Essai
Nouvelle parution
G. Agamben, Signatura rerum. Sur la méthode.

G. Agamben, Signatura rerum. Sur la méthode.

Publié le par Marc Escola

Giorgio Agamben

Signatura rerum. Sur la méthode

Paru le  : 27/05/2008
Editeur  : VRIN
Isbn  : 978-2-7116-1989-4 / Ean 13 : 9782711619894


Prix éditeur  : 10,00 €



La question de la méthode est ici abordée à partir d'une réflexion sur trois concepts : le paradigme, la signature, l'archéologie.
L'analyse du paradigme permet de dessiner les lignes essentielles d'un chapitre qui fait défaut dans l'histoire de la logique occidentale - la théorie de l'exemple et de l'analogie. Sur les traces des traités de l'âge baroque et de la Renaissance de signatura rerum, le deuxième volet définit la signature comme " signe dans le signe ", qui joue un rôle décisif dans l'interprétation des signes, de la théorie médiévale des sacrements à Benveniste, de la doctrine des transcendantaux à Warburg et à Freud.
Le troisième, enfin, poursuit les analyses de Foucault sur la relation entre archéologie et histoire et pose un concept d'origine qui ne reste pas isolé dans le passé, mais qui, comme les mots indo-européens en grammaire comparée ou l'enfant en psychanalyse, ne cesse d'agir dans le présent pour le rendre intelligible. L'entrelacs de ces trois noeuds problématiques ouvre l'espace d'un court traité sur la méthode, question première et ultime pour tout travail en philosophie et en sciences humaines.

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On pouvait lire dans Libération du 3/7/8 un article sur cet ouvrage:

"La méthode ? Un détail

Philo. Paradigme, signature, archéologie, les armes de Giorgio Agamben pour expliquer le présent.

CATHERINE HALPERN QUOTIDIEN : jeudi 3 juillet 2008 Giorgio Agamben Signatura rerum. Sur la méthode Vrin, 144 pp., 10 euros.

On la voudrait première, faite de règles et deprincipes rigoureux pour asseoir une fois pour toutes les analyses.Mais la méthode ne vient peut-être qu'à la fin, une fois menél'essentiel de la recherche. C'est fort de cette conviction que lephilosophe Giorgio Agamben réfléchit la sienne dans Signatura rerum, qu'il présente comme des «pensées en quelque sorte dernières ou avant-dernières».Une réflexion méthodologique importante pour éclairer une oeuvre placéesous le patronage de Michel Foucault, auquel le philosophe italien aemprunté une part de son appareillage conceptuel.

«Vie nue». Signatura rerum prend la forme d'un triptyque autour de troisconcepts : le paradigme, la signature, l'archéologie. Centraux, lesparadigmes que met à jour Agamben n'ont pas une vocation simplementhistorique, ils entendent éclairer une réalité politique présente.Quand le philosophe italien fait du camp de concentration le paradigmebiopolitique de l'Occident, ou de l'état d'exception le paradigme dugouvernement, il n'entend pas donner une explication historique de lamodernité, exhiber une cause ou une origine. Le paradigme vise à «rendre intelligible une série de phénomènes, dont la parenté avait échappé ou pouvait échapper au regard de l'historien».Il est un objet à la fois singulier et exemplaire qui éclaire unensemble tout en le constituant. La connaissance que le paradigmeprocure fonctionne de manière analogique, donnant à comprendre lesingulier par le singulier.

Pour autant, précise Agamben, il n'est pas une simple constructionintellectuelle, il s'enracine dans la nature des choses. Nulle partpeut-être plus que dans le camp de concentration, ce no man's land oùl'humain est réduit à sa vie biologique, a été rendue visible la «vie nue»,devenue sujet du pouvoir. Car le camp de concentration n'éclaire passeulement les camps de réfugiés ou Guantanamo : il donne à voir letriomphe de la biopolitique aujourd'hui, la politisation de la vie dansnos Etats modernes.

Giorgio Agamben partage avec Michel Foucault le même souci duprésent : sa réflexion plonge dans l'histoire, certes, mais toujourspour comprendre un ici et un maintenant qui dérobe son vrai visage. L'«archéologie philosophique» ne recherche pas l'origine, mais le «point de surgissement» d'un phénomène. Elle permet en réalité «d'accéder pour la première fois au présent». «L'archè vers laquelle recule l'archéologie ne doit être aucunemententendue comme un donné localisable dans une chronologie […] ; elle estplutôt une force agissante dans l'histoire.» Ainsi, l'enfant dansla psychanalyse ne constitue-t-il pas un simple passé : il est ce quicontinue d'agir dans la vie psychique de l'adulte et de lui donnersens. L'indo-européen que les linguistes ont reconstitué à partir decomparaisons renvoie-t-il à une langue ayant existé en tant que telledans le passé ? Il apparaît plutôt comme un «algorithme» établissant un système de correspondances entre les langues historiques ; il opère en elles au présent.

Détails insignifiants. La recherche d'Agamben frappe par lesétonnants rapprochements auxquels elle procède. Sa réflexion sur lasignature établit ainsi de subtiles passerelles. Pour Paracelse, toutesles choses ont en elles un signe qui révèle leurs qualitésessentielles. Les ramifications des cornes de cerf ou de la vachemontrent l'âge ou le nombre de leurs petits ; les pignons dont la formeest celle des dents en soulagent les douleurs. Si la théorie de lasignature de la Renaissance imprime sa marque à la magie, la médecine,l'astrologie ou même la théologie, elle permet aussi d'éclairerd'autres méthodes. Celle de Giovanni Morelli qui, pour l'attributiondes peintures, aimait à se focaliser sur les détails insignifiants,tels les lobes des oreilles ou les orteils, parce que le contrôle del'artiste se relâche alors. Celle de Sherlock Holmes traquant lesindices les plus ténus et négligeables. Et même celle de Sigmund Freuds'attachant aux lapsus, aux petits gestes inconscients et dédaignés. Lesigne porte toujours une signature. Il n'y a pas de signe pur, nonmarqué. Une conception que l'on retrouve au coeur de l'archéologiefoucaldienne, elle aussi attentive au rebut, aux détails, auxdéviations.

«La méthode partage avec la logique l'impossibilité d'être totalement séparée du contexte dans lequel elle opère», soutient Agamben. Celle qu'il nous offre dans Signatura rerum apparaît en action, à travers les lectures érudites et les interprétations audacieuses qui la nourrissent."