Agenda
Événements & colloques
Fiction et simulation: Ce qui arrive au lecteur

Fiction et simulation: Ce qui arrive au lecteur

Publié le par Marielle Macé

<!>

Fiction etsimulation :

ce qui arrive aulecteur

Journée d'étude organisée par le CRAL, CNRS-EHESS,

18 décembre 2009 

ENS, 45 rue d'Ulm, Salle des Actes, 10h-18h30


Marielle Macé et Jean-Marie Schaeffer dir.

site : http://cral.ehess.fr/    Contact : mace@fabula.org 

Qu'arrive-t-il quand on lit ? On ne« reçoit » pas seulement un univers fictionnel, on y adhère, on yparticipe activement, on y simule des gestes, des perceptions et desmouvements, on fait l'expérience en pensée d'affections ou de faits physiques. Sousforme d'atelier collectif, cette journée d'études explore cette dynamiquementale de la lecture de fictions autour de la notion de« simulation », et l'élargit à l'expérience du joueur, du spectateurde cinéma et de théâtre.

Discutants de la journée : Françoise Lavocat, Michel Murat, Laurent Jenny,Catherine Grall

Atelier 10h-13h

Jean-Marie Schaeffer,Marielle Macé. Introduction

François Vanoosthuyse, Styles, affects,rêverie. Trois Poèmes d'Apollinaire

Anne Simon, Lire,chasser : décrypter charnellement le ‘'grimoire'' animal

Guillemette Bolens, Fictionet simulation : ce qui arrive au spectateur de Chaplin

Atelier 15h-18h

Clotilde Thouret,Lise Wajeman, Cequi arrive au spectateur (xvie-xviie siècles) : affectionsesthétiques

Olivier Caïra, Dulecteur au joueur : les fictions littéraires adaptées en jeu de rôle.

Jérôme Pelletier, Lirefictionnellement 

Résumés : 

Guillemette Bolens (Université de Genève)

« Fiction et simulation : ce qui arrive auspectateur de Chaplin »

En me concentrant sur les films faits aux studios de la Essanay (entre 1915et 1916) et de la Mutual (entre 1916 et 1917), je chercheraià mettre en évidence l'importance de la simulation perceptive dans lescourts métrages muets de Charlie Chaplin. Les séquences que nous visionneronsmettent en scène des actes de fiction kinésiques. Ces scènes thématisent lefait que l'efficacité de la fiction ne tient pas dans sa crédibilité ou savraisemblance mais dans sa capacité à faire entrer le spectateur dans le mondefictionnel. Or, en ce qui concerne le jeu de Chaplin, il est fréquent que celui-cifasse entrer le spectateur dans le monde fictionnel en provoquant chez lui dessimulations perceptives fonctionnant comme des opérateurs de métalepse. Unpassage du film The Adventurer (1917) sera particulièrementintéressant à cet égard.

Olivier Caïra (IUT d'Evry-EHESS) :

« Du lecteur au joueur : les fictions littérairesadaptées en jeu de rôle »

Il s'agirait de présenter des démarches d'adaptationd'oeuvres littéraires très différentes au jeu de rôle sur table (Les légendesde la Table Ronde, le fantastique en demi-teinte de Claude Seignolle, Le cyclede la Vieille Terre de Jack Vance, les chroniques barbares de Robert E.Howard), puis d'aborder plus en détail un auteur dont les multiples adaptationsludiques sont jugées problématiques à bien des égards (style, idéologie,construction du récit, rôle des personnages) : H.P. Lovecraft. A travers cesétudes de cas apparaîtront les contraintes du passage d'une forme de fiction àune autre et les risques de "trahison" de l'oeuvre que chaquecontrainte révèle. En devenant joueur, le lecteur change de vecteur et deposture d'immersion : de la confrontation individuelle à une fiction finie àl'engagement collectif dans un univers incomplet, de la collaborationinterprétative autour d'un texte au partage des tâches créatives autour d'unetable de jeu, du suivi contemplatif - et non passif - d'un récit à l'expérienced'une quête interactive et modulaire, d'une approche mimétique de l'universfictionnel à sa mathématisation partielle (système de simulation). Ce panoramarestera centré sur les jeux de rôle sur table (coeur de mon dernier ouvragepublié), mais pourra être élargi lors de la discussion à d'autres systèmes desimulation (jeu vidéo, jeux de société traditionnels) où se pose également laquestion des ponts avec la littérature.

Jérôme Pelletier (Université de Brest et InstitutJean-Nicod (CNRS, EHESS, ENS))

« Lire fictionnellement » 

Un récit est un objet multi-sensoriel. L'expérience de lalecture d'un récit (fictionnel ou non fictionnel) est enrichie de processus desimulations variées : simulations visuelles, motrices, auditives,émotionnelles…. Ces processus de simulations auxquels s'intéressent lesneurosciences du récit ne sont pas nécessairement conscients. Mais ilscontribuent à l'expérience consciente d'un récit formant une totalité. Ilsressortent de l'imagination narrative, une capacité à intégrer des événementsdistincts en une totalité, une capacité qui suppose un certain degréd'immersion du lecteur dans l'histoire narrée. Lorsque le lecteur a de bonnesraisons de penser que le récit est fictionnel, il va le lire fictionnellement,en simulant le rôle d'un lecteur d'un récit non fictionnel, en simulantpensées, croyances, désirs et émotions d'un lecteur d'un récit non fictionnel.Ces simulations relèvent non pas de l'imagination narrative mais del'imagination ludique ou fictionnelle. 

L'exposé distingue les simulations activées parl'imagination narrative des simulations mobilisées par l'imagination ludique oufictionnelle. L'hypothèse est faite que les simulations relevant del'imagination narrative disposent le lecteur d'un récit de fiction à lirefictionnellement.  

[Certains éléments de l'exposé portant surl'imagination narrative sont repris d'un article à paraître (J.Pelletier : « Du récit à la fiction : un point de vue dephilosophie cognitive », Théorie, analyse, interprétation desrécits / Theory, analysis, interpretation of narratives, Sylvie Patron, éd.,Berne, Peter Lang, 2010)] 

Anne Simon (CNRS)

« Lire, chasser : décryptercharnellement le « grimoire » animal (Genevoix) »

    Les bêtes, réputées mutiques, constituent unegageure pour la création littéraire : comment, par le biais du langage humain,rendre compte de « mondes animaux » (von Uexküll) qui semblent par définitiondevoir lui échapper ? La métaphore du monde-livre a quelques millénairesderrière elle : le roman rustique du début du siècle la revitalise en mettanten scène des bêtes qui écrivent un « grimoire » complexe à même la « pageblanche » de la terre (Genevoix), pour échapper à la traque dont elles sontl'objet. Le chasseur, pour décrypter ce livre de survie, écrit dans l'urgence,doit se faire un herméneute particulier, puisqu'il doit pour le comprendre semettre dans la peau de la proie/de l'écrivain. L'objet de la communication serad'examiner par quels procédés se trouve élaboré un processus particulier del'acte de lecture, fondé sur la sensorialité et l'instinct. Ce qui est en jeuest la capacité (ou non) à une sortie hors de l'humain qui interpelle denombreux écrivains contemporains, de Jean-Pierre Otte à Jean-Christophe Bailly.

Clotilde Touret (Paris IV) etLise Wajeman (Université d'Aix-Marseille)

« Ce qui arrive au spectateur (xvie-xviie siècles) : affections esthétiques »

On s'intéressera à ce qui arrive auspectateur des 16e et 17e siècles lorsqu'il est devant une peinture, unesculpture, une représentation dramatique, et en particulier à la manière dontson corps est affecté par ces oeuvres. Comme la représentation, la réception estd'abord pensée selon un processus mimétique qui reprend le modèle rhétorique,celui d'une simulation entendue non comme une feintise mais comme une ressemblance: saisi par l'objet qu'il regarde, le spectateur de l'oeuvre d'art fait corpsavec elle ; au théâtre, la passion représentée se communique au public sur lemode de la contagion. Mais au même moment, des théories de la réception pensentle spectateur comme nécessairement dissemblable à ce qu'il regarde. Il s'agitcependant, dans un cas comme dans l'autre, de réfléchir à l'efficacité de lareprésentation.

François Vanoosthuyse (Paris III)

« Trois poèmes d'Apollinaire.Styles, affects, rêveries »

<!>

Qu'entend-on par « image »lorsque l'on dit qu'un texte « fait image » ? L'idée qui orientenotre lecture est que ces images sont des affects, des affects qui neressortissent pas seulement au champ de l'oeil et de la vision mais quiconcernent plus généralement le corps, comme le fait le rêve; d'autre part, queces affects sont des réponses du lecteur à des opérations langagières précises,qu'on envisagera à la fois comme des configurations sémantiques et géométriqueset comme des points de plus ou moins grande intensité sur une chaîne, ordonnésselon une certaine pulsation. Les poèmes étudiés sont "Nuit rhénane","Mai" et "Les Femmes".