Édition
Nouvelle parution
Guido Cavalcanti, Rime

Guido Cavalcanti, Rime

Publié le par Nicolas Geneix

Guido Cavalcanti, Rime

Guido Cavalcanti est au programme du Capes externe d’italien 2016.

Paris : Vagabonde / Vrin, 2015.

EAN 9782919067060

20,00 EUR

Présentation de l'éditeur :

L'édition (bilingue) des Rime de Cavalcanti publiée par les éditions vagabonde est la plus complète (et il n'en est désormais qu'une autre, celle de Christian Bec, publiée en 1993 par les Éditions de l'Imprimerie nationale et difficilement trouvable) ; c'est en outre une édition critique très fouillée, appuyée par une préface extrêmement éclairante quant aux enjeux formels et philosophiques du stilnovisme ; et c'est, précisément, la seule à respecter la forme des poèmes, n'éludant aucune difficulté sémantique ou poétique et traduisant toute l'œuvre en poésie. Ce qui, de même que son travail d'accompagnement critique, a valu à Danièle Robert, en 2002 le prix Nelly-Sachs - le plus important des prix de traduction en France.

Danièle Robert offre ici une traduction intégrale des Rime qui prend en compte la subtilité métrique et prosodique constitutive de cette poésie afin de donner à entendre, à l’intérieur même d’un système désormais inscrit dans le passé, la modernité et l’universalité d’une pensée extraordinairement vivante.

Œuvre décisive du Duecento italien, la poésie de Guido Cavalcanti est assurément, sur le plan littéraire, ce que Baudelaire appelle un « phare » dans le poème qu’il consacre aux peintres et sculpteurs majeurs de l’histoire de l’art. Elle est en effet le réceptacle d’une tradition courtoise et, plus largement, le résultat d’un croisement de courants philosophiques et poétiques au sein desquels elle fait entendre une voix tout à fait singulière, flamboyante, neuve, qui a initié pour plusieurs siècles toute la lyrique occidentale.

Aîné de Dante et « premier de ses amis », premier à l’avoir accueilli, alors que celui-ci n’avait que dix-huit ans, dans le cercle exigeant des poètes d’une avant-garde qui allait porter – sous la plume de Dante – le nom de dolce stil novo, Cavalcanti est un poète dont la virtuosité est inséparable d’une charge émotionnelle intense.

En 1984, Italo Calvino se consacra à la préparation de conférences qu’il devait donner à l’invitation de l’université d’Harvard. Elles avaient pour thème central la « préservation de certaines valeurs littéraires ». Illustration des vertus de la légèreté à travers une évocation des œuvres de Guido Cavalcanti et de Dante…

Légèreté : « Si je voulais choisir un symbole votif pour saluer le nouveau millénaire, je choisirais celui-ci : le bon agile et imprévu du poète-philosophe qui prend appui sur la pesanteur du monde, démontrant que sa gravité détient le secret de la légèreté – alors que ce qui passe aux yeux de beaucoup pour la vitalité d’une époque bruyante, agressive, piaffante et vrombissante appartient aussi sûrement au règne de la mort qu’un cimetière d’automobiles rouillées. » […]

« J’aimerais que vous conserviez cette image en mémoire, tandis que je parlerai de Cavalcanti poète de la légèreté. Plutôt que des personnages humains, les “dramatis personae” de ses poèmes sont des soupirs, des rayons lumineux, des images optiques et, surtout, ces influx ou messages immatériels qu’il appelle esprits, “spiriti”. Chez Cavalcanti, un thème aussi peu léger que le mal d’amour se dissout en entités impalpables, circulant entre âme sensitive et âme intellective, entre cœur et pensée, entre œil et voix. Bref, il s’agit toujours d’une entité triplement caractérisée : 1) par une grande légèreté ; 2) par le mouvement ; 3) par le transport d’information. » […]

« On peut dire que deux vocations opposées se disputent à travers les siècles le domaine de la littérature : l’une tend à faire du langage un élément dépourvu de poids, flottant sur les choses comme un nuage, ou mieux comme une subtile pulvérulence, ou mieux encore comme un champ d’impulsions magnétiques ; l’autre tend à communiquer au langage le poids, l’épaisseur, la concrétude des choses, des corps, des sensations. Aux origines de la littérature italienne – et européenne –, ces deux voies ont été ouvertes par Cavalcanti et Dante. Leur opposition n’a qu’une valeur générale, bien entendu ; les prodigieuses ressources de Dante et son extraordinaire variété rendraient nécessaire l’examen d’innombrables cas d’espèce. Ce n’est pas un hasard si Dante a dédié à Cavalcanti son sonnet le plus heureusement léger d’inspiration (“Guido, i’ vorrei che tu e Lapo ed io”) : “Guido, je voudrais que toi et Lapo et moi”. Dans la Vita Nuova, il traite la même matière que son maître et ami ; certains mots, motifs ou concepts sont communs aux deux poètes ; et lorsque Dante veut exprimer la légèreté, jusque dans La Divine Comédie, il ne le cède à personne. » […]

« En forçant quelque peu l’opposition, je pourrais dire que Dante donne une solidité corporelle à la plus abstraite spéculation intellectuelle, tandis que Cavalcanti dissout la concrétude de l’expérience tangible dans son vers au rythme saccadé, haché en syllabes, comme si la pensée se détachait de l’obscurité par rapides décharges électriques. » […]

« Pour moi, la légèreté est liée à la précision et à la détermination, nullement au vague et l’aléatoire. Comme disait Paul Valéry : “Il faut être léger comme l’oiseau, et non comme la plume.” »

Extraits de Leçons américaines – Aide-mémoire pour le prochain millénaire, Gallimard, 1989, trad. de l’italien par Yves Hersant.