Essai
Nouvelle parution
F. Rouvillois, Histoire du snobisme.

F. Rouvillois, Histoire du snobisme.

Publié le par Marc Escola

Histoire du snobisme
Frédéric Rouvillois


Paru le : 03/09/2008
Editeur : Flammarion
Collection : Au fil de l'histoire
ISBN : 978-2-08-120542-0
EAN : 9782081205420
Nb. de pages : 408 pages

Prix éditeur : 25,00€


Février 1914 : une grande enquête est lancée pour déterminer le sujet le plus " parisien " du moment.
Alsace-Lorraine, tensions avec l'Allemagne, poudrière des Balkans ? Erreur. La réponse est : Bergson. Les élégantes qui se pressent aux cours du philosophe s'arrachent d'ailleurs la dernière robe du grand couturier Worth, joliment appelée " M. Bergson a promis de venir. " Chers snobs, que le Collège de France préoccupe davantage que la guerre qui menace. Bergsoniens à la Belle Epoque, ils ont été amateurs de loirs au miel dans l'Antiquité, bourgeois gentilhommes ou précieuses ridicules au Grand Siècle, Incroyables ou Merveilleuses sous le Directoire, fashionables sous la Restauration, mais il leur a fallu attendre le milieu du XIXe siècle pour connaître la consécration, grâce au livre du romancier anglais Thackeray, Le Livre des snobs, acte de baptême du snobisme. Dûment nommés, nos snobs s'habillent à l'anglaise et courtisent les clubs chic, convoitent l'onction du titre de noblesse ou de la particule, s'émerveillent de la mise du comte d'Orsay, de Boni de Castellane, d'Oscar Wilde ou du prince de Galles.
Après la Grande Guerre, la séduction du grand monde finit par se tarir. Fleurit alors un snobisme nouveau, aujourd'hui plus vivace que jamais : il faut être dans le vent, ou mourir ! Goûter l'art cubiste puis abstrait, quand la foule en est aux impressionnistes ; s'affoler de la cuisine dite nouvelle pour, quand elle vieillit, célébrer les élucubrations chimiques de chefs inspirés. Ridicules, les snobs ? Avant de leur jeter la pierre, faites votre examen de conscience, en méditant le propos du maître en snobisme que fut Robert de Montesquiou : " il faudrait manquer d'esprit pour ne pas être snob ".

Sommaire:

SNOBISMES DU MONDE
Le mythe de la particule
Se faire un nom
Un titre et des armes
Du cosmopolitisme
En être
En avoir (de la religion)
En avoir (des décorations)
Le snob et sa presse
SNOBISMES DE LA MODE
Snobismes de la révolution
Le snob et les arts
Apparences, élégance
Les snobismes de la bouche
Turf, lawn, green

L'auteur:

Né en 1964, professeur de droit public à l'Université Paris-V, Frédéric Rouvillois vit à Paris.
Bibliophile et collectionneur de traités de savoir-vivre, il a publié de nombreux ouvrages d'histoire des idées, notamment une Histoire de la politesse (Flammarion, 2006) qui a rencontré un grand succès en France, et est en cours de traduction dans de nombreux pays étrangers.

*  *  *

R. Maggiori a consacré un article à cet ouvrage dans Libération:

"Manières. Frédéric Rouvillois déshabille le snobisme.

ROBERT MAGGIORI QUOTIDIEN : jeudi 4 septembre 2008

Etre snob, ce n'est pas bien. Mais être snobé estpire. L'excellence, même factice ou acquise par mille sophistications,vaut mieux que le miséreux isolement. Faut-il donc se contenter d'être au milieu,c'est-à-dire ne pas être snob ? Ce n'est pas simple, car en affectantde ne pas l'être, on l'est déjà un peu. Et, surtout, à n'être pasmembre du Jockey Club, à ignorer que la cravate en twill se fait fairechez Marinella, à se voir refuser une table chez Lipp ou au Mezzalunade Bangkok, à n'avoir jamais goûté un romanée-conti, à ne pratiquer nihockey sur gazon, ni cricket, ni polo, à ne connaître aucun cercleexclusif, à ne point se baigner dans la piscine de l'Automobile Club,sous la place de la Concorde, à skier à La Plagne plutôt qu'à Aspen, àrouler en Vélib' et non «sur son Batavia bien à soi (ou sur un vélo Chanel à neuf mille euros)», à ne compter en aucune occasion parmi les happy few, on risque de paraître «moyen» - et un peu plouc, aux yeux des snobs.

Eviter le snobisme est assez aisé : il faut être comme tout le monde(mais sans le faire exprès : il est chic de prendre le métro et semêler au peuple après avoir confié sa Maserati au voiturier du Ritz).Le pratiquer est plus compliqué. Qu'il relève de l'état d'esprit ou dela pose, il exige toujours un travail, et, comme tel, s'expose à desaccidents : susciter le rire du «vulgaire», dont il veut se distancier,et le mépris du «noble», qu'il veut imiter. Etre snob ressortitpourtant d'un plaisir raffiné que chacun, plus ou moins, a eu latentation d'éprouver : celui de se sentir un peu au-dessus du reste del'humanité, pas tant par son intelligence ou ses qualités morales quepar cette expérience mondaine dont on se prévaut pour être à l'aisepartout, ne s'étonner de rien, vivre dans l'excellence et l'exception.C'est pourquoi on ne peut être snob tout seul, de même qu'on ne peut,disait Sartre, être honteux tout seul. Le snobisme exige la différence,la division en classes, la présence des gens communs, sans qui lesentiment de supériorité ne pourrait être, et des gens du monde, sanslesquels le désir d'ascension ne saurait naître. Plus qu'un traitindividuel, le snobisme serait donc une culture, qui s'est manifestée àdiverses époques selon des modalités différentes et à traverslesquelles il est possible de radiographier une société, ses valeurs,ses aspirations, ses règles, ses fantasmes - comme l'atteste l'Histoire du snobisme de Frédéric Rouvillois.

Caste.Des snobs, il y en a toujours eu. Mais le snobisme «naît» lorsque William M. Thackeray, en 1846, le nomme et en popularise le nom, d'abord dans un feuilleton du journal The Punch puis dans le Livre des snobs.L'étymologie du mot lui-même est incertaine : snob, dans l'argot desétudiants de Cambridge, aurait désigné le citadin, le bourgeois, oubien serait l'abréviation (s.nob) de «sine nobilitate» (sansnoblesse), expression qui, dans les registres des grands collègesanglais, accompagnait le nom des élèves n'appartenant pas àl'aristocratie. Peu importe au demeurant : le snobisme, dans sa formeoriginelle, est un «snobisme du monde», se traduisant par lavolonté d'intégrer une caste privilégiée et de gagner son assentiment.Est snob, autrement dit, celui qui abandonne (et méprise) son groupesocial, se rapproche de la classe jugée supérieure, et, en attendantd'y être admis, tente de lui ressembler «par son nom ou son appartenance, ses goûts, ses opinions ou ses comportements».

A ce snobisme social, touchant le prélat comme le gentilhomme decampagne, le militaire, le lettré ou le négociant, s'adjoindra, fin XIXe siècle, un «snobisme de la mode», qui «renvoie à un autre type de supériorité, d'ordre intellectuel», et «ambitionne d'être toujours à l'avant-garde, au sommet du chic, à la pointe du bon ton».

Apparaître. Rouvillois décrit systématiquement ces deux aspectsdu snobisme. Le premier lui donne l'occasion de dessiner une fresquedétaillée (les exemples abondent) de toutes les formes d'arrivismeopérant sous l'Ancien Régime, après la Révolution, et, dans une moindremesure, au XXe siècle, de manifestations du désir d'apparaître et d'«en être», se traduisant par la quête d'une «noblesse de contrebande», l'achat de titres, le changement de nom, la «course à la particule», la collection de décorations, rubans et rosettes. C'est avec plus de délectation encore que Rouvillois fait le portrait des «snobs de la mode»,citant non seulement les personnages littéraires ou réels qui lesincarnent - du Prince de Galles à Boni de Castellane, d'Oscar Wilde àKarl Lagerfeld -, mais tout ce qui les identifie : marques, sports,grandes tables, habits, journaux, clubs, lieux ou pratiques (assisteraux cours de Bergson, s'habiller en Worth, porter le sac Vuitton 2007 «qui reproduit exactement, en cuir tressé, le célèbre sac "Tati-Barbès", mais avec le logo Vuitton en surimpression»).

Histoire futile que celle des snobs ? Si le ridicule tuait, il y enaurait moins, certes. Mais leur fonction, souvent parasitaire, n'estpas tout à fait inutile. «A se précipiter sans réfléchir sur toutes les avant-gardes, à s'enthousiasmer pour toutes les innovations», les snobs peuvent parfois, involontairement, opter pour ce qui, plus tard, aura vraiment de la valeur, «dans le mouvement des arts et des idées»."