Questions de société

"Fillon, Darcos et Dati visitent un lycée parisien sous les huées" (Libération, 2/6/8).

Publié le par Marc Escola

 

"Fillon, Darcos et Dati visitent un lycée parisien sous les huées" (Libération, 2/6/8).

Au départ, un trio ministériel qui se rend au lycée Paul-Bert pour un échange sur le thème de la drogue. A l'arrivée, une belle cohue et trois élèves interpellés.

À leur arrivée au lycée ce matin, les élèves de Paul-Bert, à Paris, savent vaguement qu'ils auront droit à une visite ministérielle. Un Premier ministre et deux ministres d'un coup en fait, François Fillon, Xavier Darcos (Education) et Rachida Dati (Justice) ayant choisi ce lycée du XIVe arrondissement pour un échange avec quelques enseignants, élèves et parents sur le thème de la prévention contre la drogue en milieu scolaire.

Provocation

Mais à 8h30, avant même l'arrivée des ministres, lycéens et collégiens se heurtent à un important cordon de CRS qui les refoule au bout de la rue. La tension monte, les élèves se retrouvent encerclés. Les plus mobilisés lancent des œufs et distribuent des tracts «Madame et Messieurs les ministres vous n'êtes pas les bienvenus». Trois jeunes sont plaqués au sol et interpellés. Problème: deux d'entre eux devaient passer les épreuves du bac l'après-midi même.

Selon une source policière, un officier de gendarmerie a été «sérieusement blessé à la main» lors de la bousculade et l'un des lycéens portait une arme blanche. «Sur les trois élèves emmenés au poste, l'un était certes agité mais les deux autres essayaient au contraire de ramener le calme», plaide une prof de maths. Son collègue, une pancarte appelant à «sauver l'éducation» épinglée sur le T-shirt, s'énerve: «Ce qui s'est passé était prévisible, Paul-Bert a toujours été parmi les lycées les plus mobilisés. Que les ministres se permettent une visite de prestige alors qu'on a 17 heures par semaine qui sautent à la rentrée, qu'on ne cesse de réclamer des moyens, c'est de la provocation.»

Comité d'accueil

Dans la rue, les lycéens partagent cet avis: «Pourquoi ils décident de venir dans notre bahut alors qu'ils savent qu'ici on est les premiers à mettre le bordel, à faire des blocus et tout? On peut même pas aller en cours ce matin, une fois de plus on va finir au bistrot», commente une élève de 1ère. Ce qui a le don d'énerver la mère d'un élève, adhérente FCPE: «Les ministres viennent nous parler de prévention alors que le lycée n'a même pas de foyer pour accueillir les élèves entre les cours. Résultat, ils traînent sur le trottoir ou au café du coin.»

Au bout d'une heure, Fillon, Dati et Darcos quittent l'établissement sous les huées. Commentaire du Premier ministre: «C'est assez habituel pour moi qui ait été ministre de l'Education d'avoir des comités d'accueil. La police est là pour faire régner l'ordre, les manifestations ne sont pas une façon de régler les sujets.» Les quelques élèves ayant participé à l'entrevue sont finalement les seuls à ressortir avec le sourire, ravis d'avoir pu «parler directement avec des ministres».

Lundi le lycée est resté fermé sauf pour les conseils de classe. Les épreuves du bac sont reportées au lundi suivant. Quant aux trois lycéens interpellés, ils ont été remis en liberté dans l'après-midi, leur dossier a été transmis au parquet.