Agenda
Événements & colloques
Hiérarchie, ordre et mobilité dans l’Occident médiéval

Hiérarchie, ordre et mobilité dans l’Occident médiéval

Publié le par Sophie Okhee Poitral (Source : Questes)

Hiérarchie, ordre et mobilité dans l’Occident médiéval (400-1100)

Centre d’études médiévales, Auxerre, 27-29 septembre 2006
 
 
 
En 1998, sous le titre La royauté et les élites dans l’Europe carolingienne (du début du IXe siècle aux environs de 920, paraissaient les actes d’un colloque organisé l’année précédente par Régine Le Jan et l’équipe du Centre d’histoire du haut Moyen Âge de l’université Charles de Gaulle-Lille 3. Cet ouvrage collectif avait pour objet de faire le point sur une notion plus que labile (« élites ») pour mieux reprendre la question des cadres constitutifs de l’imperium christianum à l’époque carolingienne, en mettant l’accent sur les diversités régionales offertes à l’intérieur et à la périphérie de la construction étatique franque.
Depuis la rentrée universitaire 2003-2004, ce premier examen collectif s’est poursuivi à l’initiative du groupe de travail fondé autour des Transferts patrimoniaux dans le haut Moyen Âge (François Bougard, Laurent Feller, Stefano Gasparri, Cristina La Rocca et Régine Le Jan). Sous l’intitulé « Les élites dans le haut Moyen Âge occidental : formation, identité, reproduction », était alors lancé un nouveau programme appelé à se décliner sous la forme de plusieurs rencontres entre 2003 et 2007, dans la perspective desquelles un cadre de travail d’ensemble était fixé et une définition souple de la notion d’élites était soumise à la réflexion :
« Les élites se composent de tous ceux qui jouissent d’une position sociale élevée, qui passe non seulement par la détention de la fortune, d’un pouvoir ou d’un savoir, mais aussi par la reconnaissance d’autrui. L’appartenance à l’élite peut être héritée et se refléter dès la naissance dans le nom, ou acquise par l’union ou l’alliance matrimoniale, la possession foncière ou plus généralement la richesse, l’apprentissage culturel, l’exercice de la fonction, la faveur du prince : autant de critères, non exclusifs les uns des autres, qui valent surtout par leur combinaison.
Être de l’élite, y parvenir sont une chose, s’y maintenir comme individu ou comme groupe doté d’avantages sociaux une autre. Y appartenir suppose aussi de partager certains comportements signifiants, qui vont du port de vêtement à l’écriture en  passant par le style d’habitat, le maniement des armes, l’usage funéraire etc. Ces éléments de distinction ne sont cependant pas forcément communs à tous les éléments qui composent l’élite puisque celle-ci réunit plusieurs cercles distincts, susceptibles de comportements différentiés – comtes ou évêques, pour prendre les exemples les plus immédiats de l’élite dirigeante – et puisque, aussi, l’élite a sa propre hiérarchie : entre la notabilité innée et celle qui se gagne depuis un statut inférieur, entre celle qui occupe le devant de la scène et celle qui s’efface existe une série de gradations qui forment autant de lignes de clivage pas toujours faciles à percevoir. »

Depuis lors, trois rencontres ont été organisées ; la première, à l’université de Marne-la-Vallée et à l’université de Paris I (28 et 29 novembre 2003), a été consacrée à l’historiographie des élites ; la seconde, à l’École française de Rome (6-8 mai 2004), s’est attachée aux « crises et renouvellements » des élites au haut Moyen Âge ; la troisième, organisée par la Mission historique française en Allemagne, Göttingen (3-5 mars 2005), a traité des élites et de leurs espaces : mobilité, rayonnement, domination (VIe-XIe siècles) [interventions accessibles sur le site du Lamop de Paris I : http://lamop.univ-paris1.fr/W3/elites/]. La quatrième rencontre, prise en charge par le Centre d’études médiévales d’Auxerre, portera sur les problèmes relatifs à l’ordonnancement et aux processus de hiérarchisation sociale.
Si la notion d’« ordre (s) » est familière aux historiens du Moyen Âge depuis les Trois ordres de Georges Duby (1978) et les Lebensordnungen d’Heinrich Fichtenau (1984), il est loin d’en être de même pour celle de « hiérarchie ». Au reste, le terme n’a pas bonne presse chez les chercheurs en sciences humaines et sociales, qui s’en méfient pour ses relents d’Ancien régime et préfèrent souvent parler de « stratifications sociales », comme si choisir, distinguer, hiérarchiser les valeurs n’étaient pas, dans les mondes du passé comme dans celui d’aujourd’hui, à la base même de l’action sociale. L’examen du concept de hiérarchie est crucial pour les historiens de l’Occident au haut Moyen Âge. Ce terme d’origine grecque – hieros (sacré) et archos (fondement, commencement, commandement) – est d’un emploi longtemps rare dans la latinité. Les concordances automatisées du latin permettent de savoir avec précision que le succès lexical de hierarchia n’est pas antérieur au tournant des années 800 et qu’il dépend directement de la traduction depuis le grec des écrits du Pseudo-Denys l’Aréopagite, spécialement la Hiérarchie céleste et la Hiérarchie ecclésiastique. Concomitance intéressante, l’adoption généralisée du terme hiérarchie dans l’Occident médiéval, entre le IXe et le XIe siècle, est contemporain d’une conception de la société rapportée à l’harmonie du cosmos qui fait du monde des hommes un reflet de l’ordonnancement voulu par Dieu – un ordonnancement propre à confondre ecclésial et social ou, dit autrement, à faire d’Église et société deux termes co-extensifs. Dans cette logique, puisqu’il ne saurait y avoir de critère laïque d’appartenance aux groupes sociaux, le concept de hiérarchie permet au médiéviste de rendre compte de l’ensemble des processus d’organisation d’une société stratifiée parce qu’aspirée vers le divin. Il permet autant de décrire un jeu de places que de saisir la dynamique de processus à l’œuvre dans la grande fabrique du social. Ce sont ce jeu de places et cette dynamique que nous voudrions explorer en détail lors de la rencontre d’Auxerre. Pour ce faire, nous soumettons à votre réflexion un cadre de travail qui devrait permettre d’élaborer le programme des trois journées d’exposés et de discussion prévues. Les limites chronologiques retenues sont très lâches. Hauts médiévistes, nous avons vocation professionnelle à nous concentrer sur les années 500-1000. Pour autant, la matière examinée (spécialement la question des grades ecclésiastiques, à haute période, et celle des transformations sociales contemporaines de l’ordre seigneurial et de la Réforme de l’Église, à l’autre extrême) supposent de laisser de la souplesse dans l’examen tant rétrospectif que prospectif des problèmes abordés.
 
 
 
Mercredi 27 septembre 9h-13h
 
1. Hiérarchie : horizons d’une enquête collective
R. Le Jan, F. Bougard, Hiérarchie : le concept et son champ d’application dans les sociétés du haut Moyen Âge
 
2. Ordres et grades ecclésiastiques dans la définition de l’Ecclesia (coordination : R. Mc Kitterick)
2.1. Les cadres englobants :
J.-M. Picard, Christianisation et hiérarchisation de la société irlandaise des VIIe et VIIIe siècles
R. Savigni, La communitas christiana dans l’ecclésiologie carolingienne
D. Iogna-Prat, Penser l’Église et la société après le Pseudo-Denys l’Aréopagite
H.W. Goetz, Les ordines dans la théorie médiévale de la société : un système hiérarchique ?
Mercredi 27 septembre 15h-19h
2.2. Ordres et grades ecclésiastiques : liturgie, ecclésiologie et histoire sociale (coordination : H.W. Goetz)
A. Rauwel, La hiérarchie interne à l’ordre sacerdotal : épiscopat et presbytérat des temps patristiques à Pierre Lombard
Ch. MÉriaux, Les clercs ruraux et la hiérarchisation de la société carolingienne : une première enquête dans la province de Reims
S. Gasparri, Reclutamento sociale e ruolo politico dei vescovi in Italia, secoli VI-VIII
S. Patzold, Créer un grade ecclésiastique : métropolitains et archevêques du royaume franc (VIIIe-IXe siècles)
 
Jeudi 28 septembre 9h-11h30
2.3. Monachisme et hiérarchie (coordination : M. de Jong)
O.G. Oexle, Mönchtum und Hierarchie im Okzident
H. Röckelein, Hiérarchie et ordre dans le monachisme féminin
J.-M. Sansterre, Hiérarchie des fonctions dans l'Eglise et hiérarchie des genres de vie selon un moine-ermite,cardinal-évêque, à une époque charnière : les vues complexes de Pierre Damien (+1072)
 
Visite de Saint-Germain d’Auxerre (12h-13h30)
 
Jeudi 28 septembre 17h-19h
3. Hiérarchie et société laïque (coordination : W. Dawis, S. Collavini, F. Bougard)
S. Airlie, Le pouvoir profane sous le regard du pouvoir sacré : conflits entre les saints et l’appareil d’État à l’époque carolingienne
S. Esders,  Fidélité et diversité juridique
 
Vendredi 29 septembre 9h-13h
L. Feller,  Hiérarchies et mobilité sociale dans le monde rural (IXe-XIe siècles)
Th. Lienhard, L’empereur et les élites urbaines : Charlemagne face à Salzbourg et à Rome
V. LorÉ, Poteri pubblici ed elite rurali nell’Italia meridionale longobarda (Secoli IX-XI)
Ph. Depreux, Hiérarchie séculière, ordre du palais et principes de gouvernement : théorie et pratique de la vie politique et de l’administration du royaume (pouvoir central, pouvoir local) aux temps carolingiens et ottoniens
 
Vendredi 2 septembre 15h-19h
C. Martin, Hiérarchie et service dans le monde wisigothique : la militia des laïcs
C. La Rocca, Distinguersi per la ricchezza da Venanzio Fortunato a Raterio
A. Gautier, Discours égalitaire et pratiques hiérarchiques dans les ghildes anglo-saxonnes
 
4. Conclusions : G. Bührer-Thierry