accède-t-il au rang d'acte de revendication identitaire face aux modèles de féminité imposés ? Comment la folie devient-elle manifestation de la révolte ? Nous explorerons ces figures de folles à lier, d'hystériques, de psychotiques, d'anormales, d'excentriques, de marginales, d'inadaptées, d'insoumises – la liste est longue de ces appellations qui conjuguent la folie au féminin – pour déceler les enjeux et les formes qui sous-tendent les mécanismes d'enfermement et d'exil intérieur et envisager les cas où anormalité rime avec liberté, où l'émergence de voix discordantes et autres « langages déments » (Luce Irigaray) proposent  de singulières entreprises de libération du sujet femme.

L'approche se veut diachronique et concerne les littératures et les arts de langue française et étrangère. Les propositions concernant la journée d'étude du 18 novembre 2016 sont à envoyer à Stéphanie Urdician (Stephanie.Urdician@univ-bpclermont.fr) pour le  30 juin 2016. Résumé de 10 à 15 lignes + brève présentation bio-bibliographique.

 

 

[1]  Appel Journée d'études I – Folies, mélancolies et autres ravissements. Raison et déraison – Liaisons et déliaisons, samedi 21 mai 2016, Institut d'Etudes Hispaniques, rue Gay-Lussac, Paris : http://gradiva.univ-pau.fr/live/

Propositions à envoyer à Catherine Flepp (catherine.flepp@gmail.com) et à Nadia Mékouar-Hertzberg (nadia.mekouar-hertzberg@univ-pau.fr) sous la forme d'une dizaine de lignes, accompagnées d'une brève bio-bibliographie, pour le 2 avril 2016 au plus tard.