Essai
Nouvelle parution
Figures de l'acteur. Le Paradoxe du comédien

Figures de l'acteur. Le Paradoxe du comédien

Publié le par Thomas Parisot

Titre  : Figures de l'acteur. Le Paradoxe du comédien - Collection Lambert en Avignon
Auteur  : Eric Mézil, Collectif  
Paru le  : 01/07/2006
Editeur  : GALLIMARD 
Isbn  : 2-07-011867-3
Prix éditeur  : 30,00 euros

Commissaire de l'exposition
Éric Mézil

En écho à la soixantième édition du Festival de théâtre, la Collection Lambert en Avignon propose une exposition d'été sur le portrait et l'image de l'acteur intitulée Le paradoxe du comédien, les figures de l'acteur , en référence au célèbre texte de Diderot sur l'art de jouer au théâtre. Cette 
exposition viendra renforcer la volonté du festival d'ancrer sa programmation 
dans l'art contemporain et la Collection Lambert de se frotter à l'univers du 
théâtre.

Dans la lignée de ces expositions à dimension historique, telle “ Collections 
d'artistes ” à l'été 2001, Le paradoxe du comédien, les figures de l'acteur 
mettra en exergue quatre siècles de création théâtrale à travers plus de 400 
oeuvres. Cette mise en abîme historique constituera le coeur de cette 
exposition qui, sans se vouloir ni exhaustive ni chronologique, dévoilera 
l'évolution des représentations de l'acteur, son jeu, ses postures, ses 
costumes de scène, mais aussi son rôle social : de la courtisane au plus 
proche conseiller du prince, de l'admiration à la consécration, de 
l'exemplarité unanime à la caricature ironique ou enfin au modèle à suivre 
pour des générations…

Cette exposition a été rendue possible grâce à deux partenariats d'exception, 
la Comédie-Française qui accorde un ensemble de prêts rares et le Département 
des arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France qui présente des 
pages d'histoire théâtrale prestigieuses. Le point de départ de cette 
exposition est ancré dans une série de photographies de Roni Horn inédite en 
France où l'artiste américaine a demandé à Isabelle Huppert, lors de 
différentes séances de pose, de réincarner ses grands rôles suggérés 
uniquement à travers son visage et son expressivité, là Médée, ici Madame 
Bovary, ou encore la Dentellière, Orlando, la Pianiste… 

En miroir, sera présentée une série d'oeuvres japonaises d'acteurs de la fin 
du XVIIIe où les grands maîtres d'estampes parvenaient, par la rapidité 
obligée du geste et la technique de l'encre de Chine sur papier de riz, à 
restituer l'attitude des comédiens du théâtre Kabuki. Avec l'encre et le 
pinceau pour les artistes nippons ou l'appareil photographique pour l'artiste 
américaine, préside chaque fois l'intention de figer l'expression, la 
vitalité du comédien et l'essence de l'acteur incarnant un rôle, la catharsis 
opérée entre lui devenu l'Autre et le spectateur souvent médusé, pris dans un 
état d'identification immédiat. 

Si ce type de confrontation esthétique est au coeur du dispositif de cette 
exposition, les grandes écoles, tendances ou périodes phares du théâtre 
seront abordées de façon originale : la tragédie et la comédie, le théâtre 
classique ou romantique, expressionniste ou absurde. Les trois coups d'envoi 
de ce spectacle seront frappés dès l'arrivée des visiteurs, à l'extérieur du 
musée, avec la rue pavoisée de grands drapeaux hissant les figures du théâtre 
des années 50 à aujourd'hui. Une première salle obscure sera consacrée au 
7ème art, où, à travers des extraits de films, Preminger et Casavettes, 
Truffaut et Lubitsch, Téchiné et Lars Von Trier, mettront en scène avec 
émotion le trac ou la coquetterie, la peur ou la consécration des acteurs 
filmés sur scène, en coulisses ou dans leur loge.

Ensuite, en référence au texte fondateur de Nietzsche sur la naissance de la 
tragédie grecque, un très long passage de transition retracera avec une 
trentaine de clichés photographiques du XIXe siècle une approche quasi 
mythologique de la genèse de l'art de la scène. Des acteurs parfois oubliés 
seront offerts au regard avec des corps extatiques, quasiment nus puis drapés 
de toge et tressés de lauriers, les visages transfigurés, les pauses 
marquées, en référence aux sources des premiers textes grecs : Albert-Lambert 
en Polyphème, Segond-Weber dans Les Burgraves, Jeanne Samary en Amphitryon, 
Julia Bartet en Andromaque, De Max en Néron, Pierre Fresnay dans Polynice… 

Les combles du musée seront transformés en coulisses de l'histoire du théâtre 
avec des alcôves consacrées à la Comedia Dell'arte, à Molière et sa troupe, 
au théâtre ambulant avec le Mime Debureau et Frédérick Lemaître qui tous deux 
inspirèrent Carné et ses Enfants du Paradis, et encore à la naissance du 
Festival d'Avignon avec Jean Vilar, Gérard Philipe et Maria Casarès. Une 
galerie des bustes reprendra l'image noble et élégante des salons, foyers et 
autres accès aux loges de la Comédie-Française : Madeleine Roch, Coquelin 
l'Aîné, Mademoiselle Mars… D'autres salles mettront davantage l'accent sur 
des regroupements par figures d'une même époque ou d'un genre théâtral 
particulier. Ce parcours permettra ainsi de découvrir ou redécouvrir les 
grands noms du théâtre français, de Melle Clairon à Melle Georges, de Talma à 
Mounet-Sully, d'Adrienne Lecouvreur à Rachel, de Madeleine Renaud à Catherine 
Samie, de Louis Jouvet à Denis Podalydès… La divine Sarah Bernhardt sera 
consacrée avec une attention particulière, à l'image de son éternelle aura, à 
travers un ensemble rare de tableaux, sculptures, oeuvres sur papier, objets 
personnels, cadeaux des plus grands, Clairin, Lalique, Mucha, de 
photographies et de documents sonores parfois inédits… 

À ces monstres sacrés correspondent des artistes tout aussi prestigieux. La 
Collection Lambert n'avait jamais eu l'opportunité auparavant d'associer tant 
de chef-d'oeuvres en ses lieux, de Delacroix à Van Dongen, de David d'Angers 
à Renoir, de Géricault à Daumier, de Picasso à Saura, de Brassaï à Warhol… La 
liste des artistes contemporains associés aujourd'hui à l'univers des acteurs 
devenus stars, Jeanne Moreau et Catherine Deneuve ou encore Angelina Jolie et 
Nicole Kidman est tout aussi impressionnante avec des vidéos de Candice 
Breitz, des photographies de Sam Taylor-Wood, de Douglas Gordon ou de Vik 
Muniz, des installations de Catherine Sullivan ou de Francesco Vezzoli. 
Toutes ces oeuvres contemporaines auront le double mérite de n'avoir, pour la 
plupart, jamais encore été présentées en France. 

Comme dans le drame antique, les dernières salles du musée seront consacrées 
au choeur des pleurs et au crépuscule des idoles, de la mort fictive sur 
scène (Hamlet, La Dame aux Camélias, La Voix humaine…) à celle réelle de 
l'acteur, de la fosse commune pour Molière à la représentation funéraire 
sublime de Talma et au deuil quasi national pour Sarah Bernhardt. Le fil de 
l'histoire sera une fois de plus tiré avec les émois planétaires des décès 
tragiques de James Dean ou de Marilyn, peinte post-mortem par Yan Pei-Ming, 
figures allégoriques de notre temps avec ses accidents violents et ses 
suicides inexpliqués… 

Un catalogue richement illustré sera publié avec les Éditions Gallimard sous 
la direction d'Éric Mézil. Des textes très différents donneront des 
éclairages historiques ou quasi sociologiques avec d'importantes recherches 
réalisées autour d'essais écrits par les acteurs eux-mêmes, de Melle Clairon 
à Talma, de Sarah Bernhardt à Sacha Guitry, de Roger Blain à Denis Podalydès. 
Joël Huthwohl, conservateur de la Comédie-Française, abordera l'histoire de 
la représentation des acteurs. Enzo Cormann offrira un regard très personnel 
d'homme de théâtre.