Questions de société

"Grand emprunt - Pourquoi l'université Montpellier III a claqué la porte"

Publié le par Arnaud Welfringer

"Grand emprunt - Pourquoi l'université Montpellier III a claqué la porte", La Gazette de Montpellier, 30/11/2010

"À quoi tout ça va servir à mon université ? Pour l'instant, la réponse est : rien." "Autant nous demander de nous saborder." "Sous couvert d'excellence, le projet du gouvernement cible certains secteurs scientifiques et oublie quasiment nos disciplines.""Je me sens un peu ficelée." "Pour l'instant, on ne m'apporte que les factures.""Je ne vis pas de promesses." "On est vraiment dans une logique d'université à deux vitesses." Du 15 au 20 novembre, Anne Fraïsse, la présidente de l'université des lettres - Montpellier III -, a vidé son sac.

Adieu le milliard
Après des mois à tenir sa langue et à compter les points entre Montpellier I et Montpellier II, la présidente de l'université Paul-Valéry a littéralement explosé. Conférence de presse, courrier à son personnel, lettre salée à ses confrères... Anne Fraïsse a fait feu de tout bois pour dire qu'elle abandonnait le navire des initiatives d'excellence (IdEx). Conséquence immédiate : si elle ne revient pas sur sa décision, l'ensemble du site de Montpellier peut dire adieu au milliard d'euros promis par le gouvernement, dans le cadre des crédits du grand emprunt. La recherche montpelliéraine et l'activité économique qu'elle génère auraient du mal à s'en remettre. Car le gouvernement a prévenu : seuls une dizaine de sites - qui présentent une candidature commune - seront retenus pour devenir des campus d'excellence, de rang international. Les autres passeront, selon l'expression du recteur Christian Philip, "en deuxième division". Du coup, c'est la panique dans les institutions, alors que le feu couvait depuis plusieurs mois. Hélène Mandroux, le maire de Montpellier, essaie de rappeler tout le monde à la raison dans un communiqué : "Les partenaires du projet Université de Montpellier Sud de France doivent immédiatement cesser de laisser libre cours à leurs querelles internes pour ne plus perdre de vue l'intérêt général de notre ville et de son université."

Conditions de survie
Jean-Pierre Moure, président par intérim de l'Agglo de Montpellier, fait, quant à lui, appel au préfet pour qu'il mène une concertation. La Région et le rectorat, partie prenante du dossier depuis longtemps, restent silencieux. Sans doute pour ne pas jeter d'huile sur le feu, dans un dossier déjà chaud bouillant.
Du côté des deux autres universités, on fait plutôt profil bas. "Il n'y aura pas de projet aux initiatives d'excellence sans Montpellier III. Ça se fera à trois, ou ça ne se fera pas", expliquent en choeur les représentants de Montpellier II et de Montpellier I. Philippe Augé, président de Montpellier I (droit, médecine), dit même comprendre les raisons du coup de gueule de sa collègue : "Anne Fraïsse a dû marquer sa différence pour défendre le poids des sciences humaines et sociales (SHS) dans le projet. C'est vrai que le gros des dotations devrait aller aux sciences dures. Mais il faut que l'on trouve des axes pour les SHS. Tout n'est pas perdu."
À Montpellier II, on se montre également très compréhensif sur la prise de position d'Anne Fraïsse : "Elle est sans doute embêtée de mettre en difficulté le site de Montpellier. Mais les conditions qu'elle met à son entrée dans le projet IdEx sont pour elle des conditions de survie", analyse Éric Buffenoir, vice-président de l'université des sciences et techniques. De jour en jour, le délai pour faire revenir Anne Fraïsse à la table des négociations se réduit. La date butoir de remise de la candidature commune à l'IdEx est connue depuis longtemps : le 17 décembre.

La piste fédérale
Malgré l'échéance qui approche, tout espoir n'est pas abandonné. Jusqu'ici, les trois universités ne parvenaient pas à s'entendre sur la gouvernance du projet IdEx : comment présenter un projet commun aux trois universités malgré leurs différences fondamentales. Après avoir évoqué la fusion, ou la création d'un "grand établissement", les protagonistes de l'affaire semblent à présent s'orienter vers une troisième voie. "Je pense que nous allons arriver à quelque chose de raisonnable, confie Éric Buffenoir. La piste de l'organisation fédérale des universités, comme c'est le cas à Lyon, pourrait être sérieusement envisagée." Mais avant cela, il faut trouver le moyen de faire revenir Anne Fraïsse...

Yann Voldoire

Menaces sur le Plan campus
"L'avancement de votre Plan campus ne laisse pas de m'inquiéter", écrit Valérie Pécresse, la ministre de la Recherche, à la présidente du pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), dans un courrier daté du 5 novembre. Signée en 2008, l'Opération campus concerne la réorganisation et la rénovation de l'ensemble des bâtiments universitaires de Montpellier. Près de 500 millions d'euros sont mis sur la table par l'État et la Région. Mais les "couacs" entre les différentes universités et le manque du dynamisme du PRES font craindre du retard, voire des pertes de crédit, sur ce gigantesque projet de réaménagement qui concerne le secteur est de Montpellier.