France-Russie : Intellectuels, pouvoir et littérature aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles
Le colloque se déroulera à la Maison de la Recherche de l'université Paris Sorbonne, 28 rue Serpente, 75006 Paris.
Argumentaire
De Pierre le Grand à Catherine II, le XVIIIe siècle voit l'émergence de la Russie dans le concert des nations européennes. C'est le point de départ d'une fascination destinée à perdurer dans les milieux intellectuels français, et nombreux sont les intermédiaires culturels et les passeurs linguistiques ou politiques qui nourrissent cette fascination parfois ambivalente : Russes en occident, Français à Saint-Pétersbourg ou à Moscou. La Russie tsariste, l'Union Soviétique puis la Russie contemporaine, pays neufs à plus d'un titre, attirent voyageurs, écrivains et philosophes français, tandis que la France accueille un certain nombre d'exilés russes, médiateurs d'une image contrastée de la Russie auprès des intellectuels français. Si Catherine II joue à l'évidence la carte des écrivains et des artistes pour acquérir une légitimité européenne, entretenant chez un Voltaire, un d'Alembert ou un Diderot l'illusion d'une influence possible dans le jeu politique, deux siècles plus tard, les voyages en Union soviétique, qu'ils soient le fait d'écrivains comme Barbusse, Gide, Céline, Sartre, ou d'anonymes récompensés par le parti communiste, témoignent à l'envi de l'ambiguïté des relations entre les intellectuels français et le pouvoir soviétique, ambiguïté qui s'accentuera au milieu du XXe siècle. Outre les images pittoresques de cet ailleurs lointain, et donc exotique, voire utopique, que rapportent les voyageurs, ce sont les caractéristiques politiques et sociales de ce pays, et plus précisément la nature du pouvoir politique qui font l'objet d'un questionnement portant sur la place et le rôle de la Russie et de l'URSS en occident, questionnement se doublant au XXe siècle de réflexions sur la notion de révolution appliquée à la littérature. Dès le XIXe siècle en effet, la référence à la Russie, fonctionne dans le champ intellectuel français comme un facteur de positionnement, un marqueur idéologique, parfois même, et c'est peut-être là une des spécificités du XIXe siècle, un moyen pour les auteurs de penser leur orientation politique et esthétique, que viennent nourrir, par ailleurs, les voix des exilés politiques (Herzen, Bakounine, Sarraute, Soljenitsyne entre autres) qui contribuent à peser, voire à infléchir la vision des intellectuels français.
Il s'agit donc dans ce colloque qui se déroulera en deux temps, à Paris puis à Moscou, d'interroger les relations intellectuelles de la France à la Russie, du XVIIIe siècle au XXe siècle, à partir de l'angle particulier que propose la question du pouvoir politique, et de la figuration de celui-ci qu'en donnent les lettres françaises et les correspondances entre les auteurs français et russes.
Programme
Jeudi 25 novembre
Matinée
9 h 30 Georges Molinié, président de l'Université Paris Sorbonne : Ouverture du colloque
9 h 45 Pierre Frantz et Didier Alexandre (Université Paris Sorbonne) : Introduction
Pouvoir et figures du souverain
10 h Maria Neklyudova (Université d'État des sciences humaines, Moscou)
« Un conflit intellectuel, un conflit de pouvoir : Voltaire vs La Beaumelle »
10 h 30 Sergey Zanin (Université régionale de Samara)
« Mercier de la Rivière et Catherine II ».
11 h Pause
11 h 30 Elena Gretchanaia (Institut de littérature mondiale, Moscou)
« Le face-à-face avec le pouvoir et le mythe personnel dans les Mémoires de Catherine II »
12 h Discussion
Après-midi
Dissidence et engagement
14 h 30 Serge Fokine (Université de l'économie et des finances de Saint-Pétersbourg)
« Un Russe de trop à Paris en l'an 1848 : Nicolai Sazonoff au miroir des écrits de ses contemporains
(Annenkoff, Herzen, Marx) »
15 h Ekaterina Dmitrieva (Université d'État des sciences humaines, Moscou)
« Le libertinage russe : entre art de vivre, littérature et politique »
15 h 30 Pause
16 h Elena Galtsova (Université d'État des sciences humaines, Moscou)
« Images des souverains chez les futuristes russes et les dadaïstes français »
16 h 30 Michel Murat (Université Paris-Sorbonne Paris IV)
« Les surréalistes et "Moscou la gâteuse" : un jeu de dupes ? »
17 h Discussion
Vendredi 26 novembre
Matinée
Voyages en Russie
9 h 30 Claude De Grève (Université Paris-X-Nanterre)
« La Police comme instrument privilégié du pouvoir tsariste : sa représentation par quelques "voyageurs-écrivains" du XIXe siècle (Custine, Marmier, Olympe Audouard) ».
10 h Vera Miltchina (Université d'État des sciences humaines, Moscou)
« "Telles sont les circonstances d'où peut dépendre le sort d'un homme en Russie" : commentaire d'une page de La Russie en 1839 de Custine ».
10 h 30 Pause
11 h Olivier Kachler (Université de Picardie Jules-Verne)
« Voyages en URSS (1936-1986) : quels déplacements pour la littérature (André Gide, Claude Simon) ? »
11 h 30 Karen Haddad-Wotling (Université Paris-X-Nanterre)
« Claude Simon et les Russes : une écriture dissidente ? »
12 h Didier Alexandre (Université Paris Sorbonne)
« Henri Massis et Thierry Maulnier »
12 h 30 Discussion
Après-midi
Fictions de la Russie
14 h 30 Serge Zenkine (Université d'État des Sciences Humaines, Moscou)
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« La formation du thème “ intellectuel et pouvoir ” chez Gérard de Nerval »
15 h Sylvie L'Hermitte-Howlett (CPGE, Paris)
« Dostoïevski, le "regard-pilote" de Malraux sur les écrivains soviétiques (1934-1935) »
15 h 30 Pause
16 h Anne-Gaëlle Robineau-Weber (Université d'Artois)
« Le roman de l'histoire politique russe selon Jules Verne »
16 h 30 Christophe Pradeau (Université Paris Sorbonne)
« Le voyage en Russie dans Les Hommes de bonne volonté »
17 h Discussion
Samedi 27 novembre
Le « génie slave »
10 h Marion Moreau (Université Paris Sorbonne)
« Entre "puissance conservatrice" et "génie slave" : la Russie dans la Revue des Deux Mondes (1850-1860) »
10 h 30 Jean-Louis Backès (Université Paris Sorbonne)
« "Aurons-nous toujours un tsar ?" La politique dans le Roman russe d'Eugène-Melchior de Vogüé »
11 h Pierre Masson (Université de Nantes)
« André Gide en quête d'un paradis »
11 h 30 Discussion
12 h Clôture du colloque
Organisateurs : Didier Alexandre, Pierre Frantz, Anne Ducrey, Marion Moreau