Essai
Nouvelle parution
H. J. Glock, Qu'est-ce que la philosophie analytique?

H. J. Glock, Qu'est-ce que la philosophie analytique?

Publié le par Marc Escola

Qu'est-ce que la philosophie analytique ?
Hans-Johann Glock
Frédéric Nef (Traducteur)


Paru le : 13/05/2011
Editeur : Gallimard (Editions)
Collection : Folio essais
ISBN : 978-2-07-039978-9
EAN : 9782070399789
Nb. de pages : 545 pages

Prix éditeur : 12,50€


Depuis plus d'un siècle, elle domine la philosophie, l'obligeant à prendre parti sur chacune de ses propositions, sur chacun de ses questionnements : la philosophie analytique est une donnée majeure de la vie des idées comme des sciences les plus avancées.

Et pourtant, nul n'a su ni ne saurait en donner une définition unitaire. Glock montre ici l'inanité de telles tentatives et la fécondité d'une approche dans le temps d'une philosophie en dialogue avec les autres courants, échangeant thèmes et perspectives, portée par des générations qui renouvellent leurs objets, questions et préoccupations. Il croise donc l'histoire (mathématiques et logique ; la révolte contre l'idéalisme ; le tournant linguistique ; l'évolution du langage à l'esprit), la géographie (racines germanophones ; empirisme britannique contre romantisme germanique), l'étude des doctrines et sujets (la croisade contre la métaphysique ; philosophie et science), voire la méthode et le style ou bien encore les rapports entre éthique et politique (la philosophie analytique ignore-t-elle l'éthique et la théorie politique ? Est-elle moralement neutre et conservatrice ? progressiste et source d'émancipation ? un antidote à l'idéologie ?).

À l'arrivée, il y a non pas un tableau statique, mais la restitution d'une philosophie en mouvement.

Sommaire:

UN COURANT MAJEUR
APERCU HISTORIQUE
GEOGRAPHIE ET LANGAGE
HISTOIRE ET HISTORIOGRAPHIE
DOCTRINES ET THEMES
METHODE ET STYLE
ETHIQUE ET POLITIQUE
CONCEPTS CONTROVERSES, AIRS DE FAMILLE ET TRADITIONS
PRESENT ET FUTUR

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Dans Libération du 07/07/2011 on pouvait lire cet article:

Questions de langage

Critique

L'opposition entre la pensée continentale et la philosophie analytique

Par ERIC AESCHIMANN

Un peu comme les procédures de la justice new-yorkaise, la philosophie analytique fait partie de ces fractures franco-américaines qui alimentent la rivalité transatlantique. On le sait, Foucault, Deleuze et Derrida jouissent d'une certaine réputation sur les campus américains. Sous l'étiquette de «philosophie continentale», leurs travaux sont largement enseignés dans les départements d'études littéraires. Mais il en va tout autrement dans les départements de philosophie, où l'on moque l'hermétisme de la French Theory et où l'enseignement se réfère uniformément aux penseurs analytiques. Car, héritière du Cercle de Vienne, la philosophie analytique a conquis le monde anglo-saxon depuis longtemps et compte en France d'éminents représentants : Jacques Bouveresse, Pascal Engel, Sandra Laugier. C'est de cette galaxie parfois mal connue que Hans-Johann Glock nous propose une photographie à la fois détaillée et distanciée.

Née à la fin du XIXe siècle, la philosophie analytique, comme tout courant philosophique, est le fruit d'un rejet : celui de l'idéalisme allemand (Kant, Hegel) et de sa conception de la réalité comme apparence d'un «Tout» caché. Pour Moore ou Russell, la métaphysique n'est qu'une «théologie déguisée», une «poésie conceptuelle», se posant des «pseudo-questions» et y apportant des réponses sans signification puisque «ni vérifiables, ni falsifiables». Les voici qui entrent en révolte et proposent un tout autre chemin : l'analyse minutieuse et modeste des «propositions», avec les armes de la logique. Il s'agit de dégonfler les soi-disant grands problèmes, de les réduire à des énoncés clairs, concis et discutables.

Avec Wittgenstein, figure majestueuse de cet accouchement, la philosophie analytique trouve sa formule : elle n'est pas une «doctrine» mais «activité» et «critique du langage». C'est de cette intuition première que vont se développer de multiples écoles, approches et thèmes. Avec une érudition parfois excessive, Glock les passe en revue : «tournant linguistique», guidé par l'idée que le langage a la même structure que la réalité ; «naturalisme», pour qui il n'y a pas de connaissance valide hors des sciences naturelles ; la théorie de «l'esprit-cerveau»(«l'esprit est identique au cerveau et les propriétés mentales sont identiques aux propriétés neuro-physiologiques»);«éthique appliquée», à laquelle se rattachent la théorie de la justice de John Rawls ou, dans un genre différent, l'éthique animale de l'Australien Peter Singer.

Pointant les désaccords internes au courant analytique, Glock montre que celui-ci se définit moins par ses dogmes que par quelques postures communes, sur lequel il porte des jugements nuancés. Il en loue le souci de clarté et de brièveté, mais dénonce la tendance à l'entre-soi et l'agressivité persistante envers la philosophie continentale - voire l'affaire Sokal, ici revisitée. La philosophe analytique, dit-il, doit quitter ses grands airs et se mettre au service des problèmes de tous, car dans sa modestie est sa grandeur. A la question :«Que faites-vous au juste ?», un philosophe analytique répondit : «Clarifier quelques concepts, faire quelques distinctions - c'est ça, la vie.»