Questions de société

"Facs : une nouvelle mobilisation à prévoir pour la rentrée" (Les Inrocks 29/06/09)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Liste interne Paris13)


Facs : une nouvelle mobilisation à prévoir pour la rentrée


Juste avant de céder sa place à Luc Châtel à l'Education, Xavier Darcos a annoncé la suppression de 16 000 postes. Et après un semestre de dialogue impossible avec le gouvernement, le monde universitaire refuse de rendre les armes. On peut d'ores et déjà prévoir une reprise de la mobilisation, avec d'autres moyens, pour l'automne prochaine.
Le 29 juin 2009 - par Gilles Wallon

Sale temps sur la contestation dans les facs. Après cinq mois de protestation tous azimuts, alors que s'amoncellent les copies d'examens sur les bureaux des enseignants-chercheurs, la communauté universitaire accuse le coup. Elle reste sonnée par une politique ministérielle du rouleau compresseur déterminée à imposer, quel qu'en soit le prix, sa refonte du système universitaire français.
Alors qu'est finalement passée, après un très léger toilettage, la réforme tant décriée du statut des enseignants-chercheurs, les universitaires ne veulent pas baisser les bras. Leur lutte contre le démantèlement du CNRS continue. Leur dénonciation de la future formation des enseignants - la "mastérisation", d'ores et déjà repoussée à 2011 - ne faiblit pas non plus. Mais la Ronde des obstinés a quitté le parvis de l'Hôtel de Ville de Paris, et le temps des grandes manifestations semble terminé. La dernière "Academic Pride" (une "marche des savoirs") n'a pas eu le succès escompté. En attendant la rentrée prochaine, la communauté universitaire poursuit donc la lutte en mode mineur. Et fait un "bilan d'étape" pour mieux réfléchir à la suite des actions.

Car malgré son unité, le mouvement doit panser ses plaies. "On a mis du temps à comprendre que le pouvoir ne céderait pas", analyse Isabelle This Saint-Jean, présidente de l'association Sauvons la recherche. Pour mater sa communauté scientifique, Nicolas Sarkozy semble prêt à tous les excès. "Le gouvernement ne respecte aucune des règles du jeu, même quand il les a lui-mêmes édictées", remarque ainsi Valérie Robert, porte-parole du collectif Sauvons l'Université.
Dernier exemple en date : la démission, le 10 juin, d'une commission de présidents d'université, chargée de faire des propositions sur la mastérisation. Le ministère n'avait même pas attendu leurs conclusions pour lancer ses décrets. "Malgré un profond malaise dans les facs, le gouvernement fait litière de toute concertation. Il fait semblant d'écouter, mais avance au Kärcher", estime Pascal Binczak, le président de Paris-VIII.  Pour Isabelle This Saint-Jean, "même quand il a dû reculer", le gouvernement "n'a jamais voulu nous donner de succès apparent." Les non-suppressions de postes dans la recherche pour les deux années à venir ont ainsi été annoncées. par Eric Woerth, au détour d'une interview. Une méthode efficace pour "déposséder le mouvement d'une de ses plus belles victoires". Autre stratégie ministérielle payante : agiter l'épouvantail de "l'année universitaire perdue, alors que Pécresse savait aussi bien que nous que les cours allaient reprendre", pense Isabelle This Saint-Jean. "On n'allait pas mettre en péril l'année des étudiants. Là, médiatiquement, ils ont été plus forts." Pour Valérie Robert, "le gouvernement a joué sur notre amour du métier. Faire tourner la boutique, c'est important pour nous. On est sur un bateau qui prend l'eau, mais on ne peut pas se résigner à le laisser couler.
Ils ont joué de notre loyauté envers nos facs." 
Mais ce petit jeu pourrait s'avérer risqué pour les tenants de la réforme. Car c'est déjà la "loyauté" à l'université qui a valu aux frondeurs scientifiques l'une de leurs belles victoires : celle du "combat idéologique". "L'opinion publique a compris qu'ils se passait quelque chose de grave, un bouleversement profond des valeurs de nos institutions", se félicite Isabelle This Saint-Jean. "On a convaincu de la justesse de nos positions." De quoi repartir de plus belle à la rentrée, après un été consacré à la reprise des travaux de recherche. "Le mouvement n'a pas éclaté  l'unité est toujours là, l'été ne sera qu'une parenthèse", prévient Stéphane Tassel, secrétaire général du syndicat enseignant Snesup.
Dès octobre, la mobilisation pourrait même s'accentuer : "tant qu'on nous attaque, je ne vois pas pourquoi on ne répondrait pas", prévient Valérie Robert. Mais cette fois, la riposte prendra sans doute de nouvelles formes : "Il va falloir opter pour une résistance locale, faire reculer l'application effective des décrets dans chaque fac", anticipe Isabelle This Saint-Jean. "Se battre dans les conseils d'université, les UFR."
Pour Jean-Henri Roger, professeur à Paris-VIII et cocréateur de la Ronde des obstinés, "cette force de nuisance, cette capacité à retarder les choses, on l'a. Ce ne sera peut-être pas suffisant, mais c'est tout de même indispensable". Lui espère beaucoup d'une alliance des mouvements sociaux : "Le gouvernement n'a pas réussi à nous mettre à genoux. Il n'y a qu'une peur plus grande qui peut le faire céder : la convergence des luttes. Si on arrive à l'obtenir, tout change." Même analyse chez Pascal Binczak : "Le malaise est profond, le gouvernement n'est pas quitte. Un événement à la rentrée et tout repartira." Il suffit d'une étincelle.