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Figures marionnettiques, figures plastiques :Dispositifs, corps, objets (Arras)

Figures marionnettiques, figures plastiques :Dispositifs, corps, objets (Arras)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Marie Garré Nicoara)

APPEL À COMMUNICATIONS

Figures marionnettiques, figures plastiques :

Dispositifs, corps, objets

UNIVERSITÉ D’ARTOIS

Laboratoire Textes et Cultures EA 4028 – Équipe interne Praxis et Esthétique des Arts

Journée d’étude organisée par

Julie POSTEL, Marie GARRÉ NICOARA et Amos FERGOMBÉ

17 octobre 2017

 

La journée d’étude s’inscrit dans les axes de recherche privilégiés de l'équipe Praxis et esthétique des arts, que sont les enjeux du corps, de la figure et de la représentation. L'objectif est d'examiner, aussi bien dans les œuvres littéraires et artistiques, les modalités de la figuration, ceux de l’incarnation du vivant – ou de ses avatars dans les arts scéniques et visuels. Ces approches portent sur l’échafaudage du vivant et questionnent des protocoles d'écriture, de simulacre ou de reconfiguration du vivant dans les expériences scéniques et artistiques contemporaines. L’art de la marionnette constitue le lieu par excellence d'un tel dess(e)in de la figure.

La présence de la figure dans les arts de la marionnette met, en effet, en crise l’approche de la visibilité. La figure, au sens physique et concret, n’a cessé d’être remise en cause dans sa matérialité dans les expériences et les démarches artistiques contemporaines porteuses de nouvelles approches de corporéité. Le mode d’instauration de la figure par des artistes contemporains ouvre la voie à une reconsidération du principe d’incarnation, que la philosophe Marie-José Mondzain définit comme le « devenir image de l’infigurable ». Si la marionnette est incarnation, c’est précisément parce qu’elle opère comme lieu de dépassement de la figure, mettant en lumière cette autre définition de Jean-Marie Pradier, à savoir, « les façons dont les individus donnent vie aux immatériaux mentaux par une action physique volontaire, organisée, souvent codifiée. »

Cette journée s’intéressera à la manière dont se façonne et se dessine la figure. Comment une telle figure définie par sa plasticité et sa matérialité opère comme présence du vivant et se révèle porteuse d’une certaine transcendance ? Interroger la marionnette impose de de  s’intéresser aux dispositifs instaurateurs de présence, à la relation entre corps, objets et figures.

Inscrite dans le processus de création et de représentation, la figure plastique apparaît comme corps opaque ou translucide, labile ou flottant, matière brute, livrant des états ou des effets de présence, une inscription dans le rituel de la représentation, trace des figures marionnettiques, un dessein humain.

Corps, objets, dispositifs

Il s’agira d’examiner la matérialité de ces formes, dans les cas d’expériences centrées sur une interaction entre le vivant et la matière, (dans les performances où le corps de l’artiste est aux prises avec l’objet, chez Johann Le Guillerm, Claude Cattelain, ou Pierre Meunier, notamment) ou de penser la matérialité même du dispositif (que l’espace soit animé, ou que les corps mis en scène soient plastiquement indissociables des dispositifs dans lesquels ils s’instaurent comme chez Philippe Genty ou les Anges au plafond).

Conçus souvent comme des espaces relationnels, ces dispositifs mettent en jeu plusieurs modalités de la relation et posent l’interaction comme fondamentale, qu’elle soit d’un corps à un autre, d’un corps à un objet, à une matière, à une image. Enfin, pour penser ces dispositifs, il sera pertinent d’analyser la manipulation du regard spectateur, les troubles des frontières entre corps, objet, et matière.

Le corps de l’interprète ou du performer peut, lui-même, être envisagé dans sa matérialité (mise à l’épreuve de l’élasticité chez Alexander Vantournhout, recherches sur des états de corps proches de la pierre chez Nathalie Pernette pour La figure du gisant (2015)), posé comme désincarné comme chez Gisèle Vienne, dans une tension entre opacité et béance de l’enveloppe corporelle, ou envisagé comme une figure d’art au sens d’Oskar Schlemmer (Dragging the bone, Miet Warlop (2014)). Il peut aussi se faire dispositif, surface à partir de laquelle émergent les figures. On pense à la performance Transfiguration (1999) d’Olivier de Sagazan.

Dans Maniacs (2015) d’Ulrike Quade, mettant en scène un interprète et une love doll japonaise, il s’agit de faire porter le regard non sur l’objet poupée mais sur la relation qui lie l’humain à cet objet au statut trouble. Ces formes au croisement de la représentation et du geste plastique s’élaborent selon des modalités relationnelles multiples, labiles, faisant intervenir gestes de monstration, d’exposition, gestes techniques de déplacement des poupées (Danse macabre (2004), Michel Nedjar et Allen Weiss) et gestes de création.

Cette interaction pose aussi ces espaces comme ceux d’une circulation : qu’elle soit de la présence, de l’adresse, d’un mouvement, de la parole, comment est-elle rendue possible ?

A cette circulation, s’oppose parfois un travail sur la fixité des figures : techniques d'animation immobile qui reposent sur une manipulation du regard spectateur lui permettant de s'imaginer des figures vivantes à l'endroit où des acteurs circulent simplement aux côtés de sculptures inertes, sans contact avec elles et prononçant parfois des textes dans un geste de “délégation” (François Lazaro) de la voix (voir par exemple, la création 54x13 (2014) du Morbus Théâtre) sans jamais que l'animation marionnettique ne passe par une forme de manipulation traditionnelle. Aussi conviendra-t-il de questionner comment les dispositifs de l'installation viennent renouveler les formes de présentation de marionnettes. Comment penser les notions de frontalité, de parcours du spectateur dans ces formes ?

Traces de présence

Il sera intéressant de questionner la façon dont certains plasticiens attentifs à l'articulation entre corps, objets et dispositifs, travaillent à l'émergence de figures à partir de leurs sculptures (ou leurs mobiles), c'est-à-dire comment leurs œuvres, lieu de frictions entre corps humains et objets, mettent le spectateur face à des présences, palpables et captivantes quoique fragiles et illusoires. L'évanescence d'une apparition, telle que celles construites par les jeux de reflets des sculptures de Markus Raetz ou par les ombres des sculptures de Mac Adams ou de Boltanski (Ombres, 1986) n'est pas sans rappeler certaines propositions de la compagnie Amoros et Augustin ou des Rémouleurs, qui travaillent avec des images en perpétuelle évolution.

Outre ces apparitions de figures immatérielles, une forme de « vie lancinante » – pour reprendre l'expression de Didier Plassard - naît également de la discontinuité et de la fragmentation dans le temps : discontinuité d'un mouvement, d'un clignotement de lumière, d'une vibration sonore. Que l'on pense aux jeux de lumière dans Des Hurlements montaient le long des saules pleureurs (Clastic Théâtre, 2014) qui donnent au spectateur l'illusion d'être face à des machines de forge en activité ou, dans le champ des arts plastiques, à l'installation de Wendy Jacob, qui par un simple mouvement de dilatation et dégonflement d'un ballon d'air fait croire à une présence humaine, échouée sous un drap posé au sol. Même lorsque l'on s'éloigne de tout anthropomorphisme, comme c'est le cas par exemple avec les installations de Zimoun, Mécaniques remontées (exposées au Centquatre en 2017), le mouvement perpétuel et aléatoire de formes géométriques parvient à provoquer une forme d'émerveillement ou d'empathie qui tient à l'identification d'humain dans du non-humain.

Cette reconnaissance d'une trace d'humain peut reposer sur une illusion sensorielle ou sur une imitation du vivant – comme c'est le cas avec le courant des marionnettes hyperréalistes mais elle peut également être de l'ordre du mémoriel, d'une esthétique de la trace. Les fragments de corps (cils, poils ou membres sculptés) intégrés aux œuvres de Giuseppe Penone travaillent à la fois sur la mise en scène du fragment (comme ruine d'un corps intègre et entier disparu ou comme germe pour un corps à inventer) et sur l'empreinte comme mise en évidence d'un corps (qui serait) passé.

Si cette présence en puissance n'acquiert une dimension spectaculaire que si elle intègre une part d'imprévisibilité, qu'il s'agit parfois de faire entrer en tension avec la part de mécanique ou de programmation d'une installation d'automates comme c'est le cas dans les œuvres de Gilbert Peyre, une autre temporalité est à définir : la révélation de cette trace à l'observateur / spectateur requiert la mise en place d'un rituel. Comment l’entrée même du spectateur dans les dispositifs est-elle pensée pour permettre ce rituel ?

De manière non exhaustive, quelques interrogations pourront être soulevées au cours de cette journée :

Comment caractériser le type de présences émergeant de dispositifs plastiques qui ne convoquent pas directement d'humains ?     Par ailleurs, quel peut être le rôle de l'humain dans des dispositifs explorant des formes d'animation immobile ? Dans ce travail, quelle place et quelle fonction occupe le corps humain aux côtés des objets et de matériaux ? Comment interagit-il avec eux ? Quid de l'adresse au spectateur dans ce type de dispositif ? Quel est le rôle du regardeur dans l'émergence – voire la détection – de ces traces de présence ?

Les propositions de communication, accompagnées d’un résumé de 250-350 mots et d’une bio-bliographie, sont à envoyer avant le 31 juillet 2017 à : praxisartois@gmail.com

Les communications seront d’une durée de 20 mn.