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Figuration, dramatisation et point de vue de l’enfant dans les écritures théâtrales contemporaines.

Figuration, dramatisation et point de vue de l’enfant dans les écritures théâtrales contemporaines.

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Sandrine Le Pors)

Figuration, dramatisation et point de vue de l’enfant dans les écritures théâtrales contemporaines.

 

Journée d’étude organisée par Sandrine Le Pors

20 novembre 2012, Université d'Artois, EA 4028 Textes et Cultures

 

Appel à communication

 

« Dès qu’on est – ou qu’on se croit – regardé, on lève les yeux », écrivait Walter Benjamin. C’est cet enfant qui nous regarde et qui, d’une manière ou d’une autre toujours regarde le plateau de théâtre, que nous voyons surgir, de multiples façons, dans les écritures théâtrales modernes et contemporaines. Parfois même, le regard de l’enfant est tel qu’il se trouve susceptible d’orienter le drame, de le maintenir ou de le tenir (comme on tient quelqu’un ou quelque chose sous pression). Le phénomène vaut quand l’enfant est (l’) absent du drame, qu’il soit manquant, fantasmé ou mort (aussi bien réellement qu’affectivement). Déjà, dans Le petit Eyolf de l’auteur norvégien Henrik Ibsen, Eyolf, le petit handicapé de neuf ans, fils d’Alfred et de Rita, disparu dès la fin du premier acte, et dont il ne restera après sa noyade que sa béquille flottant à la surface du fjord, n’en finira pas, depuis les profondeurs, de fixer ses parents de ses « yeux grand ouverts » comme si c’était précisément depuis son regard et dans son regard que se jouait ou se rejouerait le drame.

 

Cette journée d’étude se propose d’étudier les modalités de figuration et de dramatisation de l’enfant dans des écritures théâtrales, d’examiner les écritures dramatiques faites du point de vue de l’enfant, de repérer les formes où ce point de vue soutient le partage des voix et devient vecteur de l’organisation du drame (ce qu’on pourrait appeler le « monodrame de l’enfant »).  Si les mises en perspective historiques, dramaturgiques et esthétiques de la figure de l’enfant au théâtre à travers les âges et les cultures sont souhaitables et sont les bienvenues, notre propos aura pour principal sujet d’étude l’enfant dans le théâtre moderne et contemporain – figure marginale (en dehors du répertoire jeune public), ne serait-ce que par la rareté de son apparition comme personnage agissant, mais qui ne cesse pour autant d’obséder un grand nombre de formes dramatiques et scéniques de notre temps.

 

Mais ce n’est pas au seul « personnage » de l’enfant que cette journée invite à réfléchir. Il s’agira également, surtout, de nous demander en quoi l’enfant – épique ou dramatique – est aussi un lieu d’écriture, une (coor)donnée du dire et du voir. Suivre le drame en emboîtant le pas de l’enfant, ce peut être en effet également – tant pour le lecteur-écoutant, le spectateur que l’acteur – entreprendre une traversée dans la langue et sur la langue (comme dans Septembres de Philippe Malone). Par cette focale de l’enfant qui insiste, fait retour – comme l’enfance, en nous, toujours revisitée, réinventée, ne cesse de faire retour –, c’est principalement en effet, la dramatisation des corps et des discours qui sera au coeur de notre réflexion collective ainsi que la question du point de vue (non seulement ce que l’enfant voit mais ce qu’il donne à voir).

 

Que l’enfant soit doté ou non de la parole (du nourrisson n’ayant pas encore accès au discours articulé, à l’enfant mutique, jusqu’à l’enfant à la parole ravalée, emprisonnée), qu’il soit vivant ou mort, voire pas encore né (Le Nom de Jon Fosse), qu’il soit en scène ou que, sans qu’on ne le voie ni l’entende, il soit l’objet (principal ou non) du discours, on observera d’abord ses modalités de convocation et de représentation. Celles-ci dépendent de facteurs multiples et prennent des contours variés, selon, par exemple, que l’enfant occupe une place centrale dans la fiction ou qu’agissant sur le spectateur tel le punctum décrit par Barthes, il s’apparente à un détail mais qui pointe et qui nous point.

 

Dans ce cadre, on s’intéressera tout particulièrement aux récits et aux images que l’enfant charrie avec lui, aux secrets enkystés dans la trame du drame qu’il voile ou qu’il dévoile, sur sa capacité à pointer, montrer, « monstrer » les dérèglements du monde, et du monde adulte en particulier, sur la manière dont son apparition (ou sa disparition) constitue ou non une injonction (intime, politique), un appel ou un rappel, son apostrophe fût-elle silencieuse.

 

Il s’agira enfin d’examiner en quoi l’enfant, oscillant entre enchantement et aporie – qu’il « déconditionne notre esprit de sérieux » (Sarrazac) pour nous faire renouer avec une forme d’ignorance salutaire ou qu’il renvoie à la « tâche enfantine» (Agamben) du théâtre, celle de regarder le monde quand bien même nous ne saurions pas dire encore ou nommer ce à quoi nous sommes confrontés – oriente et/ou modifie nos catégories de perception du monde et nos systèmes de représentation.

 

Surface à fantasmes, à rêves, à cauchemars ou à travestissement, on sera en chemin attentifs aux jeux que soutiennent son apparition (jeu d’imagination, jeu de rêve, jeu de deuil…) mais aussi aux processus de transgression, voire de provocation (l’enfant dans le théâtre de Rodrigo Garcia) et aux protocoles de simulacre (l’enfant dans le théâtre de Castellucci) ou de travestissement susceptibles de lui être associés (du masque de l’enfant posé sur le visage de l’adulte au masque de l’adulte posé sur le visage de l’enfant).

 

L’enjeu de cette journée d’étude n’est donc pas tant de décliner, sous la forme de motifs et variations, la thématique de l’enfant. Il s’agit bien davantage d’observer le théâtre depuis un seuil, celui de l’enfance, afin de dégager une dramaturgie de l’enfant dans les écritures théâtrales. On s’intéressera aux textes, sans exclure une ouverture de la réflexion vers les pratiques scéniques et/ou les écritures dites de plateau, mais sans non plus que les deux domaines – texte et scène – ne soient dissociés.

 

Nous proposons, de manière non exhaustive, les pistes de réflexion suivantes – toute porosité entre elles étant non seulement inévitable, mais souhaitée :

 

L’enfant et le drame

L’enfant dans le drame, le drame sous l’oeil de l’enfant.

Le « monodrame » de l’enfant.

L’enfant en scène.

L’enfant, objet du discours.

L’enfant, vecteur agissant du drame ; l’enfant, témoin du drame qui se joue.

Les clivages du personnage de l’enfant : épique et dramatique, rêveur et rêvé…

Le point de vue de l’enfant, le point de vue sur l’enfant.

L’enfant : personnage, figure ou motif.

L’enfant, lieu d’écriture : entre enchantement et aporie.

L’enfant : point d’horizon, point de fuite ou point d’origine du drame ? 

 

Figuration et dramatisation de l’enfant

L’enfant vivant, fantasmé, imaginaire, mort ou à venir.

L’enfant martyr, l’enfant sacrificiel, l’enfant tyran…

Modalités de présence et d’incarnation de l’enfant.

Modalités d’apparition et/ou de disparition de l’enfant.

Le nourrisson et les questions de représentation.

L’enfant-allogène : marginalités de l’enfant, son autre rapport au corps, son autre relation aux mots et au réel.

Le retour de l’enfant (du spectre, au retour de l’enfant devenu adulte, en passant par la hantise, l’image qui obsède).

L’enfant et les espaces d’apprentissage.

L’espace-temps de l’enfance.

L’enfant et la voix, l’enfant et l’innommable, l’in-fans.

L’enfant : ses effets sur les discours et sur les corps.  

L’enfant et ses avatars.

Processus de transgression, de travestissement, de simulacre de l’enfant et/ou renversements carnavalesques.

 

L’enfant et les « jeux de l’enfance »

L’enfant et le jeu de rêve.

L’enfant et le jeu de deuil.

Jeux d’ombre : figurations de l’absence de l’enfant, allégories…

L’enfant et le jeux de massacre : violence, mort, effondrement des discours ou des représentations.

Jeux de friction entre le personnage « enfant » et le personnage « adulte ».

Jeux d’adresse : adresses de l’enfant, adresses à l’enfant, adresses singulières, collectives et/ou incertaines.

Jeux d’énonciation : sujet d’écriture et enfance.

Processus de création et espace de l’enfance.

L’enfant et le travail des sensations, des perceptions.

L’enfant et notre rapport mnémonique au monde de l’enfance : scènes primitives, images premières… 

Processus de création et espace autobiographique.

 

Date limite de remise des propositions : le 27 septembre 2012.

Les propositions (entre 1000 et 1500 signes, espaces compris) comporteront un titre et un résumé ainsi que des mots-clés. Elles seront accompagnées d'une brève bio-bibliographie de l'auteur.

Elles devront parvenir en format Word et PDF par courrier électronique à Sandrine Le Pors, maître de conférences en Arts du spectacle : leporssandrine@gmail.com

Réponses aux auteurs : 6 octobre 2012.

Date de la journée d’étude : le 20 novembre 2012.

Comité d’organisation :

Axe « praxis et esthétiques des arts » de l’université d’Artois et théâtre d’Arras.

Coordination : Amandine Mercier et Laura Soupez.