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Fin de série

Fin de série

Publié le par Marc Escola (Source : Revue Proteus)

Que produisent les séries dites « artistiques » ? C'est-à-dire, que laissent-elles derrières elles ? Ces questions doivent nous amener à adopter un point de vue qui se situerait à l'endroit où la fabrication sérielle a cessé de produire : sa fin, définitive et effective. Depuis cet endroit, qui peut tout à la fois être l'endroit d'un accomplissement, d'une apothéose, comme celui d'un accident ou d'un évanouissement, nous pouvons adopter deux points de vue : voir quelle œuvre a été produite, mais aussi voir ce qu'elle a laissé derrière elle, après elle.

Aussi le terme « série » ne doit-il pas tromper sur ce qu'il désigne ici réellement : non pas les seules séries télévisées, ni non plus les seules sagas cinématographiques, qu'elles soient nommément identifiées comme franchise (Indiana Jones, Spiderman etc.) ou non (les films de François Truffaut consacrés au personnages Antoine Doinel). Dans le champ audiovisuel, il semble se dégager deux acceptions du terme « série » :

Il y aurait d'une part les œuvres segmentées (par épisodes, par films) dont chaque morceau participerait, sinon s'ajouterait à un ensemble donné comme entier (qu'il soit fini ou inachevé, accompli ou interrompu). Rentrent dans cette catégorie aussi bien les séries télés de toutes sortes, les sagas cinématographiques ou les séries thématiques au cinéma (par exemple, les contes moraux d'Eric Rohmer).

Il y aurait d'autre part ces ensembles que forment certaines œuvres audiovisuelles créées séparément. On a tendance à parler d'une série de films pour désigner des films partageant au même moment des caractéristiques saillantes et évidentes (les films d'horreurs fonctionnent exemplairement dans un tel mode cyclique, qui produit des slashers en séries, puis des films de fantômes, puis du torture-porn etc.). La cohérence de ces séries n'est alors pas une cohérence d'auteur(s), ni même de producteur(s) : elle est celle d'une mode faisant le pivot entre l'art et l'industrie.

Avec recul, ces deux acceptions de la série ne sont pas séparées l'une de l'autre. Au contraire, elles s'imbriquent, se confondent, se dynamisent. Surtout, elles permettent de considérer que la série est aussi bien un processus de type industriel qu'une création artistique, une œuvre d'art. Les deux fonctionnent (ou, du point de la fin de la série, ont fonctionné) ensemble, l'un avec l'autre, l'un dans l'autre.

De manière emblématique, c'est sur cette dualité que se construisent des séries comme Breaking Bad, qui met côte à côte la production massive de narcotiques et le destin d'un homme en pleine fuite en avant, ou l’œuvre de Ryan Murphy (Nip/Tuck ; Glee : American Horror Story) qui s'amuse de la reproduction et de la duplication à la chaîne des standards. Un tel exemple d'œuvre sérielle mettant en scène un processus de production n'est pas isolé : le format de la série permet un commentaire au sujet de celle-ci.

De l'héritage au déchet, du patrimoine à la pollution, la distinction n'a d'intérêt que pour sa tendance à révéler les limites de la tradition. Quand Jeff Koons expose à Versailles, la démarche artistique réside presque moins dans l’œuvre elle-même que dans le choix du lieu d'exposition : la rupture stylistique manifeste à la fois la désuétude de l'art d'une époque révolue, et le fait que ses normes sont entre-temps devenues canon.

C'est ainsi dans l'examen de séries achevées que l'objet de culte se révèle : le legs retenu au niveau populaire (trope, mème) relevant de la citation, prenant parfois l'importance d'un proverbe, est d'une ampleur anecdotique par rapport au contenu examiné par le spécialiste. Survivance du motif, évanouissement du propos ; une fois achevées les séries d’œuvres ne laissent-elles, comme les vies d'hommes, que des souvenirs diffus et disparates dont la quintessence est à jamais perdue ? La constante réécriture de l'Histoire et du présent ne permet, certes, jamais d'asseoir une seule interprétation sur les œuvres. Mais d'hier à aujourd'hui, le sous-texte parfois obscur fait souvent surface de manière inattendue. Le non-dit devient explicite.

Exemples de sujets :

  • Œuvre versus patrimoine

  • La chute et ses chutes

  • Fin de série et sortie de chaîne

  • Spin-off et recyclage

  • Déclin et déclinaisons

  • Accomplissement / annulation

  • Quid de la fin inopinée ?

 

Nous attendons des propositions d'une page environ avant le 25 février 2015, en pièce-jointe anonyme, à l'adresse contact@revue-proteus.com, accompagnées d'une courte notice biographique dans le corps de l'e-mail.