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Global Congo: politiques et esthétiques d'une littérature mondiale 2000-2019 (Gargnano, Italie)

Global Congo: politiques et esthétiques d'une littérature mondiale 2000-2019 (Gargnano, Italie)

Publié le par Marc Escola (Source : Riva Silvia)

GLOBAL CONGO : politiques et esthétiques d’une littérature mondiale (2000-2019)

Le Congo est souvent présenté comme l’un des centres de la mondialisation – « somehow the country has been at the center of the world since the Berlin conference », déclare Fiston Mwanza Mujila. Cette perspective est salutaire, dans la mesure où elle conteste l’idée d’une Afrique périphérique par rapport à l’Occident, mais elle se borne à la dimension économique. Or, que se passe-t-il lorsqu’on envisage la littérature congolaise dans une perspective mondiale ? Cet angle d’approche souligne le caractère poreux des frontières nationales, et permet de remettre en cause l’opposition centre/périphérie qui gouverne encore la World Literature, selon laquelle le but premier des écrivains des « marges » serait de publier à Paris, à Londres ou à New York.

On gagne à considérer le Congo comme un centre littéraire, pour les écrivains de la diaspora d’abord : qu’ils vivent à Bruxelles, à Graz ou en Louisiane, le Congo semble fonctionner comme un pôle d’attraction, à la fois textuel et physique. Nombreux sont les auteurs qui y retournent pour développer des projets théâtraux, des structures éditoriales, des ateliers. En ce qui concerne les écrivains qui résident au Congo, il convient d’envisager les dynamiques qui reconfigurent aujourd’hui le champ littéraire. Un éditeur sénégalais déclare que « se faire reconnaître par le Nord n’est pas du tout le premier enjeu » des écrivains africains. Pour saisir ce phénomène, il conviendra d’être attentifs aux maisons d’édition qui travaillent dans les langues locales, aux stratégies éditoriales des jeunes écrivains, et aux circulations des textes entre le Congo et le reste de l’Afrique. Enfin, cette perspective permet également d’envisager le Congo comme un centre textuel pour des écrivains non congolais (pensons aux classiques de Césaire ou de Conrad, mais également, plus récemment, au problématique Congo de Michael Crichton, à The Poisonwood Bible de Barbara Kingsolver, ou encore à Congo d’Éric Vuillard).

L’attention donnée aux phénomènes de multilinguisme et de traductions est au fondement de la World Literature. De ce point de vue, le Congo est un cas exemplaire : un grand nombre de langues s’y croisent (dont le chinois) et la littérature contemporaine témoigne de cette richesse. Richard Ali A Mutu, par exemple, écrit en lingala, et est traduit en anglais ; Jean Bofane et Fiston Mujila écrivent en français, mais leurs romans sont traduits en une dizaine de langues ; JJ Bola écrit directement en anglais, Muepu Mwamba en allemand. Comment cette donnée linguistique influence-t-elle l’écriture ? Quel rapport les écrivains entretiennent-ils aux langues européennes et aux langues locales (lingala, ciluba, swahili) ? Le choix de la langue relève d’un engagement politique au Congo, comme le choix du Gikuyu par le Kényan Ngugi Wa Thiong’o, ou provient-il du constat du plurilinguisme de la société congolaise ?

Approcher l’espace littéraire du Congo en termes de World Literature nécessite enfin d’élargir la notion même de « littérature », comprise différemment de par le monde. Dès lors que la dimension orale et performative, présente depuis toujours en Afrique, revient en force aujourd’hui, on ne peut considérer cette littérature uniquement à l’aune des textes écrits. L’envisager en acte permet d’interroger sa dimension politique : l’écrivain vise-t-il ainsi à toucher un public plus large ? À avoir un rôle plus efficace dans la société ? Y a-t-il aujourd’hui une foi en la littérature, en ses capacités à changer le monde ? De plus en plus sujet aux problèmes politiques et sociaux, le champ esthétique est appelé à se réinventer et à imaginer des moyens alternatifs de diffusion, comme en témoigne par exemple la plateforme d’art et de cinéma Yole Africa ! située à Goma. L’un des buts de ce colloque, outre la réflexion théorique, consistera à envisager la création d’une telle plateforme pour le domaine littéraire, en fédérant différentes bases de données  mondiales et en réfléchissant ensemble (écrivains, éditeurs, critiques) à des manières de rendre accessibles à tous la richesse des textes congolais.

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