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« Grandes Caraïbes » : grandes identités

« Grandes Caraïbes » : grandes identités

Publié le par Marielle Macé (Source : Janusz Przychodzen)

«GRANDES CARAÏBES » : GRANDES IDENTITÉS

Colloque international & interdisciplinaire
organisé par GIRA-CARAÏBES

Les 18-20 mai 2005
Université de Montréal

ARGUMENT

Vouloir repenser et rediscuter aujourd'hui l'identité caraïbe globale, c'esT ouvrir de nombreuses questions sur de la nature sociale, politique et culturelle de la région, marquée, dès sa naissance, malgré une exiguïté géographique, économique et politique, par d'innombrables liens et expériences multiculturels qui influent d'autant plus sur la situation présente de ses communautés, que toutes les régions sont de plus en plus appelées à se positionner non seulement par rapport à elles-mêmes mais aussi en fonction de grands ensembles géopolitiques.

VOLET 1
Les « Grandes Caraïbes » s'articulent en tant qu'identité dans plusieurs perspectives. D'abord, par rapport à l'étendue géographique de la région, ensuite, en fonction des diasporas caraïbes. Quant au premier aspect, malgré les propositions d'extrapoler la spécificité culturelle insulaire des Caraïbes sur ses sphères continentales limitrophes (René Depestre, Darcy Ribeiro, Gabriel García Márquez), il n'a pas encore été l'objet d'une réflexion approfondie. Pourtant, ne serait-ce qu'au niveau géographique, si l'on tient compte de la définition de la Zone à partir de la mer Caraïbe, celle-ci regrouperait, dans une superficie de 4.310.000 km, des États aussi vastes que le Mexique (pour une partie, par exemple la presqu'île du Yucatan), le Venezuela, la Colombie, le Costa Rica, le Panama et même la Floride, le Texas, l'Alabama et le Mississipi (États-Unis).
La participation réelle des sphères côtières du grand paradigme identitaire relève-t-elle toutefois d'une une réalité tangible, d'un mythe ou d'une utopie ? Qu'entendait Gabriel García Márquez en se réclamant de la tradition littéraire caribéenne dans laquelle il incluait William Faulkner (référence incontournable par ailleurs de Édouard Glissant) ? Peut-on (faut-il) sortir les Caraïbes de leur stigmate de l'exigu compte tenu de leur fragilité vis-à-vis des puissances extérieures ? Si oui, à partir de quelles prémisses endo- (insulaires) et exogènes (continentaux), ce réaménagement pourrait-t-il avoir lieu ? Le fait que les Caraïbes, en tant que berceau des Amériques, naissent du choc de « toutes les civilisations » (indigène, européenne, américaine, africaine, extrême- et proche orientale), comme si la région était destinée dès le départ à s'accomplir en en tant que lieu de rencontre, d'acculturation et d'interfluence exceptionnel, est-il déterminant dans cette perspective ? Aujourd'hui, dans la crise de la société globale, que peut apporter l'expérience caraïbe, elle-même stigmatisée par la mondialisation et la libéralisation économiques, en tant que zone disputée d'influences intercontinentales ?
Les « Grandes Caraïbes », en tant que paradigme, sous-entendent également la question de l'intégration et de la solidarité dans la région et de la région. Pourtant si certains pays caraïbes font partie d'organisations multilatérales regroupant des nations de l'Amérique latine et de l'Amérique du Nord (Organisation des États Américains- OEA), d'autres en sont exclus ou ne sont pas admis à cause de leur régime politique ou leur statut. Faut-il signaler que tous ne sont pas indépendants et certains territoires relèvent de la tutelle des puissances étrangères telles l'Angleterre, la France, la Hollande ? Que les disparités et différences similaires se manifestent au niveau économique et socioculturel ?


VOLET 2
Les Grandes Caraïbes se présentent dans une autre perspective en tant que société adjointe de ses communautés diasporiques et exiliques. Face à l'initial flux migratoire, responsable de la naissance même de la région, il faut alors tenir compte de l'envers de la matrice historique, soit du processus du débordement caraïbe. Réfléchir cependant non pas sur les diasporas proprement dites mais établir une perspective comparative, qui fera croiser à travers l'exploration des triangles relationnels non seulement les communautés entre elles-mêmes, mais aussi entre leurs lieux de départ et leurs pays d'accueil. Quel changement identitaire implique un déplacement migratoire dans le rapport d'un Haïtien par exemple face à son propre pays et la communauté caraïbe diasporique dans l'ensemble ?
Est-ce que les relations à l'intérieur de la diaspora caribéenne française, canadienne, états-unienne, etc. reflètent ou redéfinissent la dynamique interne des Caraïbes ? Quel est le rôle de la société et de la culture d'accueil dans la formation des identités diasporique et exilique caraïbes ? L'extension (géographique, idéologique et culturelle) de l'identité, rouverte à l'autre par le biais d'une dissémination démographique extraterritoriale, est-il dicté également par les paramètres de la société globale ? Compte tenu du fait que la dynamique des communautés diasporiques et exiliques caraïbes, fondée en bonne partie sur ce que l'on pourrait appeler « la passion communautaire », semble parfois remettre en question la pertinence de la notion même de diaspora, faut il rediscuter les notions même de sociabilité et d'appartenance ?
La question de l'intégration et de la solidarité se pose dans une optique agrandie, même si celle-ci ne remet pas en cause ce que l'on pourrait appeler le patrimoine mosaïque caraïbe. Dans la région, de plus en plus de groupes et d'organisations construisent des liens de solidarité non seulement entre eux, au niveau national, mais aussi avec des organisations d'autres États en affrontant les autorités en place pour influencer la prise de décision au sujet des politiques régionales. Ces organisations ne sont pas radicalement opposées aux autorités étatiques mais plutôt aux politiques qu'elles appliquent et aux pouvoirs internationaux qui en sont responsables. L'avenir est-il pour autant prometteur en termes de mobilisation collective autour de problèmes spécifiques avec la création d'une structure comme l'assemblée des peuples de la Caraïbe et l'organisation du Forum social Caribéen, à l'instar du forum social mondial ? Quel rôle jouaient, jouent et peuvent jouer les diasporas caraïbes, les Caraïbes elles-mêmes, dans l'intégration continentale (ZLEA) et globale (CARICOM) de la région et, au-delà, dans le jeu de polarités internationales mené par les puissances (latines, anglo-saxonne, etc.) et les métropoles ?


VOLET 3
La question identitaire des « Grandes Caraïbes » nous conduit enfin vers une troisième dimension, qui serait dépourvue de prédicat ethnique ou géographique immédiat. L'expérience migratoire caraïbe d'acculturation, de sociabilité et de communauté, vécue à l'intérieur des paramètres culturels spécifiques, transgresse alors ses déterminations spatio-temporelles de premier niveau pour se donner à voir, finalement, comme une identité extrapolée, même si elle reste toujours engagée dans la promotion des droits de citoyenneté, de l'homme, de la démocratie et de la justice sociale.
La pensée de Derek Walcott, d'Édouard Glissant et de Patrick Chamoiseau est de cette nature. Elle explore les questions à portée locale tout en articulant une problématique interculturelle large. « Chamoiseau, (à travers une poétique du Divers) reconstruit la spécificité d'une démarche d'écriture qui relève, en bout de parcours, d'un mouvement de résistance à l'homogénéisation du sens et à l'hégémonie culturelle que celle-ci prenne la forme de l'Hexagone ou de ce qu'il appelle la « domination silencieuse », pour désigner ici toute propension à l'uniformisation de l'imaginaire contre laquelle s'élabore la littérature » (E. Tremblay). Le concept de "tout-monde", constitutif d'une « poétique de la relation » de Glissant sous-entend une vision large de la culture : « Ce que j'appelle le "tout-monde" est l'objet de littérature et de poésie le plus haut qui se puisse trouver. Toute littérature et toute poésie sont "palpitantes du palpitement même du monde", pour reprendre l'expression d'Aimé Césaire. (Mais) toute poésie qui se coupe de notre souffrance collective, quelle que soit notre origine, descendants d'anciens persécutés ou d'anciens persécuteurs, manque quelque chose d'essentiel » (Glissant). Dans The Muse of History, Derek Walcott exprime également de manière on ne peut plus claire la volonté de dépasser sa dualité inhérente en acceptant la nature hybride, quasi symbolique, de ses origines.
Les Grandes Caraïbes participant alors directement, à un niveau élevé (translocal), au patrimoine culturel et spirituel mondial, sur lequel veille aujourd'hui une communauté d'écrivains (Tabucchi, Le Clézio, Alain Borer, André Velter), vouée à l'élaboration d'une « stratégie mondiale » (Glissant). La pensée positive du métissage, l'expérience de la créolisation tous azimuts dans les Caraïbes, cette « zone bleue du point de vue du contact des communautés » (Glissant) occupera sans doute le premier plan d'une telle réflexion sur la grandeur identitaire et culturelle de la région. De nouveau, dans une perspective comparative, il faudra se poser néanmoins la question dans quelle mesure cette dimension locale et universalisante est-elle participante de l'identité caribéenne. Comment destitue-t-elle, simultanément, le lieu commun de la facilité exotique ? Quel est le degré de son influence sur les deux autres sphères de l'identité ?


Cet appel à contribution s'adresse aux chercheurs et professeurs en sciences sociales, aux écrivains et journalistes, aux étudiants de 2e et 3e cycles dont les intérêts recoupent de manière quelconque la problématique. Prière de faire parvenir les propositions de communication d'environ 300 mots, rédigées dans l'une des langues officielles du colloque, soit le français, l'anglais et l'espagnol, avant le 30 novembre 2004, à l'attention de l'un des responsables :


Pierre-Joseph ULYSSE, Université de Montréal
Courriel: pierre-joseph.ulysse.1@umontreal.ca

Janusz PRZYCHODZEN, Université York
Courriel: januszp@videotron.ca

Illionor LOUIS, Université de Montréal
Courriel: illionor@yahoo.com